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Patrick FANDIO: « J’ai quitté Bangangté pour rejoindre la France, un peu par hasard »

Patrick Fandio Press

Installé depuis avril 2016 en côte d’ivoire après avoir parcouru le monde aux cotés de France 2 et TF1, Patrick Fandio, 43 ans, Directeur Général de Hémisphère Media Group, natif du Cameroun, raconte son parcours et parle de ses nombreuses ambitions pour la presse africaine. Interview


Patrick Fandio Press
Patrick FANDIO – Capture écran TF1

Pouvez-vous nous retracer un peu votre parcours ?

Je suis né au Cameroun, où j’ai grandi et étudié jusqu’à mon baccalauréat. J’ai quitté Bangangté pour rejoindre la France, un peu par hasard, ayant obtenu une inscription à la fac de communication de Nancy. J’ai passé trois ans dans l’Est de la France avant de tenter un concours d’école de journalisme. J’ai ainsi été reçu au Celsa, l’école de l’université Paris IV-La Sorbonne. J’y ai passé deux années passionnantes avant de devoir choisir le type de média dans lequel je souhaitais exercer…Bien sûr comme jeune journaliste africain, je ne rêvais que d’une chose…intégrer la rédaction de la soi-disante « radio de l’Afrique »…Mais j’ai finalement rejoint France 2, où on avait pas vu de reporter noir depuis…longtemps ! C’était une formidable école, et j’y ai beaucoup appris avec d’éminentes figures…Marcel Trillat, Hervé Brusini, Michelle Fines, ou Thierry Thuillier qui m’a permis de couvrir ma première guerre…Irak 2003, la chute de Saddam… Puis j’ai été débauché par TF1 et j’ai continué à courir le monde pour raconter sa marche chaotique d’après Twin Towers : je suis de la génération 11 septembre. En 2009, j’ai eu envie de tout changer. J’ai pris congé de TF1 et je suis parti m’installer en Afrique du sud.. Je suis fasciné par le pays de Mandela … il était encore en vie. Et puis il y avait cette première Coupe du Monde de football sur le sol africain. Et je ne voulais pas rater l’Histoire. J’y ai monté une boîte et pendant 18 mois, ce fut une expérience enrichissante que j’ai quitté avec regrets. Mais je quittais Johannesburg pour Jérusalem…un rêve journalistique. J’y suis resté cinq ans, dans une période d’espoir puis de furie et de chaos à travers le Moyen Orient que j’ai parcouru en long et large…puis l’appel de l’Afrique s’est de nouveau manifesté et j’ai décidé de poser mes valises ici à Abidjan en créant Hémisphère Media Production. Nous sommes près de 25, installés sur deux sites, à Abidjan et à Yaoundé au Cameroun où nous avons un bureau qui couvre l’Afrique centrale. On a des plans d’ouvertures dans d’autres villes et régions africaines

Comment décririez-vous Hémisphère Media Production ?

C’est l’aboutissement d’un projet vieux de plusieurs années. Je souhaitais créer une plateforme pour créer du contenu sur l’Afrique aux standards internationaux, faire partager et fructifier cette expérience internationale pour participer à l’émergence d’un écosystème audiovisuel de qualité sur le continent. Beaucoup reste à faire, mais je suis heureux de participer à cette aventure. Hémisphère Africa est installée depuis avril 2016 en Côte d’Ivoire autour de quatre piliers : l’information, la formation, le numérique et la production institutionnelle. Nous avons développé en priorité le contenu informatif en assurant la correspondance pour de nombreux médias internationaux comme TF1, TV5 Monde, France 24…et en travaillant aussi pour Arte ou Canal+ Afrique. Nous menons des missions de formation et d’amélioration de compétences pour la RTI, la télévision publique ivoirienne dont nous avons contribué à refaire le plateau du journal télévisé, tout en coachant la rédaction. Nous sommes en train de travailler sur une plateforme digitale parce que l’Afrique a soif d’informations et attend toujours le média panafricain crédible qui lui racontera son quotidien. Enfin, nous développons notre offre de contenus institutionnels en partenariat avec des décideurs publics ou organismes internationaux comme la Banque Africaine de Développement, l’Organisation Internationale pour les Migrations de l’ONU ou encore le Programme des Nations Unies pour l’Environnement…

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Qu’est-ce qui a motivé le lancement de votre société de production ?

