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Exclusif: La 2ème lettre de Marafa à Paul Biya

Marafa et l’actuel code électoral

Une fois encore l’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la décentralisation adresse au président de la République une lettre ouverte qui date du 13 mai courant.

marafa

Dans cette correspondance, Marafa Hamidou Yaya relève

« les insuffisances et omissions » de la loi du 19 avril dernier promulguée par le chef de l’Etat portant code électoral. Correspondance dans laquelle il précise que de là où il se trouve, il continuera à parfaire le projet dont il est porteur et à « le soumettre chaque fois que cela est possible, à la critique de nos compatriotes » auxquels « je propose d’ores et déjà que nous nous mobilisions tous pour bâtir une société de confiance ».

Cette lettre ouverte au chef de l’Etat est assortie d’une note du 3 septembre 2010 – il était encore aux affaires – Là, il fait des propositions sur une «éventuelle modification de la constitution et sur le choix des élus…»

Lettre ouverte de Marafa Hamidou Yaya à Monsieur le président de la République sur le code électoral et la préservation de la paix.

Monsieur le président de la République,

Vous avez promulgué la loi n°2012/001 du 19 avril 2012 portant code électoral. Permettez-moi de relever les insuffisances et les omissions contenues dans cette loi avant d’aborder la problématique du code électoral et celle de la succession à la tête de l’Etat, afin de préserver la paix dans notre pays.

I-Insuffisances et omissions de la loi du 19 avril 2012

En ma qualité d’ancien ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, j’ai lu cette loi avec attention.

J’ai noté pendant les débats à l’Assemblée nationale, la sagacité des députés qui ont empêché que cette loi soit adoptée en catimini et qui vous ont également évité le parjure en s’élevant contre la disposition anticonstitutionnelle du mandat impératif.

D’autre part, les insuffisances et les omissions ci-après contenues dans cette loi méritent d’être adressées:

a)Article 70 (3) et (4)

Le récépissé remis au moment de l’inscription est source de conflits. C’est un document non sécurisé. Il peut être dupliqué, photocopié ou fabriqué par qui le voudra. Aussi, les électeurs pourront, le moment venu, brandir plusieurs récépissés en leur nom ou un même récépissé délivré à plusieurs personnes. Il y aurait donc lieu de remettre à chaque électeur sa carte électorale au moment de son inscription sur la liste électorale.

b) Article 75 (3)

Cet article dispose qu’«en cas de refonte, le Directeur général des élections peut proroger la période…pour une durée n’excédant pas trois mois ». C’est-à-dire concrètement que cette période pourrait aller jusqu’au 30 novembre.

Dans ce cas, la loi devrait aménager les autres délais se rapportant à cette opération. En particulier :

-le délai de transmission au démembrement départemental du procès-verbal des travaux de la commission de révision des listes électorales, fixé au plus tard le 20 octobre (article 78 (1)) ;

-le délai de transmission du fichier électoral provisoire du département pour affichage, fixé au plus tard le 20 octobre (article 78 (2)) ;

-le délai de transmission du procès-verbal des opérations rectificatives, fixé au plus tard le 10 novembre (article 79 (1)) ;

-le délai de transmission du fichier électoral révisé, fixé au plus tard le 10 décembre (article 79 (2)) ;

-le délai de publication de la liste électorale nationale, fixé au plus tard le 30 décembre (article 80).

c) Article 87 (1)

Il y aurait lieu de mettre fin à la campagne électorale l’avant-veille du scrutin à minuit afin de permettre à toutes les parties prenantes (candidats, partis politiques, administration, Elecam et commissions locales de vote notamment) de préparer sereinement le jour du scrutin.

d) Article 122 (2)

Un certificat médical devrait figurer dans les pièces devant accompagner les déclarations de candidature à la présidence de la République.

e) Titre VI

Nulle part dans la loi l’on ne trouve les dispositions relatives à l’exécutif communal (maire et adjoints), à son élection et au nombre d’adjoints aux maires. Elles devraient être réintroduites.

f) Article 219 (1)

Il y aurait lieu de préciser que seuls les partis politiques ayant pris part aux élections générales dans la région concernée peuvent participer aux élections partielles, comme cela a été pour les élections des députés (article 155 (4)) ; des conseillers municipaux (article 174 (1)) et des conseillers généraux (article 268 (3)).

II-La problématique du code électoral

A la veille de l’élection présidentielle de 2004, j’ai parcouru les dix (10) provinces de notre pays et j’ai tenu des réunions publiques dans chaque capitale provinciale avec l’ensemble des parties prenantes concernées par les élections. Ces réunions, parfois houleuses, ont vu la participation des chefs des partis politiques et de leurs responsables à la base, des députés, des conseillers municipaux, des chefs traditionnels, des responsables de la société civile et naturellement de la presse.

