Depuis le 21 janvier 2022 est créé au Cameroun, un comité de libération de prisonniers d’opinion (CLPO), comme rapporté dans un précédent article. Lebledparle.com est allé à la rencontre de son initiateur, Djeukam Tchaméni, également initiateur du Cadre citoyen de concertation (C3), pour avoir plus de précision sur ce comité. Il établit la différence entre un prisonnier d’opinion et un prisonnier politique. Il décline aussi les actions à mener pour atteindre l’objectif de libération.
- A l’annonce de la création d’un »Collectif pour la Libération des prisonniers d’opinion », le public camerounais a été surpris d’apprendre qu’il existe autant des gens dans notre pays qui sont en prison pour avoir émis une opinion. N’en dites-vous pas trop?
La crise dans le NOSO qui a débuté en 2016 et les contestations post-électorales à la suite de l’élection présidentielle de 2018 ont conduit à une inflation inacceptable du nombre de prisonniers politiques. Les chiffres varient selon les sources entre 600 et 2000 prisonniers. Certains sont détenus sans inculpation ni jugement, d’autres sont inculpes en attente de jugement et enfin un groupe d’entre eux ont été condamnés à de lourdes peines de prison par le tribunal militaire alors qu’ils sont des civils dont le seul « crime » est d’avoir exprimé pacifiquement leurs opinions politiques.
Ce n’est pas sérieux dans un pays qui se dit démocratique d’utiliser des lois conçues dans le cadre de la lutte contre le terrorisme pour museler l’opposition politique. TOUS les prisonniers d’opinion doivent être relâchés sans délai et sans condition. C’est le but que se fixe le Collectif pour la Libération des Prisonniers d’Opinion (CLPO)
2- Ailleurs, d’autres parlent de »prisonniers politiques ». Quelles différences avec les »prisonniers d’opinion » auxquels votre mouvement fait allusion ?
Un prisonnier politique est une personne emprisonnée pour des motifs politiques, c’est-à-dire pour s’être opposée par des moyens violents ou pacifiques contre un gouvernement. Le Prisonnier d’opinion est un prisonnier politique qui n’a eu recours ni à la violence ni prôné son usage mais qui s’est fait emprisonner en raison de l’expression pacifique de ses convictions politiques.
Pour mieux faire comprendre la différence, je vais faire deux illustrations. Deux citoyens estiment que Mr Biya est mal élu. Le premier le déclare haut et fort à qui veut l’entendre. Il va même jusqu’à organiser une manifestation pacifique. Il se tient au bord de la rue avec une pancarte où il est écrit : Paul Biya = Fraudeur. Le deuxième proclame lui aussi sa désapprobation vis-à-vis du pouvoir en place. Il appelle à l’assassinat du président et des membres du gouvernement ; ou il va plus loin et décide de faire sauter des bâtiments officiels. Si ces deux personnes sont arrêtées, elles auront toutes les deux un statut de prisonnier politique, toutefois la première pourra être classée comme prisonnier d’opinion car elle n’a pas usé de violence, ni inciter quelqu’un à en faire usage.
Un autre cas : Deux personnes estiment qu’en raison du mauvais traitement que subissent les anglophones, il est souhaitable que ces derniers créent leur propre Etat. Le premier mène sa campagne pacifiquement. Il écrit des articles et des livres. Il tient des conférences et accordent des interviews aux médias. Le deuxième appelle à la prise des armes. Il menace de mort les anglophones qui ne sont pas en faveur de la sécession. Il tue ou organise la tuerie des policiers et des militaires. Si ces deux personnes sont arrêtées, elles seront toutes deux des prisonniers politiques. Mais le premier sera un prisonnier d’opinion (en anglais, on dit Prisoner of Conscience). C’est le droit le plus absolu de chaque citoyen d’avoir et d’exprimer son opinion sur la marche présente et future de son pays
Le CLPO comme son nom l’indique limite son action aux seuls prisonniers d’opinion. Car nous pensons avoir une prépondérance d’arguments et une batterie de lois camerounaises et de traités que notre pays a signe qui militent en la faveur de leur libération immédiate. Ceci ne veut pas dire que le CLPO prend parti à priori contre les prisonniers politiques qui sont accusées d’actes de violence. Nous avons juste le souci de circonscrire avec précision notre champ d’action
- Sans rentrer dans les secrets du CLPO, quelles en seront les méthodes d’action?
