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[Tribune] Afrique/Cameroun: L’apologie de la sorcellerie dans le cinéma africain

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Ce qui me préoccupe ce matin (8 janvier 2021, Ndlr), c’est le sujet de prédilection traité dans le cinéma africain (camerounais, nigérian, etc.): la sorcellerie. En effet, le cinéma, outil d’éducation et de formation des masses, tend à montrer en Afrique que le succès « n’est pas simple ». Pour moi, c’est un scandale éducatif.


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L’apologie de la sorcellerie dans le cinéma africain – capture photo

D’une part, l’on observe qu’au lieu de redoubler d’efforts à l’école ou dans leurs lieux de travail, certains jeunes et autres citoyens se mettent plutôt à la recherche des réseaux sorciers pour réussir. D’autre part, l’on observe qu’il se développe une masse de citoyens peu ambitieux qui vous expliquent qu’ils préfèrent rester dans leur pauvreté que d’ « entrer dans la sorcellerie ». Par exemple, l’on fait croire que l’on ne soutient pas un mémoire ou une thèse à l’université sans « donner son derrière ou ses fesses ». C’est ainsi que beaucoup de citoyens préfèrent abandonner, disant éviter de se compromettre. Il y a dans notre société une troisième catégorie de citoyens: ceux qui « pratiquent » ou font des « prières de délivrance » pour obtenir des choses ordinaires. Par exemple, un visa ou une signature ordinaire. Ils estiment que leurs chefs ne peuvent pas signer leurs documents s’ils ne se battent pas pour les « mettre dans leurs poches ».

Nous ne disons pas que la sorcellerie n’existe pas. Nous disons que si elle conduisait à un succès, à une réussite sociale ou à un enrichissement personnel, alors tous les chefs-sorciers en seraient les premiers bénéficiaires.

Sociologiquement, la sorcellerie se définit simplement comme étant ce qui dépasse l’entendement humain. C’est-à-dire que l’on pense à la sorcellerie dès lors que l’on ne peut pas justifier un phénomène. Or, il se pourrait que la signification plausible soit simplement au-dessus de notre entendement.

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Dans un continent où la part de l’ignorance (scientifique) est encore importance, l’on observe avec regret que le cinéma ne contribue pas à expliquer des phénomènes jadis méconnus ou incompris. Contrairement à Hollywood par exemple, notre cinéma ne fait pas la promotion des success stories. Il montre plutôt qu’il existe un acte de sorcellerie derrière chaque success story. On appelle cela « réussite facile ». On intègre que la réussite est difficile.

Avec ce mind set, comment voulez-vous que nos pays se développent un jour? Ailleurs, l’on facilite la réussite; chez nous, on la mystifie. Pire, on tend à marginaliser socialement ceux qui ont eu une réussite jugée facile. Avant, l’on connaissait des métiers de pauvreté comme instituteur, catéchiste, etc. C’était normal dans la société. Aujourd’hui, on ne connaît pas les métiers comme DJ et on trouve sorcier qu’un « enfant se lève un beau matin et il commence à gagner de l’argent ». Il n’y a pas de doute: « c’est sûr qu’il a donné son derrière ». Le cinéma aide à reproduire cette image de la réussite sociale, ce qui est très regrettable.

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Et si seulement le cinéma pouvait contribuer au moins à restituer les faits à savoir que les sorciers sont des vendeurs d’illusion à éviter pour réussir! Par exemple, ils prétendent donner des écorces ou des potions pour faire réussir, ce qui contribue à endormir les victimes et à les empêcher de redoubler d’efforts dans un monde devenu très compétitif. Le cinéma pouvait contribuer à promouvoir l’entrepreneuriat dans une société jacobine où l’on trouve sorcier qu’un enfant (entrepreneur) parti de rien (on l’a vu souffrir au quartier) devienne subitement riche (l’on est habitué à voir des gens réussir après 40 ans de travail).

Nous invitons les acteurs du cinéma à adopter une approche plus rationnelle de la société africaine. Le poète et journaliste Odia Ofeimun est plus virulent sur la question. Il déplore l’image déformée que Nollywood renvoie de ses compatriotes: « Nollywood est un bon exemple de la façon dont on a enseigné aux Africains à ne pas utiliser leur cerveau. (…) Si vous voulez vraiment savoir ce qui ne va pas en Afrique, alors regardez les productions nollywoodiennes : notre approche tout sauf rationnelle des problèmes est là, flagrante.”

Vivement une approche plus rationnelle de la réussite sociale!

LMK

 


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