Pour approfondir :   Le collectif "Les camerounais de l’étranger " se désolidarise de la manifestation de la B.A.S contre Paul Biya

A cette occasion, j’ai recueilli les doléances de nos compatriotes portant sur le processus électoral. Celles-ci portaient particulièrement sur l’amélioration de la législation électorale et sur le retrait de l’administration du processus.

En février 2006, je vous ai soumis la toute première mouture d’un code électoral.

Au cours de l’année 2006, des missions d’étude ont été envoyées dans certains pays et ont abouti à l’élaboration de la loi du 29 décembre 2006 portant création, organisation et fonctionnement d’ «Elections Cameroon » (Elecam).

En février 2008, je vous ai soumis une mouture définitive du projet de code électoral en vous suggérant que le Premier ministre organise des consultations avec les partis politiques et la société civile, leur remettre le projet de code électoral afin qu’ils l’enrichissent éventuellement pour aboutir à un document consensuel devant être adopté par voie de référendum.

C’est ainsi que la loi fixant les procédures du référendum a été adoptée par l’Assemblée nationale et promulguée le 13 avril 2010.

Monsieur le président de la République,

Des élections mal organisées ou dont les résultats sont contestés sont sources de conflits et de rupture de la paix sociale.

Un code électoral devrait être consensuel afin:

-d’encourager la participation d’un maximum d’électeurs;

-de permettre des élections justes et transparentes donnant toute leur légitimité aux élus;

-de favoriser une culture d’acceptation des résultats.

Ce n’est malheureusement pas le cas du code objet de la loi du 19 avril 2012.

D’autre part, vous connaissez mes réserves maintes fois exprimées concernant l’organisation et le fonctionnement d’Elecam. Nous avons tous été témoins des dysfonctionnements de cet organisme à l’occasion de la dernière élection présidentielle. Ce qui a obligé l’administration de reprendre en main au dernier moment, le processus électoral afin de sauver la paix dans notre pays.

Je persiste à dire que tel qu’organisé et tel qu’il fonctionne, Elecam ne pourra pas organiser les élections législatives et municipales. Des propositions d’amélioration de l’organisation et du fonctionnement de cet organisme vous ont été faites en son temps ; elles méritent d’être prises en compte afin de préserver la paix dans notre pays.

Peut-être que mes inquiétudes sont infondées puisque les élections législatives et municipales sont renvoyées aux calendes grecques frustrant nos concitoyens de leur droit de choisir leurs représentants.

Nous en arrivons ainsi à ce paradoxe : les pays en crise se débattent pour organiser des élections afin d’en sortir. Notre pays s’abstient d’organiser des élections et prend de ce fait le risque d’être précipité dans une crise.

III- La problématique de la succession à la tête de l’Etat

Le 3 septembre 2010, je vous ai fait parvenir une note (cf. annexe ci-joint) suite à des informations qui m’étaient parvenues et selon lesquelles vous auriez l’intention de faire modifier la Constitution en vue de créer un poste de Vice-président de la République, avec droit de succession à la Magistrature Suprême de notre pays.

Dans cette note, je vous faisais part de ce que « la lisibilité d’un successeur est tout à fait concevable dans un système politique de parti unique fermé où tous les acteurs politiques sont soumis à une discipline stricte d’acceptation des choix de leur chef. Et même dans ce cas-là, des difficultés surgissent, mettant en danger la stabilité du Pays ». Notre pays en a d’ailleurs fait l’amère expérience.

Je vous suggérais «de renforcer les structures qui, le moment venu, doivent gérer une éventuelle succession».

D’un côté, parti dominant auquel nous appartenons tous les deux, «devrait voir le collège (Bureau politique ou autre organe) chargé de designer l’éventuel candidat à la Magistrature Suprême en cas de vacance, renforcé et enrichi d’hommes de qualité».

De l’autre côté, « les organes constitutionnels devraient être mis en place avec à leurs têtes, des hommes très soucieux de l’intérêt national (Conseil Constitutionnel et Présidence du Sénat notamment) ».

Les deux ou trois de mes proches à qui j’ai fait part de ce qui précède ont désapprouvé ma démarche, au motif que j’aurais pu être le bénéficiaire d’une éventuelle désignation.

Je leur ai répondu que je n’avais aucune envie d’être nommé Président de la République.

En effet, je suis porteur d’un projet mettant en avant les exigences de PAIX et de JUSTICE permettant de batir une société de confiance.