Le CLPO n’est pas une organisation clandestine. Elle est une initiative citoyenne qui mènent des actions ouvertes et transparentes en faveur de la libération des prisonniers d’opinion au Cameroun. Nous n’employons que des méthodes légales et pacifiques.
Notre approche prend en compte les expériences passées en matière de libération des prisonniers politiques. Elle consistera à :
- Demander la libération de TOUS les prisonniers sans exception
- Associer à la démarche toutes les organisations ayant des prisonniers.
- Travailler avec les familles des prisonniers d’opinion
- Collaborer avec toutes les associations et personnalités
- Préserver le caractère inclusif et non partisan du Comité et de ses actions.
- Soutenir le droit des détenus à garder leurs opinions
- Eviter le piège de la confrontation stérile et de la récupération politicienne
Les actions immédiates du CLPO sont les suivantes :
- Recensement des Prisonniers d’Opinion
- Création d’un collectif des parents des détenus
- Accompagnement du Collectif des Parents des détenus dans leur démarche gracieuse en vue de l’obtention de la libération de leurs proches
- Mise en ligne d’une pétition pour recueillir le soutien des organisations, personnalités et citoyens qui souhaitent la libération des prisonniers d’opinion.
Les autres actions vous seront communiquées en temps opportun
4- Qui est du CLPO et qui ne l’est pas?
Notre approche se veut fédérative de tous les efforts visant à libérer TOUS les prisonniers d’opinion. Nous voulons être un Collectif qui unit et amplifie les nombreuses initiatives allant dans ce sens. Toute personne ou organisation qui se prononce en faveur de la libération des prisonniers d’opinion est de facto un membre du Collectif et nous allons travailler avec elles et amplifier leurs actions.
C’est le lieu ici de citer le travail fantastique que font depuis des années le REDHAC de Mme Maximilienne Mbe et le Stand Up for Cameroon de Mme Kah Walla. J’ai également participé le 22 janvier 2022 en tant que Keynote Speaker au lancement de la Campagne de libération de l’Ambazonia Prisoners of Conscience (APOC). Nous allons également prendre attache avec Mme BIBOU NISSACK pour appuyer son action en faveur de la libération de son mari et lui proposer de travailler avec le Collectif des Parents des Détenus du CLPO.
Une Page de notre site web sera consacrée à la mise en exergue de toutes les personnalités politiques et de la société civile qui auront pris publiquement position pour la libération des prisonniers d’opinion. Nous allons ainsi démontrer sans aucune forme d’agressivité ni de confrontation que la libération des prisonniers d’opinion est une véritable demande populaire et Trans partisane. Il en va après tout du standing démocratique de notre pays.
5- Qu’est-ce qui vous donne l’assurance de croire que le CLPO réussira là où les contestations politiques et les pressions internationales ont échoué ?
Nous avons un immense respect pour toutes les organisations et les personnalités qui se sont investis et continuent de s’investir dans ce noble combat. Notre approche consiste à leur demander de mutualiser leurs efforts et de coordonner leur action. L’UNION FAIT LA FORCE. Et c’est dans cette UNITÉ D’ACTION que réside notre assurance dans la réussite ultime de tous nos efforts : La libération très prochaine de tous les prisonniers politiques.
J’en appelle à tous les citoyens camerounais qui souhaitent vivre en paix dans un pays démocratique ou on peut vivre en paix et exprimer ses opinions pacifiquement sans être jetés en prison, de se mobiliser. Il leur suffit d’aller sur le site du CLPO et de signer la pétition. Ceux qui veulent être plus actifs pourront trouver sur ce site le moyen de travailler avec le Collectif ou avec une des autres des organisations qui œuvrent pour la libération des prisonniers.