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Voici les potentiels « Dauphins » de Paul Biya selon Mathieu Olivier de Jeune Afrique

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Les débats autour de la succession du président Paul Biya, au pouvoir depuis 40 ans, ont débuté depuis des lustres et sont loin d’être clos. Alors que le mandat de l’homme du 6 novembre 1982 court jusqu’en 2025, Mathieu Olivier, dans un article paru dans le journal en ligne Jeune Afrique le 1er février 2022, surfe sur les possibles personnalités qui pourraient être de potentiels hommes forts du Cameroun après le départ du Nnom Ngui’i.

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Paul Biya (c) Droits réservés

Cameroun : après Paul Biya, un dauphin surprise à la tête du pays ?

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Que se passerait-il si, dans un an, Paul Biya n’était plus président ? S’est-il choisi un successeur ? Qui pourrait avoir sa bénédiction et celle du RDPC, essentielle pour qui espère un jour s’imposer dans les urnes ? JA s’est intéressé à ces ambitieux qui, dans l’ombre, avancent leurs pions.

Combien sont-ils à avoir levé les yeux vers le palais, tentant de percer, à travers la légère brume matinale, les secrets du saint des saints ? Ambassadeurs et ministres, hommes d’affaires et intrigants, simples badauds ou électeurs curieux… Tous ont, un jour ou l’autre, rêvé de résoudre l’énigme du Sphinx d’Etoudi et de trouver la réponse à la sempiternelle question : qui succèdera à Paul Biya ? Beaucoup ont échoué.

Trop arrogant ? L’ambitieux Marafa Hamidou Yaya croupit depuis presque dix ans derrière les grilles de Kondengui. Trop pressé ? Titus Edzoa a payé de deux décennies d’emprisonnement le fait d’avoir voulu passer du secrétariat général de la présidence à la magistrature suprême. Trop sûrs d’eux ? Des ministres un temps qualifiés de tout-puissants ont vu leurs rêves de grandeur réduits à néant dans l’impitoyable jeu du trône de Yaoundé. Un homme, seul au sommet, détient les clés du scénario de sa propre succession.

Durant quatre décennies, Paul Biya, dans le rôle du machiavélique metteur en scène, en a plusieurs fois changé les acteurs. En ce mois de février 2022, alors qu’il s’apprête à fêter ses 89 ans en compagnie de sa famille, a-t-il enfin achevé le script de l’avenir du Cameroun – script qui devra bien, un jour, s’écrire sans lui ? Au milieu de l’année dernière, le chef de l’État a lancé l’un des chantiers les plus attendus de ces dernières années : le renouvellement des organes du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir).

« On ne va pas organiser une primaire !”

« Cela a ressemblé à un coup d’envoi. Tous les barons du parti ont voulu placer leurs pions pour être le mieux positionné possible », sourit un cadre du RDPC, que Paul Biya préside sans discontinuer depuis sa création. Dans la région du Sud, Louis-Paul Motaze, le ministre des Finances, et Samuel Mvondo Ayolo, le directeur du cabinet civil du chef de l’État, se sont disputés la suprématie dans les instances locales de Sangmelima. Dans l’Ouest, des jeunes ambitieux, comme Célestine Ketcha Courtes et Eric Niat, fils du président du Sénat, se sont embarqués dans une lutte d’influence, tandis que le décès du sultan Ibrahim Mbombo Njoya, patron régional du parti au pouvoir, a rebattu les cartes.

Les instances n’avaient pas été renouvelées depuis de nombreuses années et chacun espère tirer son épingle du jeu. La succession du « président national » est dans toutes les têtes, mais en public, le sujet est encore tabou. « Il ne faut pas en faire une obsession », glisse, prudente, une source au RDPC. Mais, en privé, chacun sait que le processus est en marche. Alors, chacun se prépare. « Si Paul Biya se choisit un successeur, il devra tôt ou tard le présenter au parti et lui permettre de prendre le relais au sein de notre formation », croit savoir un baron croisé à Yaoundé dans l’effervescence de la Coupe d’Afrique des nations (CAN), qui a mis pour un temps les considérations politiques (un peu) de côté.