D’autres Camerounais sont certainement porteurs d’autres projets. Il me semble naturel et sain que le moment venu, chaque prétendant à la Magistrature Suprême, soumette son projet, l’explique et le défende devant nos compatriotes qui, à travers une élection libre et transparente, choisiront celui ou celle qu’ils voudront mettre à la tête de l’Etat. L’heureux bénéficiaire de leur confiance aura ainsi toute la légitimité nécessaire pour conduire son action pendant la durée du mandat qui lui sera confié.

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Monsieur le Président de la République,

Les Camerounais sont un peuple majeur. Laissez-les choisir leurs représentants et leurs dirigeants en toute liberté et en toute transparence. C’est la seule manière d’assurer à notre pays un avenir dans la paix.

En ce qui concerne, de là où je suis, je continuerai à parfaire le projet dont je suis porteur et à le soumettre, chaque fois que cela est possible , à la critique de nos compatriotes auxquels je propose d’ores et déjà que nous nous mobilisions tous pour bâtir une société de confiance.

Yaoundé le 13 mai 2012.
Yaoundé le 03 septembre 2010
Marafa Hamidou Yaya

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Note

Pour Monsieur Le président de la République

Je vous prie de bien vouloir me pardonner de devoir distraire votre très haute attention, en évoquant l’importante question d’une éventuelle modification de la Constitution dans un avenir plus ou moins proche.

En effet, il m’est revenu que le vice-Premier ministre, ministre de la Justice ainsi que le ministre délégué à la présidence de la République chargé de la Défense, ont fait des indiscrétions, le premier à des journalistes internationaux lors de son séjour à Brazzaville à l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance du Congo, et le second à quelques amis, sur votre intention prochaine de créer un poste de vice-Président de la République, avec droit de succession à la Magistrature Suprême de notre pays.

Si leurs allégations étaient avérées, je vous livre très humblement une modeste réflexion sur cette question importante de la vie de la Nation.

En effet, depuis que vous avez installé le Cameroun dans la modernité en faisant de lui un pays démocratique et ouvert, la lisibilité du successeur potentiel du Président de la République devient un facteur d’instabilité et perturbateur en ce qu’elle pourrait organiser de façon permanente, de petits trafics d’influence et de spéculations. Par ailleurs, la personne désignée fera de la part de certains de vos fidèles et inconditionnels, l’objet d’ « attaques » systématiques, quand ce ne sont pas les originaires d’autres tribus, frustrés de la non-désignation d’un des leurs ; qui s’en chargeraient. Tout ceci est de nature à parasiter et à paralyser un système politique en quête d’efficience pour la réalisation des grands projets de développement qui vous tient à cœur.

La lisibilité d’un successeur est tout à fait concevable dans un système politique de parti unique fermé où tous les acteurs politiques sont soumis à une discipline stricte d’acceptation des choix de leur chef. Et même dans ce cas-là, des difficultés surgissent, mettant en danger la stabilité du pays.

Par contre, il serait peut-être probablement plus indiqué de renforcer les structures qui, le moment venu, doivent gérer une éventuelle succession. Ces structures concernent le parti dominant qui devrait voir le collège (Bureau politique ou autre organe) chargé de désigner l’éventuel candidat à la Magistrature Suprême en cas de vacance, renforcé et enrichi d’hommes de qualité. Simultanément, les organes constitutionnels devraient être mis en place avec à leurs têtes, des hommes très soucieux de l’intérêt national (Conseil constitutionnel, Présidence du Sénat).

Dans un pays comme le notre, cette solution de renforcement de structures (organes constitutionnels et parti) , offre l’avantage d’évacuer, sinon diluer le débat sur la succession qui ne serait plus cristallisé sur un seul individu. L’exemple du Gabon, pour lequel vous avez joué un rôle stabilisateur important, est éloquent à cet égard ; alors que celui du Nigéria, où le successeur est d’emblée lisible (quoique élu sur le même ticket que le président de la République), est porteur d’importants germes de déstabilisation.

Monsieur le Président de la République,

Ma modeste contribution a aussi pour avantage de placer le Chef de l’Etat, et lui exclusivement, au cœur du système politique jusqu’au bout ; tous les acteurs politiques significatifs ne réalisent le consensus qu’autour de sa personne.

Je serai honoré de pouvoir mieux exposer et densifier ma suggestion à l’occasion d’une prochaine audience, lorsque le calendrier de Monsieur le Président de la République le permettra.

Yaoundé, le 03 Septembre 2010
Marafa Hamidou Yaya

                                               


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