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Owona Nguini au gouvernement : « La décentralisation ne saurait être décorative »

owona nguini eric mathias

L’universitaire et socio-politiste a rendu public une tribune le dimanche 03 janvier 2021, une tribune dans laquelle il se prononce de façon analytique sur la décentration au Cameroun avec le parachèvement des institutions décentralisées avec l’avènement des conseils régionaux à l’issue du 06 décembre 2020.


owona nguini eric mathias
Mathias Eric Owona Nguini – capture photo

Le spécialiste en sciences politiques souhaite que le gouvernement ne jongle pas avec la décentralisation, afin qu’elle ne soit pas décorative. Sinon cela pourrait engendrer d’autres problèmes pour l’évolution institutionnelle du Cameroun.

Lebledparle.com vous propose l’intégralité de la tribune.

Le Cameroun a intérêt à savoir se servir de la décentralisation pour y trouver les clés pertinentes  de son développement consistant et éviter les dangers cumulés de son implosion et de son explosion par un collapsus dramatique et apocalyptique.                     

Le Cameroun en tant que collectivité stato-nationale de facture républicaine et ses différents sociétaires en tant que citoyens et membres des différentes nationalités constitutives de cette formation, ont intérêt à  bien cerner les enjeux et jeux de la décentralisation. Avec la mise en place des conseils régionaux, l’architecture institutionnelle de la décentralisation est complètement mise en place au plan statutaire. Il convient pour les parties prenantes de cette dynamique de transfert de pouvoirs et de compétences (autorités constitutionnelles ; autorités administratives centrales et territoriales; autorités politiques locales ; autorités coutumières ; associations, citoyens et communautés; opérateurs économiques) de la prendre au sérieux. Cela doit commencer par les pouvoirs constitués qui gagneraient à y voir un processus de rentabilisation de l’état par la restructuration de ses capacités gouvernantes et gouvernancières à travers un apprentissage exigeant mais aussi prudent de la multi-gouvernementalité et de la multi- gouvernabilité. En effet, le Cameroun est tenu dans l’optique d’une modernisation et d’une mobilisation améliorées de ses structures et capacités d’administration et de gouvernement, d’intégrer la réalité juridique, sociologique, anthropologique, géographique,  économique, politique  et stratégique de la pluralité des niveaux de gouvernement. on ne pourra pas l’ administrer ,le gérer et le gouverner sans y intégrer la souplesse associée à la multiplication des niveaux de pouvoir et de gouvernement soutenue par la chaîne des transferts de compétences et de ressources .

L’état central et son armada de décideurs institutionnels et administratifs sont tenus de remanier leur culture dominante de jacobinisme tropicalisé à forme commodorale !!! Ils sont tenus de développer une nouvelle optique gubernatoriale /gouvernoriale ne se limitant pas à l’art du commandement consulaire /pro-consulaire de facture directoriale, tutorale et dictatoriale. Ces décideurs doivent intégrer sérieusement l’idée de l’autonomie décisionnelle des collectivités territoriales décentralisées comme organes politiques constitutionnellement validés. Ainsi, s’ils veulent aider le Cameroun à bénéficier d’une ré- oxygénation politico- administrative et  politico- managériale, ils ont intérêt à ne pas transformer le pouvoir de tutelle en pouvoir hiérarchique, veillant principalement à inciter les magistrats politiques régionaux et municipaux à rester dans le strict respect des lois et règlements en vigueur. Dans cet esprit, le ministère dédié à la décentralisation doit se comporter comme un centre gouvernemental d’accompagnement institutionnel des collectivités territoriales décentralisées et non comme un commandement central de…la décentralisation. À ce titre, ledit ministère est chargé du contrôle de conformité, de légalité  et de qualité du gouvernement territorial avec le corpus légal et réglementaire de la décentralisation en matière d’administration, de finances, de gestion et de mobilisation. Le personnel politique de gouvernement local ( conseillers régionaux et conseillers municipaux) est tenu d’assurer l’ exercice autonome du pouvoir des collectivités territoriales décentralisées dans les  limites autorisées par les cadres légaux et réglementaires existants ,en privilégiant la collaboration franche et loyale avec les autorités du commandement territorial, en évitant au maximum les conflits de pouvoir entravant une mobilisation constructive des capacités du gouvernement et du développement décentralisés. les autorités administratives territoriales ( gouverneurs, préfets et sous-préfets) et les autorités politiques locales ( conseillers régionaux et conseillers municipaux) doivent être au cœur de dispositifs de partenariat placés au cœur des dynamiques de négociation et de transaction concernant des contrats-  plans etat- régions arrêtés au moyen de concertations et consultations.

