Mercredi dernier j’étais à Cocody pour mes cours d’Anglais et j’avais une folle envie de « pain-chien » : sandwich de brochette que l’on trouve à presque tous les grands carrefours à Abidjan. Une nourriture qui doit son nom au prix bas de la viande et à la provenance douteuse de celle-ci… Mais, bref, j’en avais envie et il n’y a qu’un seul qui, selon moi, a la maîtrise de ce mets à Cocody : Jagger.
Tout le monde connait Jagger à Cocody. Enfin, tous les habitants de la Cité des arts et les étudiants des écoles environnantes le connaissent.Jagger est malien, il vit en Côte d’Ivoire juste pour son commerce. Je l’ai rencontré il y a quatre ans lorsque je commençais mes cours de journalisme.
Avec mes copines, on allait manger dans son commerce très souvent. Surtout les fins de semaine parce que notre budget était généralement « léger » en cette période.Avec moins de 500 Francs CFA, nous étions sûres d’être rassasiées et de régaler nos papilles. Parce que, oui, c’est peut-être du chien (on en sait rien), mais c’est bon.
Mes copines et moi apprécions également Jagger parce qu’on ne s’ennuie jamais avec lui. Il nous parle de sa vie au Mali, de ses deux femmes, de ses enfants, de ses réalisations et surtout du fait qu’il ne viendrait jamais avec l’une de ses épouses à Abidjan.
« Femme d’Abidjan est trop jolie. Je les gère, mais j’ai mes femmes au pays. Je n’ai pas l’argent pour marier femme d’Abidjan », aimait-il nous dire !
Avec Jagger, ce n’était pas que notre ventre qui était rempli entre midi et deux. Notre esprit l’était aussi, car il nous gave toujours de ses histoires et de sa bonne humeur.
Jagger a une joie contagieuse.
Retour chez Jagger
Voilà près d’un an que je n’ai pas vu Jagger. J’imaginais déjà le nombre de brochettes gratuites que j’allais lui exiger pour marquer mon retour après tout ce temps. Et, en bonne affairée, j’imaginais aussi la quantité d’histoire qu’il aurait à me raconter.
Ce mercredi donc, étant dans sa zone, je me rapprochais de la place de Jagger. Je savais déjà ce que je voulais : pain 75 Francs, brochettes 250 Francs, un œuf, de la mayonnaise, beaucoup de piment et un peu de kankankan*. Pour arrondir tout ça à 500 Francs, il me donnerait une brochette de 50 Francs à 25 Francs. Tout était déjà calé dans mon esprit.
J’ai très vite déchanté quand je suis arrivée devant la table de Jagger : il n’y était pas. J’ai regardé ma montre. Il était 15h20. Trop tôt pour qu’il soit absent.
Quand je pense à la distance que j’ai parcourue pour rien, ça fait mal. J’ai dû me contenter de « chips-alloco ». Un petit miracle en cette période de pénurie de banane.
Néanmoins, ce n’est que partie remise, j’ai cours d’Anglais demain. Et cette fois, je mangerai mon pain-chien.