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Boycott du MRC aux législatives et municipales 2020 : La réaction satirique de Patrice Nganang

P Nganang

Même si le mot d’ordre de boycott des législatives et municipales du 9 février 2020 lancé par le Pr Maurice Kamto est accueilli jusqu’ici avec déférence par les militants du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun(MRC), il essuie cependant les critiques de certains observateurs politiques et activistes à l’instar de Patrice Nganang.

P Nganang
Patrice Nganang (c) Droits réservés

La fait marquant de l’actualité politique au Cameroun est sans doute la surprise que le Pr Maurice Kamto a réservée aussi bien à ses militants qu’à la scène politique qui ne pouvaient l’imaginer absent au grand rendez-vous du 9 févier 2020.

Qu’à cela ne tienne, le vin est donc tiré, il faut le boire mais la décision ne manque pas des missiles venant de toutes parts.

Lebledparle. Com vous propose l’analyse faite par l’écrivain Patrice Nganang sur sa page Facebook.

Le plan B du MRC c’est quoi alors ?

Le Plan B, c’est ce qui est mis en branle quand ce qu’on veut n’a pas marché. Car ce qu’on veut, c’est le plan A. Toute personne bien organisée, a un plan A, B, C, D et même E. Mais pour dire ce que je veux dire, je vais commencer par vous raconter une histoire : celle des Black Panthers. Je la raconte parce qu’ils ont une influence tellement profonde dans tous les mouvements noirs et africains, que chacun retourne sur eux même sans le savoir – au Cameroun, par exemple avec le ‘power to the people !’ du SDF et le béret des Amazones, et je ne parle même pas de la militarisation d’apparat de la BAS, tout le monde copie les Black Panthers, jusqu’au programme en dix points.

 Les Black Panthers évidemment ont été structures de l’intérieur, mais de l’extérieur aussi, par l’arrestation d’un de leurs leaders, Huey Newton. Et puis par l’arrestation de la majorité de leur leadership, l’exécution de plusieurs, sinon leur contrainte a l’exil. En cela on dirait qu’ils ne sont pas nouveaux, et partagent le destin de tous les mouvements d’émancipation noirs, y compris d’ailleurs de l’ANC – et bien sûr de l’UPC.

Ce qui est particulier cependant, c’est la fin des Black Panthers. Bobby Seale, devant l’accélération de la répression contre le mouvement, avait décidé de mener une campagne pour devenir maire de San Francisco – et ainsi rendre le mouvement respectable.

Il a donc, pour rendre sa campagne possible, centralisé toutes les branches des Black Panthers et leur a demandé de déménager vers San Francisco – ce qui a eu lieu. L’appareil des Black Panthers s’est ainsi investi totalement et a été investi totalement dans une campagne pour la mairie de San Francisco.

 Campagne épique, mais dont le vainqueur ne fut pas Bobby Seale. Cette histoire est intéressante, pas parce que Bobby Seale fut candidat à l’élection de maire de San Francisco, mais surtout parce qu’il n’avait pas de plan B, c’est-à-dire de plan pour le cas où il perdrait cette élection pour laquelle il avait absolument émacié les Black Panthers, pour laquelle il avait vidé leur infrastructure, et pour laquelle il avait demandé que toutes leurs branches soient fermées et déménagées.

Le jour où sa défaite fut annoncée, dans son QG de campagne, Bobby Seale se comportait comme s’il avait gagné et se déclara d’ailleurs vainqueur – un peu d’ailleurs comme Kamto. Il n’en demeura pas moins que 1) l’office du maire de San Francisco était occupé par une autre personne que lui, et 2) son propre mouvement, les Black Panthers avaient de facto cessé d’exister.

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C’était la fin.

Il faut regarder le film ‘Black PanthersThe Vanguard of a Revolution’ pour voir la rectitude de ce que je raconte ici comme histoire, et à laquelle je ne cessais de penser hier, quand dans la voiture je laissais passer le discours de Maurice Kamto dans mon esprit. J’étais très occupé hier, car après tout nous sommes en pleine fin d’année et cela correspond à une activité effervescente que tout enseignant connait quel que soit son grade ou son lieu d’enseignement.

C’est la nuit donc que j’ai écouté une fois de plus le discours de Maurice Kamto et la seule question qui m’est venue en esprit c’est évidemment – quel est son plan B ? La question n’est pas tant de philosophie que de pragmatisme.

Un parti politique c’est avant tout un appareil qui doit être nourri chaque semaine, chaque mois, chaque année, pour ainsi installer une routine, sans quoi il s’émacie et meurt. Regardez l’UFDC, ou alors le CPP. La routine d’un parti c’est le calendrier. Cette routine est interne et externe, c’est-à-dire que de l’extérieur le calendrier électoral – élections municipales, élections législatives, élections sénatoriales, élections présidentielles – impose une routine a tous, qui impose elle aussi au parti des actes routiniers qui sont des réunions de préparation, des campagnes, par exemple.

