Monsieur Manassé ABOYA ENDONG est Professeur Titulaire de Science Politique à l’Université de Douala et Directeur Exécutif du Groupe de recherches sur le Parlementarisme et la Démocratie en Afrique (GREPDA).
Professeur, certains Tribunaux administratifs ont décidé de l’annulation, soit de l’élection municipale dans certaines circonscriptions, soit de celle des exécutifs municipaux. Or, la législation camerounaise prévoit que ceux victimes de ces décisions restent en fonction jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue. N’y a-t-il pas contradiction ?
D’emblée, et si l’on s’en tient strictement à l’interprétation de la loi, il est difficile de parler de contradiction dans l’encadrement légal des cas évoqués. En effet, conformément aux dispositions de l’article 195 (1) de la loi N°2012/001 du 19 avril 2012 portant Code électoral, les conseillers municipaux dont l’élection est contestée restent en fonction jusqu’à l’intervention d’une décision ayant acquis l’autorité de la chose jugée. A l’analyse, ces dispositions laissent entrevoir l’épuisement préalable de toutes les voies de recours en matière de contentieux des municipales avant toute éventuelle déchéance définitive des victimes, notamment consécutive à l’annulation, soit de l’élection municipale dans certaines circonscriptions, soit de celle des exécutifs municipaux. En clair, à la suite des recours introduits auprès des Tribunaux Administratifs au niveau régional, une dernière possibilité reste ouverte à la Chambre Administrative de la Cour Suprême, en tant que dernier niveau de juridiction en matière de contentieux des municipales. C’est à l’issue de cette ultime étape que toute décision acquiert la force d’autorité de la chose jugée, c’est-à-dire insusceptible de recours, liant au passage les parties et tous les tribunaux et les empêche de trancher à nouveau sur le même objet du litige. Pris dans ce sens, on ne peut donc pas parler de contradiction dans la lettre ou l’esprit de la loi, mais davantage d’une logique correspondant à l’articulation achevée de toutes les étapes prévues en matière de contentieux des municipales avant toute déchéance définitive.
Les actes posés par les maires élus dans ces cas, et même les conseillers municipaux concernés ne peuvent-ils pas poser des problèmes si la décision était confirmée ? En clair, peut-on travailler en toute sérénité dans ce cas, quand on connait parfois les difficultés que certains des magistrats municipaux dans cette situation éprouve à travailler avec leurs receveurs municipaux ?
Les actes posés par les maires élus, et même les conseillers municipaux concernés dans ces cas peuvent effectivement poser des problèmes si la décision venait à être confirmée. Toutefois, ces différents protagonistes ne peuvent pas être considérés comme étant irrégulièrement laissés à la tête de ces exécutifs municipaux ou aux fonctions de conseillers municipaux. En effet, ils y sont conformément aux dispositions de la loi, rendant ainsi leurs actes également encadrés par le respect de la loi. Cette précaution s’accommode manifestement de la nécessité d’assurer la continuité du service public afin d’éviter une vacance postélectorale à la tête des Conseils Municipaux.
Pourquoi le contentieux des élections municipales qui est postérieur à l’entrée en fonction des conseils municipaux élus ne peut-il pas être calqué sur le même modèle que celui des autres élus pour éviter toute situation embarrassante ?
A l’évidence, il n’y a aucune situation embarrassante si l’on s’en tient à la spécificité de chaque type d’élection. En effet, le contentieux des municipales encadre essentiellement l’élection des conseillers municipaux, qui sont des élus locaux au sens de l’article 115 de la loi 2019/024 du 24 décembre 2019 portant code général des collectivités territoriales décentralisées, correspondant aux personnes exerçant un mandat électif au sein d’une Collectivité Territoriale. Il ne peut pas être calqué sur le même modèle que celui des autres élus, en l’occurrence le Président de la République et les membres du Parlement, qui sont des élus de la nation. Mieux, c’est la Commission communale de supervision qui proclame les résultats des élections municipales au niveau de la circonscription électorale concernée, laissant place au contentieux électoral devant la juridiction administrative compétente. Au contraire, c’est le Conseil Constitutionnel qui veille à la régularité du scrutin des élus de la nation.
Propos recueillis par Jean Francis BELIBI