Depuis plus de quatre (04) mois maintenant, à la faveur de la pandémie du Covid-19, le monde fait courageusement face à l’une des pires catastrophes sanitaires de son histoire. Comme dans les évocations des temps de l’Apocalypse, les échos lointains comme les bruits proches qui se propagent, racontent tous, dans le sillage angoissant de la pandémie, l’histoire d’un chaos en train de s’écrire.
Les images de rues inondées de cadavres que des vivants assiégés par la faim, bravant désespérément le confinement, sont obligés d’enjamber pour aller chercher de quoi manger, avec pour seule protection la foi que donne l’Evangile de vie et de paix ; les clichés indescriptibles de hangars commerciaux, de parkings publics, de stades de football, de gymnases communautaires et même de jardins d’enfants transformés au pied levé en hôpitaux de fortune, en morgues provisoires et en cimetières temporaires, finissent d’ajouter à l’effroi de citoyens déjà déboussolés et pris de panique, dans une société-monde engluée dans le piège cynique de l’angoisse.
L’étreinte de l’angoisse devient plus violente et plus étouffante encore avec l’avènement, comme il est désormais de coutume dans les cieux de la mondialisation, d’une nouvelle grammaire de la crise, d’un nouveau métalangage de la catastrophe, dont le verbe, sinistre à souhait, et les signes scripturaux, putrides à volonté, tentent de donner des noms aux choses, affecter des sens aux réalités, « nouvelles » en l’occurrence, dans un bégaiement tonitruant où tout effort de lucidité se dissipe.
Dans cette convulsion longue de fin des temps, même les mots de notre quotidienneté éclipsent ostentatoirement leurs significations usuelles, pour prendre malicieusement, comme dans une fiction dramatique, des sens nouveaux engagés dans un concours de traumatisme.
Accueillons donc comme il le mérite, puisqu’il est incontestablement l’un des artistes de l’heure, notre nouveau lexique, constitué de virus, virulence, virologie ; endémie, épidémie, pandémie, épidémiologie ; dépistage, profilage, filtrage ; contagion, contamination, incubation, détection, observation ; désinfection, désinfestation, hospitalisation, réanimation ; pronostic vital, système immunitaire, syndrome post-traumatique ; thermo-flash, masque, cache-nez, gant ; mesures barrières, restriction, quarantaine, confinement, entre autres.
Nul besoin, dans cette énumération ténébreuse, d’associer les mots de l’impuissance des hommes et des institutions, des communautés et des Etats, figures animées aujourd’hui colorées du vernis de l’échec.
Car d’un côté le dévoilement de la corruption des esprits, de l’avènement d’une citoyenneté des marges, terreau fertile de la dilution anesthésiante du civisme, dissolvant de la cohésion sociale et de la concorde républicaine ; de l’autre la constatation des fragilités institutionnelles innommables, transpirant, ici la félonie politique et le mensonge d’Etat, là la castration intellectuelle, l’absence de vision, de projets et de programmes gouvernementaux, le délabrement institutionnel des agences opérationnelles, l’incompétence technique et les errances managériales, ces choses et d’autres qui feraient inévitablement élaborer le nouvel encyclopédie de l’effondrement du monde.
Fort heureusement, les rares évocations des mots tels convalescence, rémission, rétablissement, guérison, solitaires compagnons lumineux qu’ils sont sur les pages noires du récit de notre drame, constituent les étoiles brillantes dans le ciel de notre espérance en l’avènement inéluctable de jours nouveaux.
Richard Makon
Chronique précédemment parue à »Mutations »
NB: Richard Makon est Docteur / PhD en Droit International, Expert/Consultant en Droit des investissements et Leadership, Enseignant à l’université de Douala et consultant média.