« Le parti ne s’est pas réuni en congrès national depuis 2011. Or on annonce qu’il va le faire cette année ou l’année prochaine, en tout cas avant les sénatoriales de 2023. Forcément, tout le monde spécule sur les changements possibles dans l’organigramme », ajoute-t-il. « Les instances locales, que nous venons de renouveler, veulent influencer les organes régionaux, qui veulent peser sur le comité central, qui veut avoir son mot à dire sur le choix du bureau politique et du président national. C’est le fonctionnement normal d’un parti, mais c’est nouveau pour nous, qui n’avons connu que Paul Biya depuis notre création », explique-t-on encore au sein de la formation au pouvoir. Chacun aura-t-il cependant son mot à dire ? Ou Paul Biya imposera-t-il le fait du Prince ? « Il ne faut pas se faire d’illusions, on ne va pas organiser une primaire pour choisir le dauphin », plaisante un baron.

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Motaze, Ngoh Ngoh et les clans

Retour, donc, à la question première : qui Paul Biya choisira-t-il ? Quel sera l’élu qui profitera de la réorganisation du RDPC pour en devenir le vice-président, commandant en second d’un navire qui n’a qu’une seule ambition, exister après l’actuel chef de l’État ? Neveu de Jeanne-Irène Biya, première épouse du président, Louis-Paul Motaze cache à peine son ambition. Le ministre des Finances, pilier du comité central, tente de s’affirmer comme leader du parti au pouvoir pour la région du Sud. Mais il doit notamment composer avec les influents Samuel Mvondo Ayolo et Jacques Fame Ndongo, le ministre de l’Enseignement supérieur, considéré comme l’un des idéologues du RDPC, dont il est membre du bureau politique.

« Motaze fait partie de la famille du président et a une assise politique dans le Sud. Il ne manque pas d’atouts », juge un de ses proches. Il ne manque pas non plus d’adversaires. Parmi eux, Ferdinand Ngoh Ngoh. Mais le secrétaire général de la présidence, plus proche de la première dame Chantal Biya que du chef de l’État, manque d’appuis au sein du parti. Il n’est pas membre du comité central et ne peut y compter que sur le soutien du ministre de l’Administration territoriale, Paul Atanga Nji, qui lui est proche. En revanche, Laurent Esso, qu’il affronte régulièrement par affaires et médias interposés, ne lui sera d’aucune aide – c’est un euphémisme. Et, au sein du bureau politique, composé de quinze membres, Ngoh Ngoh n’est guère mieux loti.

Il n’est ainsi pas en bons termes avec Jacques Fame Ndongo et avec le ministre de la Communication, René-Emmanuel Sadi, l’un des patrons officieux du parti. « Ngoh Ngoh n’a quasiment pas de relais dans la formation, où les patrons du Sud mais aussi Laurent Esso et René-Emmanuel Sadi n’auront de cesse de lui barrer la route », analyse un cadre. « Si la succession se passe au sein du RDPC, il n’a aucune chance », tranche un politologue camerounais.

Dès lors, qui serait le mieux placé ? « Le profil est clair : quelqu’un de discret, proche de la famille, avec une expérience de gouvernement et un ancrage politique régional suffisant pour ne pas être contesté au sein du RDPC », analyse un diplomate à Yaoundé.

Un dauphin surprise ?

Au cœur de la capitale, où chaque ambitieux sait à quel point la discrétion peut être synonyme de salut, les candidatures débutent souvent par un murmure. Or, au pied de la colline d’Etoudi, un nom est chuchoté depuis plusieurs mois, celui d’Alamine Ousmane Mey. Le ministre de l’Économie a-t-il ses chances ? « Il coche toutes les cases », affirme l’un de ses proches. Fils d’Abba Ousmane Mey, ancien puissant gouverneur du Nord sous Ahmadou Ahidjo, il a grandi au sein du sérail. Son père, décédé en 2016, a été l’un des proches collaborateurs du premier président du Cameroun, avant de rallier Paul Biya. « Il a été l’un des rares notables du grand Nord à avoir su passer sans encombre d’Ahidjo à Biya entre 1982 et 1984, au moment de la tentative de coup d’État, glisse un observateur de l’époque. Paul Biya ne l’a pas oublié. »

Entre Abba Ousmane Mey et Paul Biya, la complicité a fini par se muer en amitié. Le jeune Alamine, né en 1966, grandit au contact de la famille du président, et notamment du fils de ce dernier, Franck, et de Christian Mataga, le fils de Philippe Mataga, un autre confident de Paul Biya. Le quatuor qu’ils forment avec l’homme d’affaires Ghislain Samou Nguewo ne se séparera plus et entretient aujourd’hui encore une discrète mais solide amitié.

