Dans un courrier adressé au Doyen de la Faculté des Sciences sociales et de gestion de l’Université catholique de l’Afrique centrale (Ucac), le grand chancelier de l’Ucac ne veut plus que l’Ouest soit majoritaire en enseignants et en étudiants.
Le courrier est daté du 11 juin 2012. Il est adressé au Révérend Père Martin Birba, Doyen de la faculté des Sciences sociales et
de gestion de l’Université catholique de l’Afrique centrale (Ucac).
En sa qualité de Grand chancelier cde l’Ucac, l’archevêque de Yaoundé Mr Victor Tonye Bakot se base sur des statistiques pour poser des questions assez étonnantes au Révérend Père Martin Birba. Sur la liste des étudiants camerounais à Ekounou par région, on peut lire : «Centre 194 ; Est : 9 ; Littoral : 214 ; Nord : 32 ; Nord-ouest et Sud-Ouest : 36 ; Sud : 115 ; Ouest : 721. Comment se fait-il que la seule région de l’Ouest compte près de 60% des étudiants à EKounou ? Est-ce parce qu’ils embrassent les filières scientifiques et commerciales plus que les autres ? Ou bien est-ce parce qu‘ils bénéficient d’un traitement de faveur ? Ou est-ce parce qu’ils trichent ? Autant de questions que l’on se pose quand observe le poids écrasant des étudiants de l’Ouest», souligne la lettre de Mgr Tonye Bakot.
Tribalisme à ciel ouvert !
Dans le même courrier, une autre anecdote de l’archevêque de Yaoundé : «Un enseignant très curieux donnait un cours dans une salle de classe il y a quelques années. Il lui fut donné de constater que sur les 42 étudiants qu’il avait en face de lui, 30 venaient d’un seul département : Bafang (ouest). Lorsque ces questions furent posées au Conseil supérieur, nous avons estimé nécessaire de parler au Doyen que vous êtes, et nous avons jugé opportun de vous recommander de bien vouloir rétablir les choses là où on le peut, et ce progressivement ». Tel que révélés par ce courrier, les statistiques portent aussi bien sur les enseignants associés de l’année académique 2009 / 2010, sur les enseignants permanents que sur la liste des étudiants camerounais à Ekounou par région.
Au sujet des enseignants associés, Mgr Tonye Bakot note que «sur 109 enseignants, 52 viennent de l’Ouest, soit près de 48 % ; 55 viennent du Centre, du Sud, et du Littoral, soit près de 51 % représentant trois régions ; 4 viennent du Nord Ouest et du Sud ouest, soit environ 1, 5 % . On s’explique mal le pourcentage très élevé des enseignants associés venant d’une seule région à savoir l’ouest Cameroun», souligne-t-il. En ce qui concerne les enseignants permanents, la missive indique que « sur 29 au total : 11 de la région du Centre, 1 de l’Est, 4 du Littoral, 9 de l’Ouest, et 4 non Camerounais. L’Ouest sen tire avec un pourcentage de 31, 5 % alors que le Littoral et le Centre ont 50%. Les enseignants permanents et associés viennent pour la plupart de l’Ouest. 0n peut se demander pourquoi sont-ils plus nombreux dans cette faculté de Sciences sociales et de gestions», lit-on dans la lettre aux accents tribalistes de Mgr Tonye Bakot.
Apartheid à l’Uccac?
Face à ce constat, voici les recommandations de Mgr Victor Tonye Bakot : «A valeur égale sur le plan intellectuel, il faudrait penser aussi à recruter des enseignants venant d’autres régions et, si possible respecter les quotas de telle manière que l’Ouest ne soit plus majoritaire en enseignants associés et en enseignants permanents», lit-on dans le courrier. Dans le même sens, il est question de réduire le nombre «d’étudiants dont l’ouest porte un nombre plus que significatif. Outre les corrections anonymées, nous proposons de diversifier les correcteurs le plus possible pour éviter de privilégier un groupe grâce à des enseignants correcteurs venant de la même région, parce que, nous dit-on, il y a des stratégies de signes qui permettent d’identifier l’origine des candidats », peut-on aussi également.
Le Grand chancelier de l’Ucac recommande aussi Doyen de la faculté de Sciences sociales et de gestion « de redoubler de vigilance » et de continuer à donner à ladite faculté «la belle image qu’elle toujours véhiculées les années précédentes». Pour terminer, Mgr Tonye Bakot a dit être « plutôt gêné de constater qu’une attestation de licence (…) fausse» vienne de la faculté dudit Doyen. Il a surtout précisé que « le bénéficiaire de ce faux diplôme vient de l’ouest. Il s’agit de Tonleu Dogmo Yannick, né le 20 juin 1984 à Maroua qui aurait bénéficié obtenu une licence et comptabilité et finance pour l’année universitaires 2008/ 2009. Or quand on parcourt la liste des étudiants de cette année là, il n’y a aucune trace de cet étudiant. Il y a lu de s’interroger sur l’origine de ce faux diplôme ! Le père Ludovic Lado l’aurait-il signé? J’en doute. Je ne pense pas que le Vice Doyen l’ait fait. Toutefois, il faudrait lui poser la question …», a conclu Mgr Tonye Bakot dans lettre.
Dangereux soupçons
Cette lettre venant d’une telle autorité est grave. La gravité se situe aux plans éthique, moral et pédagogique. Sommes nous encore dans une Université ou les valeurs de travail bien fait, de mérite, d’excellence, d’effort, de progrès, de réussite académique ont une grande signification ? Est-ce à dire que les étudiants et les enseignants de l’Ouest ne sont plus les bienvenus à l’Uccac ? Que vient faire la politique des quotas dans une institution connue et reconnue pour la qualité de ses produits parce que les enseignants jusqu’ici sont de qualité et les étudiants les meilleurs depuis leur accès par concours ?
Le fait que les enseignants et étudiants de l’ouest soient plus nombreux que les autres constituerait-il un crime ou un délit ? Ne le méritent-ils pas ? On pourrait penser que l’allusion à la tricherie, aux faveurs et l’exemple de faux vise à dénigrer les gens de l’Ouest. Est-ce le cas ? Les dangereux soupçons et recommandations adressés au Révérend Père Martin Birba sont d’autant graves quand on sait les qualités morales de ce père jésuite surtout très connu pour son intégrité et son honnêteté intellectuelle.
Edmond Kamguia K.