Invité à Radio France international (Rfi) ce mardi 15 octobre 2019, le Français d’origines camerounaises a voulu démontrer que l’accord de Paul Biya, président camerounais et d’Emmanuel Macron, président français, est la condition sine qua none pour que son problème de réhabilitation trouve une issue favorable.
Interpellé le 12 mai 1997 pour « détournements de derniers publics et trafic d’influence en coaction avec Titus Edzoa » pendant qu’il dirigeait le consortium chargé de la construction des infrastructures routières au Cameroun, Michel Thierry Atangana, expert financier, est jugé le 3 octobre 1997 et détenu en prison où il recouvrera la liberté le 24 février 2014 puis s’envolera pour la France, pays dont il porte à présent la nationalité.
Cinq ans après, le problème de « réhabilitation intégrale » reste posé. C’est en tout cas ce qu’explique le « Doyen des Français » au passage à Rfi.
Plusieurs députés vont se pencher dès ce matin sur la question de la protection des Français vivant à l’étranger. Vous êtes à l’origine de cette démarche. Qu’est-ce que vous souhaitez comme évolution dans la protection consulaire ? Un sujet que vous connaissez trop bien. Pour reprendre votre histoire, nous sommes le 12 mai 1997. Vous travaillez pour un groupe français au Cameroun et vous êtes interpellé par des éléments des forces spéciales.
Vous entrez à ce moment-là, dans un très long tunnel dont vous ne sortirez que 17 ans plus tard. Une grande partie de ces 17 ans pendant laquelle, la France n’a pas levé le petit doigt pour vous venir en aide. Tout à fait ! Et aujourd’hui, tout l’effort que je fais, c’est de participer pour que pareille situation n’arrive plus jamais à aucun autre citoyen français. Et avant tout comme c’est la première fois que je prends publiquement la parole depuis la mort de Louis Joinet co-créateur du groupe de travail sur la détention arbitraire, qui vient de nous quitter.
Cet homme a fait un travail très important et qui contribuait justement à protéger les Français qui sont installés hors de France. Il faut profiter de cet instrument qui est d’abord français pour participer à ce que cet avis soit d’abord reconnu en France. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. La France a créé un instrument pour protéger des vies. Mais qui n’est pas reconnu en France. Il y a quelques jours, dans ce studio de Rfi, un ambassadeur ancien directeur du Quai d’Orsay expliquait comment ils ont créé le groupe de travail. Les députés se penchent pour voir comment faire en sorte qu’il y ait cette application automatique vis-à-vis du groupe de travail.
Alors je disais que pendant ces 17 ans, il a fallu 12 avant que quelque chose commence à se passer. Comment vous expliquez cette absence totale du soutien de la France pendant une si longue période ? Est-ce que c’est parfois ce qu’on appelle la raison d’Etat ?
La raison d’Etat tout à fait ! Ensuite, tout le monde n’a pas les mêmes chances. Tout le monde n’a pas le même souci de la France. La vie humaine n’a pas pour moi, le prix identique pour tout le monde.
Ce qui est effarant dans votre cas, c’est qu’il a fallu que les Etats-Unis c’est-à-dire que le département d’Etat américain vous considère comme un prisonnier politique avant la France. Qu’Amnesty International vous considère comme un prisonnier d’opinion et que les Nations unies reconnaissent votre détention comme arbitraire (…) pour que du côté français ça bouge un peu…
Bruno Gain, ancien ambassadeur de France au Cameroun, a fait un travail très important. C’est lorsqu’il a pris ses fonctions que les choses ont commencé à se débloquer un peu.
Et en France, il y a des sénateurs qui se sont mobilisés. Quelques sénateurs M. Le Comte, M. Frasa, M. Fiché. Ils ont travaillé. Mais avant cela, il ne se passait absolument rien.
Et aujourd’hui, encore malgré ce que dit Amnesty, malgré le constat de la détention arbitraire par les Nations unies, on vous dit que c’est à vous de faire la démarche et de prouver que la détention était arbitraire.
C’est le mécanisme, En réalité, François Hollande a posé des actes très importants mais incomplets.
Vous rappelez la lettre que François Hollande vous a adressée et qui commençait par quels que soient les crimes nue vous avez commis alors nue vous étiez totalement innocent »
Toutes les instances internationales parlaient d’une détention arbitraire ou politique. Et là, le président de la République m’envoie une lettre, quels que soient les crimes que vous avez commis. C’est très dur à vivre. Vous êtes broyé par une justice et pour la première fois que votre président intervient, il utilise des termes qui ne sont pas totalement corrects. Maintenant au temps de Laurent Fabius il ne s’est rien passé, de Jean Marc Ayrault il ne s’est rien passé. Avec Yves Le Drian on a commencé à voir des évolutions dans la reconnaissance de la valeur juridique des avis.