L’idée qu’il est temps que les professionnels africains retournent sur le continent pour s’engager dans la bataille des contenus qui a déjà commencé. L’Afrique est ou va devenir une terre de conquête pour les mastodontes de la production internationale. Va-t-on accepter que des structures africaines ne puissent pas être présentes dans ce secteur audiovisuel dont on connaît l’influence sur les représentations, les esprits et au final le pouvoir ? Les Africains doivent pouvoir raconter eux aussi leur histoire à l’Afrique et au monde. Et je ne cesse d’alerter les décideurs, les financiers quand j’en croise, les confrères et collègues sur l’enjeu colossal qui est devant nous. La télévision en Afrique a longtemps été une poubelle pour les programmes occidentaux amortis. Notre génération a subi ça dans les années 80 et 90. Il m’importe que demain des acteurs africains soient au cœur de la production de contenus pour l’Afrique et le monde. J’espère qu’Hémisphère sera l’un d’entre eux

Quel type de contenu produisez-vous ?

Des reportages news à chaud pour les journaux télévisés suivant la ligne éditoriale de chacun de nos diffuseurs, des formats un peu plus longs de magazines d’actualités, des formats longs de grands reportages ou d’investigation, mais aussi des pastilles vidéo ou encore des films documentaires institutionnels… Nous avons une gamme variée de productions qui demandent des compétences diverses et c’est ce que nous essayons de regrouper dans une plateforme avec des profils variés qui viennent d’Afrique mais aussi d’Europe. La qualité internationale au coin de la rue, voilà ce que nous aspirons à produire…

Quels sont pour vous les principaux enjeux de la production audiovisuelle en Afrique francophone subsaharienne ?

Le principal enjeu pour moi c’est d’arriver à créer un véritable marché audiovisuel. C’est de convaincre les Etats qu’il y a un potentiel énorme en termes d’emploi et compétitivité et qu’il faut aider le secteur à croître. C’est de persuader les hommes d’affaires et les milliardaires africains qui s’affichent à la une des journaux économiques, qu’investir dans l’industrie des médias avec des professionnels est un placement « win win ». C’est former encore et toujours plus les jeunes professionnels de demain qui vont faire grandir ce secteur. Comme dans la téléphonie ou le money banking, l’Afrique peut opérer le saut technologique qui lui permettra de faire la convergence des contenus audiovisuels et numériques. Quand on regarde la démographie galopante, l’accroissement des revenus, on comprend pourquoi des sociétés de production étrangères se positionnent sur le continent. Tout l’enjeu est de savoir si les productions et les producteurs africains seront de la partie. Nous y travaillons…

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Quelles sont les principales difficultés que vous rencontrez ?

Les ressources humaines … c’est le talon d’Achille de la production africaine à mon sens… Dans tous les métiers, il y a un besoin d’amélioration de compétences ou d’acquisitions basiques de procédés. Voilà pourquoi nous à Hémisphère, nous investissons du temps dans la formation interne et externe. Le potentiel est là et je suis ravi de la qualité que mon équipe a atteint depuis deux ans…Les autres difficultés sont plus générales…surface financière restreinte des clients, goût prononcé pour la bureaucratie dans certaines parties du continent…rien de nouveau sous le soleil !

Vous avez choisi de créer l’Hémisphère Académie . Quel est son but ?

On travaille encore à son lancement et on espère y arriver l’année prochaine. D’abord il y a un besoin immense et des attentes nombreuses. Ici en Côte d’Ivoire, quatre nouvelles chaînes privées sont censées voir le jour d’ici la fin de l’année ou plus tard. Ailleurs en Afrique francophone subsaharienne, des dizaines de milliers de jeunes rêvent de faire partie de cette industrie des médias au sens large sans trouver sur place les offres de formation adéquate. Donc il y a un enjeu de formation professionnelle et de développement économique. Au-delà de ça, des professionnels de l’audiovisuel formés aux standards internationaux, dans des Etats souvent fragiles où la démocratie et la liberté d’expression sont défiées au quotidien, ça ferait du bien à la société entière…

Quelles sont vos prochains projets de développement ?

Nous continuerons à développer notre secteur contenu audiovisuels pour les médias en racontant encore plus la marche du continent pour nos diffuseurs internationaux et africains. Nous comptons développer cette offre digitale pour à terme devenir nous même un pure player et raconter le continent à travers notre prisme et en apportant la valeur ajoutée de notre regard. Nous allons encore plus proposer aux entreprises et institutions des compétences qui leur font défaut souvent en interne pour médiatiser leurs causes. Nous travaillons également sur un projet d’émission qui sera une nouvelle page qui s’ouvrira dans le livre d’aventure d’Hémisphère Africa.

Le passage à la TNT, l’explosion du contenu en ligne ou mobile, le bel avenir promis à l’image sur le continent…Je pense qu’il y a là une opportunité historique. Encore faudra-t-il être prêt pour la saisir….

(c) Propos receuillis par le média adweknow.com


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