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Cameroun: l’illusion d’un équilibre des pouvoirs

Paul Biya 20mai
43ème Fête Nationale de l'Unité (c) PRC.CM

Paul Biya 20mai

La constitution du Cameroun lui confère trois catégories de pouvoirs. Le pouvoir exécutif, le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire, incarnés respectivement par le président de la république, le parlement (Assemblée Nationale ; Sénat), et la cour suprême un peu plus bas les cours d’appel, les tribunaux. Ces trois pouvoirs se tiennent et sont indépendants.

C’est le principe de la séparation des pouvoirs. Dans le même ordre d’idée, Montesquieu disait la chose suivante : « le pouvoir arrête le pouvoir » en d’autres termes concrets que ceux qui font les lois (pouvoir législatif) ne les exécutent pas, que ceux qui exécutent les lois ne le fassent pas (pouvoir exécutif) et que l’attitude de l’un et de l’autre soit surveillée par un autre pouvoir neutre (pouvoir judiciaire).

Toutefois, il y a lieu d’observer que ce principe de séparation reste quelque chose d’abstrait, imaginaire dans la mémoire des Camerounais. Les Camerounais observent plutôt un pouvoir qui diligente les autres pouvoirs, le pouvoir exécutif en occurrence et par ricochet la prééminence institutionnelle parce que la loi fondamentale lui confère toute les prérogatives possibles. Tout d’abord au niveau du pouvoir législatif, c’est le président de la république qui « nomme » les députés et les sénateurs issus du parti au pouvoir. Cela se justifie par le fait que l’élection à la base ou les primaires est bottée en touche au profit des investitures qui à coup sûr traduit la volonté de l’hégémon principal dans le souci de les contrôler. Au perchoir c’est le même scénario, les présidents de ces deux chambres sont « nommer » toujours par le président de la république. Une fois élus ils s’empressent de féliciter le chef de l’Etat pour la confiance renouvelée en eux. Cette année par exemple, le quotidien bilingue national à capitaux public parle à sa grande urne au lendemain de l’élection de reconduction. Pour des personnes en principe indépendant on ne saurait parler de reconduction. En fait, pour dire qu’au Cameroun le président de l’Assemblée Nationale et le président du Sénat sont des présidents délégués. Ensuite au niveau du pouvoir judiciaire c’est également le même schéma. Le prince en tant que président du conseil de la magistrature suprême nomme également les magistrats et décide de leur avancement ou pas. De ce fait ces derniers n’ont pas les mains libres pour rendre justice sur un certains nombre de dossiers. C’est lui qui ordonne les arrestations des ministres et décide de la libération des autres. Le cas du ministre des enseignements secondaires en est une illustration parfaite. Tout ceci est la conséquence du système politique Camerounais qui est hyper présidentialiste. Le Pr Claude Abé parle même de : « système politique camerounais personnaliste à tendance monarchique ». Le président est le seul maitre à bord et décide de tout. Le Cameroun est l’illustration du paradigme de « l’Etat président » développé par le feu politologue Ivoirien d’origine Togolaise Téssilini Bakary. Le pouvoir dans l’ensemble est entretenu par une seule personne. C’est alors qu’il peut mettre en place les institutions prévues par la constitution du 18 janvier 1996 quand il veut, même si un article de la dite constitution parle de la mise en place progressive. Il n’en demeure pas moins vrai que cette progression dépend de lui. D’ailleurs il a même promis le conseil constitutionnel, mais ce n’est pas encore arrivé. Au Cameroun il y a trois pouvoir en un, le pouvoir législatif, le pouvoir judiciaire en le pouvoir exécutif et particulièrement dans la personne du président de la république.

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Cette absence de séparation de pouvoir a pour conséquence le manque de dynamisme et d’initiative des parlementaires. Cela s’observe par le fait que les députés ne font jamais ou presque les propositions de loi. Il y a également l’absence de contrôle de l’action gouvernementale, les députés sont assujettis par les ministres à travers les marchés publics et comme tel le député ne peut daigner mettre en difficulté un ministre qui leurs passent ces marchés publics. Bien plus il y a aussi le fait que tous les projets de loi qui passent sur leur table sont toujours adoptés comme une lettre à la poste. Enfin la manière dont se déroulent les séances des questions orales qui ne permet pas à nos représentants de s’exprimer valablement. Les questions sont déposées longtemps à l’avance, ce qui permet à nos ministres de bien se préparer pour répondre aux questions des parlementaires. Les Camerounais de tous leurs vœux aspirent à une véritable séparation de pouvoirs et que chaque pouvoir joue son rôle sans aucune contrainte et immixtion. Il y a donc lieu de dire que le Cameroun doit s’affranchir de ce système politique démiurgique, ubiquiste d’un seul être, le prince.

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© Chancelin WABO, Lebledparle.com


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