Wilfried Ekanga : « Un révolutionnaire, un vrai, c’est celui se bat pour les problèmes qu’il n’a pas »

Damaskus

LA TCHIZA DU PEUPLE

En 1961, quelques jours seulement avant de mourir, un jeune martiniquais très connu appelé Frantz Fanon publie un livre sous le titre « Les damnés de la Terre. »

Et dans une citation devenue célèbre dans les milieux africains et afrodescendants du monde entier, il met chaque génération face à deux choix : soit remplir son devoir – en défendant les intérêts des plus faibles -, soit trahir ce devoir – en ne pensant qu’à sa belle gueule -. Le jeune auteur compare même cela à une « mission ».

Et pour cause.

Car oui, la vie, c’est comme l’impôt que vous versez à l’État. En clair, de la même manière que vous avez une responsabilité envers l’Etat parce que ce dernier vous fournit l’infrastructure quotidienne (eau, routes, hôpitaux, éducation etc…), vous avez une responsabilité envers la société, qui vous a donné la vie gratuitement. Le cas échéant, si les circonstances ont fait de vous quelqu’un de célèbre, votre mission sera d’user de votre notoriété pour réclamer ce que Thomas Sankara appelait « de l’eau potable pour tous », c’est-à-dire le bien-être, et des conditions de vie dignes pour tous vos concitoyens.

Mais ce qu’il faut surtout retenir de l’appel de Frantz Fanon sur son lit de mort, c’est ce qu’il entend par « remplir sa mission ». Pour faire simple, un soldat crédible est un soldat qui s’en va au front au tout début de la guerre, pour défendre sa patrie, et non un qui attend que sa femme et ses enfants soient tués pour comprendre qu’il fallait se battre. Car celui-là n’est pas guidé par l’idéal de patriotisme, mais par l’esprit de vengeance. Ce n’est pas un soldat, c’est un mercenaire.

Et même s’il peut s’avérer très utile, le mercenaire présente le risque de voir sa motivation s’évaporer aussi promptement qu’elle était apparue, une fois sa vengeance personnelle assouvie, ou une fois réparation faite.

Voilà, grossomodo, le problème qui se pose avec Sauline de Tarse, sur le chemin de Damas.

Or Frantz Fanon demande de ne pas attendre que ta CNI soit périmée pour réclamer la CNI pour tous, ni que ton propre fils ou ton propre père soit arrêté par le Cartel de Yaoundé pour réclamer la libération des prisonniers politiques. Un révolutionnaire, un vrai, c’est celui se bat pour les problèmes qu’il n’a pas. Car il sait d’office qu’il pourrait les avoir demain.

De ce fait, le drame du Biyaland, ce ne sont pas ses illettrés, mais ses intellectuels. Le pays des Crevettes est en effet parsemé d’érudits, d’auteurs et de penseurs dont le travail d’éveil populaire serait indéniablement utile à la masse, mais qui choisissent plutôt de se compromettre en faisant des génuflexions à un pouvoir dont ils ont pourtant conscience de la barbarie ! Ainsi, des années – voire des décennies – durant, ils défendent la poubelle et l’hérésie et affirment que le pipi-caca sent la rose, dans l’espoir de trouver grâce aux yeux du Nkukuma le plus incompétent du système solaire. Ils se salissent au possible et mettent leur honte sur  » Pause « , convaincus que seuls « les autres » seront victimes du système cannibale qu’eux ont choisi de servir.

Et puis un jour, les choses qui arrivaient aux autres….

Sur ce, bon début de semaine – et bonne continuation – à Sauline de Tarse, la Tchiza du peuple. Le chemin vers la « titularisation » risque d’être un peu – juste un peu – plus long que celui de Damas.

EKANGA EKANGA CLAUDE WILFRIED

(Premier Caillou n’est pas Caillou ohhh ; c’est deuxième Caillou qui est Oiseau ohhh)