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[Tribune] Chacun devra rentrer chez-lui

Le Pr Edouard Bokagné a commis un texte sur Facebook, pour réagir à la sortie de Claude Abé qui pense que pour la réforme foncière, chacun devra rentrer chez soi. L’universitaire n’est pas d’accord avec la position de son collègue.

Bokagne Edouard

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Ces propos, dits par quelqu’un qui jouit d’une présomption de crédit intellectuel – c’est tout de même un scientifique – possèdent une charge émotionnelle importante. Que des gens y aient réagi est légitime. D’abord parce que leur implication concerne tout le monde. Ensuite, par les conséquences qui en découlent sur le vivre-ensemble collectif.

J’y ai aussi réagi. Un peu dans la foulée de débats d’opinion que j’ai entrepris sur des considérations. J’ai été gratifié d’une «pensée», (on peut l’appeler comme ça) d’un fils à papa, nourri à la provende livresque de lectures mal assimilées et intellectuellement obèse, dans son style abscons et pompeux, truffé de fautes typographiques érigées en figure de style.

Je ne m’attaque pas aux personnes, (on est libre d’être qui on est), mais aux idées. Et j’ai été surpris qu’il ait secondé le propos évoqué. Et qu’a contrario, c’est moi qu’il ait critiqué d’avoir dit – et d’ailleurs, le redis – que de tels propos traduisent un enfermement ; et même, d’une exceptionnelle clarté. Le mot «chacun» est le premier domaine fermé. Le second, c’est «chez-lui». Voici pourquoi – et comment – ils traduisent des gens mentalement enfermés.

Chacun, (vous, moi, tout le monde), représente une borne anthropologique. C’est la première unité de l’humanité. Elle est une singularité. On peut, jusqu’à un certain point, ressembler à tout le monde ou à n’importe qui. Mais toujours, on sera quelqu’un de désespérément unique : un contenu particulier à tous les plans : génétique, émotionnel, existentiel, philosophique. Cette différence implique un cadre logique qui va la conserver et qui impose le contour de notre personnalité.

Et nous, ainsi, avançons dans l’existence de ce domaine fermé. Il n’y a pas d’injure de savoir être ce référentiel fermé. C’est même une prémisse philosophique de l’admettre. Nous protégeons les secrets de nos pensées ; de nos projets ; de nos aspirations. Car nous tenons pour légitime – et en faisons un droit absolu – que n’importe qui n’y puisse accéder. Si j’avais dit quoi que ce fût qui implique chacun – donc, tout le monde – lui imputant un comportement unique à adopter, soit je l’aurais enfermé, soit au contraire, c’est moi qui me serais enfermé.

Et à ce chacun qui représente en fait tous, j’aurais comme l’a fait ce personnage, attribué un chez-lui. Je ne sais pas si, pour vous qui me lisez, le chez-vous représente un endroit ouvert. (Vous pouvez l’ouvrir). Mais gageons que la première idée de chez soi est celle d’une maison avec des fermetures. Vous paraîtra-t-il anormal que ce lieu fût doté d’une clôture ? À votre avis, pourquoi ? Chacun était déjà un terme absolument clôturé. Chez-lui l’est plus encore…

Et il y a les verbes qui relient ces cadres bornés devoir et rentrer. Un devoir traduit toujours une obligation. Qui la donne ? Un supérieur : le maître, le parent, la loi, l’autorité, Dieu… Qui s’y plie ? L’inférieur. Soit par nécessité, faiblesse, intérêt ou obligation. Le devoir contraint. Peu s’y soumettent de gaité de cœur. Quand il n’est pas accompli, il s’ensuit une punition. Jugez-en vous-mêmes : le devoir était déjà contrainte indésirée ; que représentera, s’il n’était fait, sa punition ?

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Quel est le devoir ? Rentrer. Chez-soi. Il y a en ce mot une première implication de nature historique. Rentrer chez soi implique qu’on n’y soit pas. Et que, par corolaire, on soit chez autrui. Faire du retour une chose imposée laisse clairement entendre que ce retour n’est pas désiré. L’implication historique de la notion du chez-soi renvoie de fait à l’occupation de l’espace : ce que les historiens appellent le settlement process. Beaucoup de nos travaux en histoire sont dévolus à cet aspect qui dit les dynamiques d’installation de groupes humains.