Donc la relation entre le Quai d’Orsay et les députés s’est améliorée. Il faut passer à la phase active. Récemment je regardais la rencontre entre les deux présidents : Emmanuel Macron et Paul Biya à Lyon avec la présence du ministre des Affaires étrangères. Il suffit d’un seul mot. D’un acte pour que ce dossier sorte de là où il est aujourd’hui. J’ai 22 ans de souffrance. Selon ce que François Hollande m’avait dit ce jour-là quand il me reçoit, « Vous êtes le doyen des Français détenus hors de France ». Et là aujourd’hui, le doyen que je suis continue d’accumuler des années.
Vous êtes libre aujourd’hui, mais pas réhabilité. Vos biens au Cameroun sont toujours gelés. Vous ne pouvez avoir un compte bancaire en France par exemple parce qu’il y a toujours une procédure judiciaire pendante et active qui vous interdit d’avoir un compte bancaire…
Je peux avoir un compte bancaire en France. Mais je n’ai pas accès aux comptes bancaires qui ont été bloqués pendant ma détention. Et aujourd’hui, tous mes avoirs sont bloqués. Je fais face à des poursuites judiciaires nombreuses. Il y a mes avocats qui me demandent des règlements que je ne peux pas opérer pour l’instant. Ceux qui m’ont aidé pour remettre mon dossier en marche me demandent des règlements et ce que je vis, je le pense, c’est ce que vivent d’autres Français. L’action de la France porterait et me permettrait de sortir de cette situation qui n’est pas acceptable.
Il y a plusieurs parlementaires qui vous soutiennent et qui pilotent le dossier au niveau du parlement. Quels sont les changements qu’on crée et que vous aimeriez voir mis en œuvre pour que la protection des Français en difficulté à l’étranger soit améliorée ?
40 députés ont signé une tribune, je les remercie. Aujourd’hui Pierre Alain Raphan et Olivier Falorni travaillent avec les maires dont le maire de St-Pol Nicolas Floch. Aujourd’hui, le maire est venu pour voir avec les députés comment faire en sorte d’attirer l’attention de tous les maires de France lors du prochain congrès des maires de manière à ce que ces élus se saisissent d’une particularité : si le maire accompagne les citoyens qui défendent des détenus qui sont à l’étranger, le citoyen bénéficie d’un appui indispensable permettant de soulager sa souffrance. Une protection de proximité en quelque sorte…
Très importante ! Cette protection est très importante parce que seul face à une machine qui vous broie, vous ne pouvez rien du tout.
Vous parliez tout à l’heure de la raison d’Etat. Est-ce qu’il va être possible de dépasser ces considérations pour que la protection consulaire des Français vivant à l’étranger soit la même partout ?
Qu’elle soit au moins améliorée. Que le travail fait par Louis Joinet et d’autres Co créateurs du groupe de travail soit reconnu. Que la valeur juridique des avis du groupe de travail soit reconnue et la France s’appuyer sur ce groupe de travail pour interpeller les Etats qui détiennent les Français.
Vous parlez de la protection de proximité au niveau des maires. A contrario, vous appelez aussi de tous vos vœux, une protection au niveau européen. Uns protection des citoyens européens par l’Union européenne…
J’ai une lettre de l’Union qui a prévu prendre en charge les Européens en difficultés si la France s’applique. Donc, j’ai déjà fait le travail au niveau de l’Union européenne. Ce que je demande c’est que le travail accompagne ce travail et les parlementaires ont un rôle important à jouer.
Est-ce qu’il y a aujourd’hui dans le monde des cas similaires au vôtre ou nui se rapprocheraient ?M. Rivière avant tout, sachez qu’il y a un million et demi de Français qui sont installés hors de France, mais qui ne sont pas enregistrés dans les consulats. Il y a trois millions de Français qui sont installés hors de France officiellement. Il y a 2500 qui sont détenus’ à l’étranger dont 500 sans cause.
Donc qu’il y en a 500 qui relèvent de cette cause…
Oui et qui ne sont suivis par personne.
Qu’est-ce que vous attendez de la France aujourd’hui, la réhabilitation, des excuses, des indemnisations ? Qu’est-ce que vous souhaitez ?
La lettre du président Barbier demande la réhabilitation intégrale. Je souhaite que cette intention entre en application concrète. Si c’est le cas, cela me suffirait.