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La visée de ces contrats-plans étant de construire sur une base consensuelle ou compromissoire, un accord sur les cadres économiques, financiers, commerciaux, sociaux et culturels du développement régional. ces  différentes autorités sont tenues d’agir pour harmoniser les vues de la nation républicaine avec celle des chaînes de nationalités et des chaînes de citoyenneté présentes dans chaque foyer régional de vie environnant les régions posées en collectivités territoriales décentralisées avec les communes. Lesdites autorités administratives et politiques sont aussi tenues d’agir de concert en vue d’associer les communautés  associations, groupes d’intérêt et de pression présents dans les tissus régionaux et municipaux d’interdépendance et d’intégration, pour construire des coalitions territoriales pertinentes de croissance et de développement. L’un des enjeux de cette décentralisation est de constituer et de mobiliser de solides chaînes de conciliation et de médiation entre les composantes sociales surtout communautaires dans une optique d’intelligence et de coexistence républicaines. il s’agit ainsi de créer des cadres municipaux et régionaux de dialogue et de concertation permanente capables de prendre en charge l’ apaisement nécessaire des liens entre les composantes sociales existantes dans les œkoumènes municipaux et régionaux respectifs, surtout entre les nationalités. Une telle démarche de décentralisation est souhaitable pour réarticuler et relancer le développement national à travers une mobilisation inclusive des collectivités territoriales décentralisées. Dans cette perspective, il est question pour chaque collectivité territoriale de se donner la vision et les moyens d’optimiser sa dotation en matière de gouvernement et de développement.

Cela est nécessaire pour réguler les tensions sociétaires (conflits de classe et d’intérêt) ou communautaires (conflits de segments culturels et d’identité) qui prolifèrent au Cameroun, marqués par l’obsession centraliste et absolutiste pour le contrôle de la position présidentielle comme clé hégémonique. Si les acteurs du jeu de la décentralisation pouvaient faire preuve de sérieux, de résolution et d’engagement, cela permettrait de reconstruire puis de reconsolider les capacités de gouvernement de gouvernance puis d’explorer et d’exploiter efficacement des niches municipales et régionales de développement. ce n’est que par la voie d’un apprentissage consistant et sérieux de la gestion autonome locale à travers ses exigences de légitimité et d’ efficacité que l’ on peut atteindre la maturité culturelle, morale et politique permettant de domestiquer la pratique éventuelle du fédéralisme dans un contexte de forte diversité pouvant évoluer en division accentuée pour générer des risques sérieux d’ éclatement. Un passage immédiat ou imminent au fédéralisme serait aventureux. Dans une conjoncture actuelle où il est évident que de fortes pulsions primordialistes  et sectaristes peuvent conduire à de terribles et violentes dissensions capables de faire exploser le Cameroun après que de nombreuses implosions l’aient saturé. La décentralisation ne saurait donc être décorative. Il convient de la mettre en œuvre sérieusement avec un calendrier méthodiquement programmé puis modulé dans ses deux profils régionaux (statut commun et statut spécial) et ses deux profils municipaux (mairies de ville- mairies d’arrondissement, communes ordinaires).

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La visée d’une telle démarche est de combiner consultation, concertation, collaboration, implication et inclusion pour évoluer vers  un management associant sagacité, capacité, efficacité, perspicacité et solidarité. Le Cameroun a besoin d’envisager sérieusement cette restructuration pour qu’elle lui permette de relancer son processus de développement doit en user de manière avisée et appropriée. Ceci est nécessaire pour éviter que se répandent des surenchères identitaires et communautaires conflictogenes engendrant des risques séparatistes et sécessionnistes. cette décentralisation sera un laboratoire de l’intégration nationale redéployée et éprouvée par la nécessité politique , administrative et économique d’organiser un management coordonné de la diversité fondé sur l’ apprentissage maîtrisé de la coexistence pacifique entre nationalités. Ce faisant, on aidera la république à limiter les risques et les menaces d’ébranlement ou d’éclatement liées à la  décharge décivilisatrice des tensions créées par les pulsions primordialistes agressives (ethno-populistes, ethno- hégémonistes et ethno- fascistes). Si cela n’est pas fait, le Cameroun sera exposé à une forte spirale de conflits qui en affectera durablement la cohérence et la cohésion car ses centres systémiques seraient exposés aux convoitises de différents réseaux et circuits liés à des groupes attirés par les trophées de souveraineté et prêts à toutes les extrémités pour se les approprier.

 La dynamique de décentralisation sérieuse et substantielle requiert d’ être méthodiquement déployée et dépliée pour éviter que soit enclenchée un mouvement d’ éclatement de l’ état en raison des appétits factionnalistes, pouvoiristes et hégémonistes que la perspective  de la prise du   contrôle  de son pouvoir central et suprême par des actes de force et de puissance pose. Le fédéralisme ne sera pas aisément praticable au Cameroun en termes de stabilité si cela n’a pas été méthodiquement préparé par la décentralisation régionale puis la régionalisation autonomique. En dehors d’un tel schéma garantissant une consolidation supplémentaire de l’intégration républicaine et de l’intégration nationale, le fédéralisme ne conduira à l’éclatement qu’en favorisant le déchaînement des souverainismes  bantoustanique donnant lieu à la prolifération de séparatismes en quête d’états-terroirs ou d’états – villages.


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