Depuis un bon nombre de temps, le Père Jésuite Ludovic Lado nous propose sa chronique dominicale en résonnance avec les textes proposés par l’Eglise pour méditation. L’homme de Dieu se saisi des textes du 28e dimanche du Temps Ordinaire de l’année liturgique « C », pour traduire l’actualité de la semaine au Cameroun marquée par le séjour présidentiel à Lyon et les émeutes dans la ville de Sangmélima. Lebledparle.com, vous propose l’intégralité de la chronique diachronique du Père Lado.
MACRON EST-IL LE PROPHÈTE (D’) ELYSÉE ?
L’actualité camerounaise de cette semaine a été marquée, entre autres, par le voyage du chef de l’Etat à Lyon que je compare ici au voyage en Israël du général syrien Naaman dont il est question dans la Parole de Dieu de ce dimanche. Naaman le Syrien était atteint de lèpre et il a quitté son pays pour se rendre en Israël consulter le prophète Elysée qui lui demanda d’aller plonger sept fois dans le Jourdain pour retrouver la guérison. Il est aussi question dans l’évangile de dix lépreux qui vinrent à la rencontre de Jésus pour implorer la guérison, et il leur demanda d’aller « se montrer au prêtre ». Qui donc guérira le Cameroun de la lèpre de la mauvaise gouvernance ? Macron (d’) Elysée ?
Alors que le Cameroun traine sa lèpre de mauvaise gouvernance, Paul Biya s’est rendu en France pour parler de lutte contre le Sida et le paludisme avec Macron. Nous l’avons entendu dire qu’il lui a aussi rendu compte de son Grand Dialogue National qui avait une visée thérapeutique pour le peuple Camerounais. Naaman était chez le prophète Elysée. Paul Biya est allé chez le prophète d’Elysée. Mais Macron peut-il jouer auprès de Paul Biya le rôle que le prophète Elysée a joué auprès du général Syrien Naaman ou celui que Jésus a joué auprès des dix lépreux en leur prescrivant la bonne thérapie ? J’en doute !
Mais le schéma est le même dans les trois cas. Dans le premier, Naaman, après sa guérison revient dire merci au prophète Elysée en lui offrant un présent, ce que le prophète refuse pour lui signifier que sa guérison est l’œuvre de Dieu à qui revient toute gloire : « Chantez au Seigneur un chant nouveau, car il a fait des merveilles ; par son bras très saint, par sa main puissante, il s’est assuré la victoire. Le Seigneur a fait connaître sa victoire et révélé sa justice aux nations » (Psaume). Dans le second cas, l’un des dix lépreux guéris, un étranger, revient « pour rendre gloire à Dieu » : «L’un d’eux, voyant qu’il était guéri, revint sur ses pas, en glorifiant Dieu à pleine voix » (évangile). C’est le sens de la gratitude ! On a vu Paul Biya rire aux éclats en France, ce qui est rare au Cameroun. Dans le cas de Macron, il a prescrit à Paul Biya d’organiser un dialogue national pour faire face à la crise anglophone qui secoue le Cameroun. Ce qu’il a fait. Puis, il est allé rendre compte à Macron, mais de quoi ? De la guérison de son pays ? Nous n’y sommes pas encore ! Le Cameroun a un long chemin à faire pour trouver la guérison. Même les scènes de pillage des boutiques des « allogènes » à Sangmélima sont une autre face hideuse de cette même lèpre.
Sous le poids de la lèpre de la mauvaise gouvernance, les Camerounais continuent de crier dans les églises et chapelles : « Jésus, Maître, Prends pitié de Nous » ! Jusqu’à quand ? Jusqu’au jour où les chefs d’Etat de l’Afrique centrale arrêteront d’aller au Palais de l’Elysée dire : « Macron, maître, Prends pitié de nous ». Jusqu’au jour où chaque chrétien camerounais, au nom de sa foi en Jésus Christ, portera sa croix pour s’engager résolument contre la lèpre de la mauvaise gouvernance au point de dire comme saint Paul : « C’est pour lui que j’endure la souffrance, jusqu’à être enchaîné comme un malfaiteur. Mais on n’enchaîne pas la parole de Dieu ! » (Deuxième lecture).
Jésus a dit aux dix lépreux : « Allez-vous montrer au prêtres ». Macron qui n’est ni le prophète Elysée ni Jésus devrait dire à Paul Biya : « Allez-vous montrer au Peuple Camerounais ». C’est au peuple Camerounais de constater la guérison du Cameroun. C’est au peuple camerounais que Paul Biya doit rendre compte, pas à Macron. Que le Chef de l’Etat rentre donc au Cameroun et qu’il fasse une Grande Tournée Nationale dans le Nord-Ouest et le Sud-Ouest pour s’excuser de son indifférence auprès des victimes de la crise anglophone. Qu’il aille au Nord consoler les victimes de Boko Haram. Qu’il aille à Sangmelima consoler les victimes de pillages. Et peut-être qu’un jour, le peuple camerounais s’entendra dire : « Relève-toi et va : ta foi t’a sauvé » (évangile). Alors, le président pourra rire aux éclats avec son peuple. Bon Dimanche et à Dimanche prochain.
Ludovic Lado, Jésuite