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Léonora Miano désavoue Patrice Nganang : « Les luttes politiques sont légitimes, la haine de l’autre ne l’est jamais »

Leonora Miano

L’écrivain d’origine camerounaise, Léonora Miano à réagit sur Facebook aux propos de son collègue écrivain, Patrice Nganag.

Leonora Miano
Léonora Miano (c) Droits réservés

En effet, dans une de ses publications sur la toile, Patrice Nganang établissait un pont entre les Hutu au Rwanda, et les Bulu au Cameroun.

Face à cette assimilation diabolisante de l’ethnie Bulu, Léonora Miano s’est saisie de sa plume pour faire le point.

Lebledparle.com vous propose cette sortie de Miano

Vous le savez, je ne m’exprime pas sur le Cameroun. On me le reproche d’ailleurs assez souvent, ce qui ne suscitera de ma part aucun changement d’attitude dans une situation d’ores et déjà trop polarisée.

Pourtant, ce matin, je voudrais dire un mot des propos ci-dessous qui me bouleversent. Ils révèlent, bien sûr, l’état d’une partie de l’opinion et, surtout, les extrémités vers lesquelles certains seraient prêts à pousser le pays pour des raisons opaques, tant ces mots s’éloignent de tout patriotisme véritable, de tout esprit de fraternité.

La déclaration ci-dessous sous-entend que les Hutus du Rwanda seraient en quelque sorte des génocidaires ataviques, qu’ils le seraient parce que hutu (leur nom devient ici une manière de désigner les criminels), qu’il n’y aurait eu, parmi eux, personne à sauver, et qu’il en est toujours ainsi (l’énoncé est au présent, le propos affirmatif). Ceci est déjà insupportable, inadmissible en soi. Aucun de nous ne peut laisser dire cela, laisser passer cela.

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Mais au-delà, en ce qui concerne les Bulu du Cameroun, la violence de ces mots est injuste et irresponsable.

Si des Bulu comptent bien parmi les bénéficiaires du régime actuel au Cameroun, d’autres aussi en profitent. Et non seulement des ressortissants de toutes les régions du pays font-ils partie des privilégiés de ce système, mais en ce qui concerne la communauté Bulu (visée dans sa globalité, sans la moindre nuance), faut-il rappeler qu’elle habite une des régions les plus sinistrées du Cameroun ? Faut-il redire qu’il n’y a même pas de route pour se rendre à Sangmelima ? Est-il nécessaire de faire remarquer que, comme ailleurs, on s’est aussi battu en pays Bulu pour la libération du Cameroun ?

Incriminer de la sorte un groupe humain entier dont il est aisé de démontrer qu’il est loin de jouir de l’appartenance du chef de l’État à cette communauté, n’a pas de sens. Cela ne peut que servir à dresser les Camerounais les uns contre les autres, un peu plus chaque jour.

Ceux qui profitent du régime au Cameroun sont connus de tous. Chacun a un nom, lequel ne saurait se confondre avec celui de sa communauté. Ce ne sont pas des villages entiers qu’il faudra un jour traduire devant la justice, mais des individus. Il importe de s’en souvenir.

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Ceux qui se sont autrefois battus pour libérer le Cameroun du joug colonial l’ont tous fait en tant que Camerounais. Pour le Cameroun. Pour l’Afrique. C’est la vision qu’ils nous ont laissée, un héritage fédérateur, fraternel, un puissant désir d’unité qui transcendait les frontières du Cameroun. C’est ce qu’il faut faire prospérer, aujourd’hui plus que jamais.

Les luttes politiques sont légitimes. La haine de l’autre ne l’est jamais.

N. B. Ne vous laissez pas enfumer par des explications selon lesquelles « bulu » ne ferait pas référence à la communauté bullée. Le procédé visant à utiliser le nom d’un groupe humain en guise de métaphore du mal (ou même de la souffrance comme cela arrive aussi) est de toute façon plus que problématique. En particulier dans le climat qui règne actuellement au Cameroun.

Si même il s’était agi d’indiquer que tout le groupe n’est pas responsable des méfaits dus à une minorité (cas donc des Hutus dont l’expérience sert d’étalon), l’analogie ne sied pas. On n’en est tout de même pas là. Enfin, tout ce qui est excessif, etc.


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