Un simple regard rétrospectif enseigne que pratiquement tout le Cameroun est un ensemble de peuples migrants. Rien que pour les scientifiques qui justifient des propos aussi polémiques, l’histoire de leurs groupes atteste qu’ils ont dû traverser un immense fleuve sur le dos d’un serpent. Imaginez la contrainte qui impose un tel devoir. D’où venaient-ils ? Si vous interrogez le fils à papa dont j’ai tantôt parlé, il vous dira de ses mots suffisants : de Kama. C’est-à-dire d’Égypte d’où proviennent toutes les gloires : les sciences, les découvertes, les arts et le peuple noir.

Je n’ose imaginer ce qui chassa ces demi-dieux de leur Olympe pour les jucher sur un serpent. À moins – leur révisionnisme étant sans limite – qu’ils jurent que le Ngang Medza n’ait jamais existé. L’histoire dit donc que le chez-eux, si tant est que ce lieu existe, fut ce premier espace d’où ils ont migré. L’Égypte, Dieu merci, ils ne la revendiquent que sur Facebook. Ce qui les en a fait partir jadis fut tel qu’il leur a paru préférable de s’accrocher au serpent. Quoiqu’ils en pensent, ceci est part de leur histoire.

C’est en tout cas le parcours qui les a conduits à l’espace actuel. C’est leur particularité. Ils doivent bien admettre à d’autres la leur, faite de contraintes peut-être pas identiques, mais assez similaires pour les avoir déguerpis de là où ils étaient pour où ils sont maintenant et où ils les ont croisés. Ce qui est querellé est la propriété du lieu. J’ai parlé d’enfermement. Pour qu’un lieu soit disputé, il lui faut une limite. La limite, la frontière ou de termes connexes déterminent l’espace en-deçà duquel on ne doit pas passer. Pour que cesse la dispute, il faut qu’on soit au-delà.

Les propos du titre traduisent par conséquent la position vis-à-vis d’une limite ou, si vous voulez, d’un enfermement. Chacun devra rentrer veut dire mettre au dehors. Et l’on ne met dehors que qui est au dedans. Quand vous de dedans aspirez à mettre dehors celui qui s’y trouve comme les propos le laissent entendre, ce qui est en jeu est sa volonté de se plier au devoir que vous lui imposez. S’il ne le veut pas – je gage qu’il ne le voudra effectivement pas – il faudra donc le chasser.

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Ça s’est passé très récemment au NOSO. Des gens, à tort ou à raison, se sont sentis à l’étroit «chez-eux» et ont entrepris d’expulser ceux qui les gênaient. Parfois, c’est comme si vous trouviez Francis Ngannou sur votre lit et sur votre femme. Il faut être prudent pour l’en chasser. Moi je vous suggère de faire celui qui n’a rien vu. L’apôtre Emile Mbarga qui lit dans les Écritures vous recommanderait la technique d’Abraham : dites que c’est votre sœur et percevez la dot. Ce qu’elles ont en dessous ne finit pas.

Ceux du NOSO ont plutôt fait autrement. On a entendu des bim ! bam ! boum ! crac ! Des aïe ! ouille ! wayayouille ! On entend maintenant : we want peace ! Quand le propriétaire du lieu rencontre Nganou qui tape les gens pour vivre, Nganou vit et le propriétaire est… Les braves gens du NOSO ont pris la tangente. On en voit pas mal à Obili, Biyem Assi, Étoug-Ébé et un peu partout ailleurs. Je crois qu’ils commencent à avoir une vision plus prospective de la notion de chez-soi. La méthode Nganou, en tout cas, fait vivre son homme.

Et ça se comprend. Vouloir faire sortir quelqu’un signifie qu’il n’est pas au dehors. Il est en dedans. Il est plus simple de le maintenir dehors par des barrières. La première est la clôture. La seconde, ce sont les murs. La troisième, c’est la toiture. Quand vous l’avez ainsi cantonné, vous l’avez isolé. Mais en même temps, vous vous êtes enfermé. Le plus stupide est d’avoir toutes ces barrières, de les ouvrir et de prétendre chasser celui que vous avez invité et qui ne veut plus s’en aller.

Ça me paraît relativement simple à comprendre de déduire que quelqu’un qui prétende chasser (même par allusion) soit quelqu’un d’enfermé.

Quoi répondre au fils à papa dont j’ai tantôt parlé ?

Sur le plan intellectuel comme en toute chose, l’obésité est une maladie. Elle fait trop travailler les organes.

Je suggère de le mettre au régime. Commençons par le plus simple : on le privera du sucre des majuscules qu’il parsème un peu partout dans ses textes illisibles.

Mauvais pour l’hygiène buccale. Ça donne des textes hystériques…

Je reviendrai prochainement pour la suite de la cure…

Il faut procéder doucement avec un cas aussi désespéré !

 

 


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