Après des études en Allemagne, en Belgique et en Turquie dans le domaine électronique, Alamine Ousmane Mey se lance dans la finance et entre à la CCEI Bank en 1993, avant de devenir le directeur général de sa filiale Afriland First Bank en 2003. À Yaoundé, il apprécie dîners entre amis et soirées calmes, mais ne montre guère de penchant pour l’ostentatoire. Chaque midi, il invite ses connaissances au restaurant Le Bignou, à côté de son bureau.

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Selon ses proches, il ne manifeste aucun appétit pour la politique. Mais celle-ci finit par le rattraper. À la fin des années 2000, on le voit de plus en plus fréquemment dans des sommets économiques internationaux, notamment en avril 2010 à Washington, au côté de Paul Biya et d’entrepreneurs camerounais. Franck Biya se charge de faire sa promotion auprès du chef de l’Etat, qu’il conseille déjà à l’occasion. Son ami, pieux musulman de l’Extrême-Nord, fils d’un fidèle de la première heure, a de quoi séduire le Sphinx d’Etoudi. En décembre 2011, Paul Biya le nomme donc ministre des Finances, à 45 ans. « Cela lui a permis de développer ses réseaux à l’international, notamment dans les grandes institutions financières comme le FMI et la Banque mondiale », explique un proche. Au fur et à mesure des années, Paul Biya en fait donc l’un de ses hommes de confiance.

Vers une alternance Sud-Nord ?

Le président l’emmène d’abord dans les sommets régionaux, où nombre de diplomates se souviennent de leur proximité. Un ancien de la Communauté économique des États d’Afrique centrale (CEEAC) se souvient les avoir vu rire aux éclats dans les couloirs d’un événement à N’Djamena. Puis, Paul Biya se déplaçant de plus en plus rarement, Ousmane Mey devient l’un de ses « remplaçants » réguliers. Portant des messages en son nom, il étoffe son carnet d’adresses auprès des chefs d’État africains. « Il a tissé sa toile, de façon très discrète, jusqu’à devenir un interlocuteur des présidents de la région, tout en restant très apprécié dans le monde de la finance”, assure encore un membre de son entourage.

En privé, Alamine Ousmane Mey tutoie Paul Biya, qui le considère comme un fils adoptif. « Paul Biya l’a discrètement formé ces dernières années, croit savoir un observateur le connaissant bien. Le président le considère comme un fils et lui fait confiance. Seul Franck Biya pourrait être encore plus proche du chef de l’État, mais je ne crois pas qu’il ait l’ambition de succéder à son père. » Alamine Ousmane Mey pourrait aussi compter sur le soutien de barons tels que Laurent Esso et René-Emmanuel Sadi, lesquels étaient proches de son défunt père, voire sur celui de Cavaye Yeguié Djibril, président de l’Assemblée nationale issu, comme lui, de l’Extrême-Nord et membre du bureau politique du RDPC.

« Il n’a pas d’ennemis et a su ne pas se mettre en avant. Il connaît le jeu politique et administratif de Yaoundé par cœur pour avoir été élevé à l’intérieur. Son père a notamment été président du conseil d’administration de la Caisse national de prévoyance sociale. Il sait donc comment le système fonctionne et surtout comment se comporter pour éviter les désillusions », analyse le diplomate cité plus haut.

Marié à la sœur du ministre délégué aux Marchés publics, Ibrahim Talba Malla, Alamine Ousmane Mey a en outre pris soin de cultiver son statut de baron du RDPC dans l’Extrême-Nord. Il ne rate ainsi aucune occasion d’organiser des rassemblements avec les militants dans son fief de Kousseri, au côté de son épouse, notamment lors de la tabaski ou du ramadan. « Depuis le départ d’Ahmadou Ahidjo, le grand Nord attend une occasion de revenir au pouvoir », explique notre politologue. « Cavaye Yeguie Djibil ne me semble pas en capacité de fédérer et Marafa Hamidou Yahya est emprisonné. Ousmane Mey peut donc représenter une solution séduisante pour Paul Biya en provoquant une alternance Sud-Nord, en évitant une succession “dynastique” au sein du clan bulu et en initiant un changement de génération, tout en choisissant un dauphin qui ne le trahira pas », explique une source proche d’Etoudi.

Un proche de l’intéressé, qui prend garde de ne pas s’afficher dans les médias, conclut : « Il sait qu’il a les atouts nécessaires et qu’une porte peut s’ouvrir ». Une porte dont seul Paul Biya détient la clé.

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