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Point de vue : « La lutte pour la renaissance du Cameroun c’est aussi une lutte pour l’humanisation de nos prisons »

prison yaounde kondengui 009 ns 700

Dans une tribune parvenue à la rédaction de Lebledparle.com, le juriste et philosophe Christian Djoko décrit les conditions de vie exécrables dans les prisons camerounaises, qui selon lui ont besoin d’être humanisées, car selon lui, « personne n’est à l’abri ».

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Images de la prison central ede Nkodengui – (c) DR

Je lisais récemment l’histoire d’un certain Jules Omer Tchuenkam (voir photo1), victime de trafic d’influence et placé en détention préventive depuis 10 ans à la prison centrale de Yaoundé. 10 ans qu’il est au gnouf en attente de son procès. 10 ans qu’il est en ngata, loin de sa femme, de ses 3 enfants et de sa famille. J’ai aussi ouï-dire que la médiatisation et la mobilisation récentes autour de son cas ont eu pour effet de débloquer la situation. Espérons maintenant pour lui un dénouement heureux.

Le règne de la loi du plus fort

Mais au-delà du triste cas de Jules, qu’en est-il de ceux et celles dont la situation n’est pas médiatisée ? Qu’en est-il de ces milliers de camerounais(es) victimes d’une justice injuste, « amnésique », politique et foncièrement corrompue ? Qu’en est-il de ces vies brisées, néantisées par un système qui n’a de justice que de nom?

En sortant un tout petit peu du traitement lacrymal, du périmètre émotionnel que nous impose cette histoire, on découvrira alors que l’histoire de Jules est loin d’être un cas isolé. C’est l’histoire de nombreux camerounais et camerounaises.

La source d’où par cette injustice, cette violence qui détruit et prive un père de ses enfants pendant 10 ans c’est le système Biya. Un système bâtit entre autres sur la corruption et la loi du plus fort. Je veux dire la loi de ceux qui ont le « nom » ; de ceux qui ont la godasse ; de ceux qui ont les relations. « Nesssa c’est vous, nessaaa le pays vous appartient » disions-nous alors à l’époque au kwatt en frémissant devant le  » frère de », le « fils de », le « cousin de » ou le commissaire untel qui abusait de son autorité ou de sa filiation pour nous « sissia », nous intimider.

Les conditions carcérales épouvantables

La peur du gnouf c’est quelque chose! Et pour cause! Tous ceux et celles qui ont un jour fait un tour à la prison de Kondengui savent que l’humanité et la dignité s’arrêtent au portillon d’entrée. À l’intérieur du gnouf c’est l’enfer. Plus que ta liberté, c’est ton humanité qui s’enrhume, s’abîme, s’écrase dans l’obscurité, l’insalubrité, la promiscuité, l’infect, le wataroute et la maladie. Allez y jeter un coup d’œil dans le quartier des femmes (voir photo 2) ou des mineur.e.s. Certain.e.s vous diront que la prison au Cameroun dépasse la mort. Entendez: mourir en soi n’est rien quand ta vie est en permanence dans le couloir de la mort ; quand ta vie rime avec survie. D’ici là, prévoyez vos mouchoirs, en abondance de préférence. C’est un spectacle pathétique qui vous y attend. Moutmout, Kapnogo et korokoro sont fatalement le partage de plusieurs détenu.e.s, tant il est vrai que les conditions sanitaires y sont exécrables.

En fait, je suis en train de dire que le cas de Jules va bien au-delà de Jules. Ce dernier n’est que la victime repéré et visible d’une situation de délabrement général de notre système judiciaire et de notre milieu carcéral ; il n’est que la conséquence de plus d’un système de gouvernance fondé sur la corruption, le trafic d’influence et la loi du plus fort. Bref un régime qui a le cœur sombre et méchant.

Un responsable : le régime Biya

Oui, je connais déjà la sempiternelle question-excuse : « Paul Biya, est donc responsable de tout ? » Oui, il en est le responsable. Il ne peut pas être président de tout y compris de la nomination des SP sans être responsable de tout en même temps. Le pouvoir s’accompagne de responsabilité. Ce sont les deux faces d’une même pièce. Et puis, on le sait d’antique mémoire que le poisson pourrit toujours par la tête.

La manière avec laquelle un pays traite ses prisonniers permet aussi de mesurer à quelle distance il se situe des droits fondamentaux. La lutte pour la renaissance du Cameroun c’est aussi une lutte pour l’humanisation de nos prisons. Personne n’est à l’abri. Et si vous doutez, je vous prie de demander au couple Mebe Ngo’o…demandez au Golden boy de Zoétélé… demandez au couple « Bonnie and Clyde » de la politique camerounaise, il vous dira.

NB : Gnouf ou Ngata est un mot argotique pour désigner la prison.

*Christian Djoko*


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