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Tribune : « Le régime quadragénaire qui dirige le Cameroun est psychologiquement très fragile »

Kamto Maurice 2

Charles Mongue-Mouyeme, consultant média et observateur politique fait une analyse de la libération de Maurice Kamto, ses cadres du parti, ses alliés et certains militants du MRC. Lebledparle.com vous propose l’intégralité de la chronique.


Kamto Maurice 2
Maurice Kamto – DR

MRC-KAMTO : LA VICTOIRE PSYCHOLOGIQUE À L’ÉPREUVE DU BOOMERANG TRIBALISTE

La répression violente des « marches blanches » du MRC qui contestait les résultats de la Présidentielle 2018 au Cameroun, puis l’incarcération du Pr Maurice Kamto avec ses alliés et des centaines de militants de son parti, étaient des indications que le pouvoir en place à Yaoundé était à cran, atteint au moral dans la guerre psychologique que lui imposait le MRC en guise de conflit post-électoral. La libération d’une partie de ces prisonniers particuliers le 5 octobre 2019 après environ 9 mois de détention, suite à un arrêt de poursuites ordonné par le Chef de l’Etat, est venue confirmer la tendance victorieuse du MRC dans ce combat psychologique.

En effet, depuis la proclamation des résultats de l’élection présidentielle d’octobre 2018, le MRC avait décidé d’entrer en « résistance » pour dénoncer le « hold-up électoral » dont il se disait victime. Maurice Kamto et ses stratèges ont instruit leurs partisans de répéter inlassablement, partout où ils prendraient la parole, que Paul Biya est le « président illégitime » (pas illégal), et Kamto le « président élu ». Cette consigne a tant et si bien été respectée, qu’au fil de l’évolution du débat politique post Présidentielle 2018, on a vu monter la colère et l’exaspération dans les rangs du RDPC au pouvoir, et ses alliés.

Dans le même temps, des individus se réclamant militants du MRC ou partisans de Maurice Kamto, apôtres de la primauté de leur ethnie (Bamiléké) au Cameroun, ont pris d’assaut les réseaux sociaux pour soi-disant porter leur « frère » au pouvoir. Et comme ils n’avaient souvent comme arguments que les dithyrambes pour leur tribu, et le dénigrement pour ceux qui commettaient le blasphème de ne pas faire chorus avec leurs excès langagiers, ils ont fini par provoquer chez d’autres camerounais une réaction de rejet et de diabolisation de Kamto et du MRC. Ainsi, en accusant Kamto et le MRC de rage, on essayait en réalité de noyer « l’impérialisme » bamiléké.

Maurice Kamto et ses stratèges MRC et alliés, soit par mauvaise appréciation du risque de nuisance, soit par négligence, soit par calculs opportunistes, ont laissé faire ces tribalistes primaires, alors qu’eux-mêmes ne tenaient pas de discours à tonalité tribaliste dans l’espace public. Au lieu de condamner vigoureusement les dérives de ces extrémistes qui prétendaient les soutenir, et d’appeler fermement leurs militants à se désolidariser de cette montée du suprémacisme ethnique dans l’espace politique, ils s’en sont souvent tenus à de molles dénonciations et mises au point.

Et ce qui devait arriver est arrivé : Kamto et le MRC ont été érigés en porte-flambeaux de l’avidité du peuple bamiléké à conquérir le pouvoir au Cameroun. En leur corps défendant. Et la confusion s’est installée : pour résister aux velléités de domination ou d’invasion des bamiléké, il fallait combattre Kamto et le MRC. Les adversaires politiques du MRC ne pouvaient pas rater une telle occasion d’affaiblir ce concurrent qui avait séduit beaucoup de camerounais par la densité et la pertinence de son projet politique : ils se sont employés à amplifier les violences verbales de ceux qu’ils appelaient désormais les « tontinards » en référence aux tontines très prisées chez les bamiléké. L’exaspération a cédé la place à la phobie et à la haine, surtout avec l’essor dans les réseaux sociaux de flibustiers (pompeusement appelés « influenceurs web ») se réclamant de la tribu des gens « nés pour gouverner le Cameroun ».

Sans l’aval officiel du MRC, des esprits malins ont voulu s’accrocher à Maurice Kamto pour assouvir leurs instincts bassement tribalistes d’ethnie supérieure. Un régime machiavélique digne de ce nom ne pouvait que surfer sur les divisions pour mieux asseoir son règne. Le MRC bashing et la kamtophobie ambiante ne sont donc que l’effet boomerang de tentatives d’instrumentalisation des ethnies à des fins politiciennes en apparence, mais réellement alimentaires.

Les réactions des anti-MRC/Kamto (que les « tontinards » appellent « sardinards ») à l’annonce de l’arrêt des poursuites en faveur d’une partie des prisonniers MRC et alliés, montrent qu’ils n’arrivent pas encore à digérer leur défaite dans la guerre psychologique contre leurs adversaires : depuis, ils raillent le « président élu » d’avoir obéi à une décision du « président illégitime » en acceptant de sortir de prison sur son ordre ; ils menacent Maurice Kamto de répression sévère s’il persiste dans sa « résistance » ; ils attribuent même à Mme Kamto la paternité d’une lettre de remerciements à Paul Biya pour sa clémence.

Le MRC et sa coalition savent désormais que le régime quadragénaire qui dirige le Cameroun est psychologiquement très fragile. Malgré l’apparente certitude de sa puissance, et le masque d’intimidation et d’arrogance qu’il présente, le pouvoir a montré, à travers sa gestion grossière du cas Kamto/MRC, qu’il peut paniquer et commettre beaucoup d’erreurs face une adversité solide. Le MRC sait aussi que pour abandonner le thème du « hold up électoral » qui risque de produire l’effet Jean Ping (Gabon) à la longue, il faudra lancer un autre thème au moins aussi dévastateur pour le moral des gouvernants. Il ne va certainement pas tarder à être dévoilé, le séjour en prison étant réputé très inspirant.

Le Pr Maurice Kamto est sorti de prison, mais il a des boulets dont il doit se libérer pour faciliter sa marche politique : son séjour d’environ 7ans dans le gouvernement qu’il doit solder définitivement afin qu’on ne le lui oppose plus pour dire qu’il est comptable du bilan du Président Biya qu’il combat aujourd’hui ; la tendance de ses partisans à le déifier, ce qui ne le démarque pas du « créateur des créatures » auquel il s’oppose ; ces gens qui s’agrippent à lui en clamant que c’est au tour de leur ethnie de régner sur le Cameroun qu’ils considèrent comme un gâteau à se partager, et qui contribuent à lui conférer l’image réductrice et politiquement destructrice de champion des bamiléké.

Charles MONGUE-MOUYEME

Pour approfondir :   Cameroun : Courroucé, un enseignant dénonce cinq violences graves perpétrées à l’endroit de ses collègues de 2018 jusqu’au meurtre de Njomi Tchakounté

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