 Là c’est la routine externe qui est définie par Paul Biya, et qui est en fait l’essence de son pouvoir. La routine interne au parti, a tout parti, consiste en des réunions de bureaux, des conférences call, etc., qui peuvent être hebdomadaires, mensuelles, et qui, d’habitude débouchent sur des conventions ou des congres, le tout étant fixe par les statuts du parti. Ici c’est donc la routine interne, et ici comme nous savons, c’est Maurice Kamto qui a le pouvoir.

La mesure de son pouvoir est claire : après sa décision d’hier, aucun leader du MRC, aucun membre du MRC, n’est sorti le contredire pour ses besoins de carrière personnelle. Bien au contraire, la discipline de parti a été si totale que même des gens comme Valsero qui ne sont liés au MRC que par une convention de partenariat dont les termes s’arrêtaient avec l’élection présidentielle, ont dit publiquement qu’ils obéissaient – fall in line, dit-on ici en anglais.

 Les prochains jours peuvent nous révéler des surprises, mais la seule est sans doute que les membres et leaders du SDF ne se sentent pas obligés, y compris Jean-Marie Nitcheu, de se joindre à cette décision qu’ils comprennent et soutiennent bien sûr, bien que dans le SDF plus que dans le MRC, il y’ait des dissensions, c’est-à-dire des députés qui décident de ne pas aller aux élections, qui dont rompent avec la routine interne du parti qui veut y aller.

Evidemment on dirait que les partis au Cameroun ne sont que de papier, mais justement parce qu’ils ne sont que de papier, ils permettent de mesurer ce qui est possible quand ils ne sont plus la – et le MRC nous donne aujourd’hui cette possibilité-là. Il est facile de se rendre compte que nos compatriotes avaient pris l’habitude de demander du pain avec du beurre dessus et du chocolaté en plus – ainsi, plusieurs voulaient la révolution mais ne s’imaginaient celle-ci possible que dans une répétition du contentieux électoral de janvier 2018 en février 2019.

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Maurice Kamto leur a refusé cette possibilité. Il a cependant coupé les ailes à l’action alternative – au plan B -, parce qu’en lançant son mot d’ordre de boycott il a précisé que c’était un boycott passif. Ce qu’il propose donc à toute l’infrastructure de son parti c’est de ne rien faire le 9 février – de dormir, comme a précisé Mamadou Mota depuis Kondengui. Dormir n’a cependant jamais été une option en politique, parce que personne ne dort au Noso, et la tâche du politique n’est pas de mettre les gens en sommeil, mais de les mettre en mouvement.

Le boycott actif qui est le premier geste d’activité, a été utilisé dans notre pays comme option pour la première et seule fois en 1956, lors de cette élection qui a vu la tyrannie qui nous tient s’installer. Ce mot d’ordre de boycott actif a débouché ensuite sur la Guerre civile qui a embrasé le pays Bassa et puis l’Ouest du Cameroun.

En 1992, le mot d’ordre était de boycott passif – ‘pieds mort.’ Sinon le mot d’ordre de boycott actif a été utilisé de manière partielle en 2018, dans le Noso, et évidemment pour mettre en branle les Ghost Towns, toujours dans le Noso.

Il est clair d’ailleurs que ces deux boycotts actifs n’ont marché que parce qu’il y’avait des enfonceurs qui sont ensuite devenus des groupes de Self-Defense, et puis des groupes armes – en 1956, Ernest Ouandie était l’enfoncer-en-chef du mot d’ordre de boycott actif.

 La fenêtre qui établit la différence entre boycott passif et boycott actif ouvre sur un vécu historique qui n’empêche cependant pas à un parti politique, et ici spécifiquement le MRC, de composer son plan B. Evidemment celui-ci n’est pas et ne peut pas être public. Il demeure, et je répète : le plan B est ce qui entre en jeu quand tout ce qu’on a imaginé ne marche pas du tout, et ici donc, c’est ce qui entre en jeu, avec Maurice Kamto au quartier, avec donc comme maire de San Francisco une autre personne que Bobby Seale.

 Nous savons, et c’est clair que pendant les six prochaines années, Maurice Kamto retournera à son boulot d’avocat, de juriste-conseil et même d’enseignant. Il en sera de même de tous les membres du MRC. Qu’en sera-t-il donc de la routine interne du MRC ? Le 9 février, le mot d’ordre du MRC est de nang.

Le MRC comme parti politique va-t-il nang pendant les prochains six ans, jusqu’en 2026 pour attendre le prince charmant de la légende ? Un parti qui dort est fini. La politique du changement quant à elle a horreur du vide, et le Grand Ouest est un gigantesque champ en jachère pour le changement dans notre pays.

La vision est la – Amba-Franco. La mettre en branle demande d’accepter les risques d’un boycott actif – reprendre donc l’histoire camerounaise ou elle s’était arrêtée en 1956, prendre le risque de relancer le pays – comme au Noso, à cause du Noso. Les seuls boycotts qui ont marché dans notre pays ont été des boycotts actifs.

Concierge de la république


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