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Serge Aimé Bikoi : « la transition générationnelle est en train de s’opérer de manière naturelle au sein de l’espace public »

Dans une tribune sur son compte Facebook, le mercredi 14 juin 2023, le journaliste Serge Aimé Bikoi parle de la disparition des ainés sociaux au Cameroun. Le pretexte de cette tribune est le décès de Ni John Fru Ndi. Il voit dans la disparition de ces ainés sociaux, une forme de transition générationnelle et tire les leçons sur le plan politique, générationnel et culturel. Lebledparle.com vous propose de lire le texte intégral.

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La génération des aînés sociaux qui s’éclipse

La bibliothèque politique en feu. Allô les mémoires! En Afrique, « quand un vieillard meurt, c’est une bibliothèque qui brûle », déclarait Amadou Hampâté Bâ à la tribune de l’Unesco en 1960. Les derniers mohicans de la scène publique s’en vont l’un après l’autre dans le vide de la narration personnelle des faits ayant marqué la nation.  Ces derniers mois, la scène politique camerounaise a perdu, entre autres, Dakole Daissala, Adamou Ndam Njoya, Amadou Ali, Jean Bernard Ndongo Essomba, Chief Fon Mukete, Bernard Muna, Joseph Mbah Ndam, Francis Sama, Cyprien Awudu Mbaya et, avant hier, le chairman Ni John Fru Ndi. Que les personnalités des 3ème et 4ème âges décèdent sans discontinuer témoignent de la disparition progressive des anciens qui, de façon naturelle, cèdent le plancher à la génération des cadets sociaux. Chronique sociale sur la disparition de la vieille garde.

La vieille garde s’éclipse progressivement. Qu’on le veuille ou non, la transition générationnelle est en train de s’opérer de manière naturelle au sein de l’espace public. Il ne se passe pas des jours sans que l’on annonce les décès de telle personnalité ou de telle autre personnalité publique. La curiosité qui entoure cette actualité mortifère, ces derniers mois, est liée au fait que les cas de décès concernent, de plus en plus, les personnes du 3ème et du 4ème âge. Bien de figures de la scène publique, dont l’âge varie en 60 et 90 ans, tirent leur révérence sans crier gare. Dans un passé relativement proche, des célèbres hommes d’affaires ont quitté l’agora. Victor Fotso, André Sohaing, Kadji Defosso et Jean Samuel Noutchogouin, tous des octogénaires, sont des opérateurs économiques ayant marqué d’une empreinte singulière le champ économique camerounais à la faveur d’énormes investissements visibles dans des villes camerounaises. A aussi fait le voyage funéraire pour l’éternité Pascal Monkam, promoteur international dans le domaine hôtelier ayant fait ses preuves ici et ailleurs. Dans la sphère religieuse, le cardinal honoraire, son Éminence Christian Tumi, a aussi tiré sa révérence en 2021. Des universitaires appartenant à la catégorie des personnes âgées ont, eux aussi, disparu de la scène publique nationale. Fabien Eboussi Boulaga, Marcien Towa, Jean-Marc Ela, Jean Mfoulou, Fabien Kangue Ewane, Michel Tjade Eone, Maurice Tsalefack, Lazare Kaptue, Gervais Mendo Ze, etc.

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Des pontes de la République s’effacent aussi de la scène sociale. Qu’il s’agisse de certains membres du gouvernement ou d’anciens ministres de la République, la pieuvre de la mort n’épargne personne et continue d’étendre ses tentacules dans la longue série noire. Sadou Hayatou, ancien Premier ministre; Amadou Ali, ancien vice-premier ministre ; Dakole Daissala, ancien ministre des Postes et Télécommunications ; Alim Hayatou, ancien Secrétaire d’Etat au ministère de la Santé publique en charge des épidémies et des pandémies; Adoum Gargoum, ancien ministre délégué auprès du ministère des Relations extérieures chargé de la coopération avec le monde islamique sont quelques exemples des gestionnaires des strapontins décisionnels disparus ces dernières années.

Au regard de la disparition des figures appartenant à la génération des aînés sociaux, quelques leçons méritent d’être tirées au triple plan politique, générationnel et culturel. Au plan politique, la nécessité du renouvellement de la classe politique se pose avec acuité autant dans le parti dominant qu’est le parti au pouvoir que dans les entités politiques de l’opposition camerounaise, où l’on observe les pratiques de pérennisation des leaders à la tête des partis. Il est impérieux, pour les aînés sociaux, de savoir travailler au rajeunissement des microcosmes sociaux, en identifiant des figures juvéniles susceptibles de les remplacer valablement autant à la tête des structures qu’à l’intérieur. Il n’est donc pas idoine de voir un fossile gestionnaire d’une position de pouvoir et d’autorité passer l’arme à gauche enclencher, sur le tard, la réflexion sur les potentielles personnalités capables de le remplacer. C’est le moment d’y penser fort opportunément. La classe politique camerounaise a un impératif souci de renouvellement du leadership gouvernant.

Au plan générationnel, il est clair que la transition entre la vieille garde et les jeunesses du pouvoir s’opère, d’ores et déjà, de manière naturelle. La disparition des gérontocrates, dans plusieurs strates de la vie socio-économique et politique, impose une réflexion globale sur les mécanismes de mutation systémique. Puisque les gérontocrates s’éclipsent, c’est le moment, pour la génération des cadets sociaux, de s’armer d’instruments cognitifs et intellectuels nécessaires pour affronter les passerelles décisionnelles jadis gérées par leurs aînés. Ces jeunes doivent savoir, au regard des pesanteurs existantes, que le pouvoir ne se donne pas, mais il s’arrache, le champ socioprofessionnel étant, par excellence, un champ de lutte non pas physique, mais fort au contraire symbolique.

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Au plan culturel, il est impératif de faire émerger une nouvelle culture de développement, un nouvel éthos de productivité et un nouvel habitus d’engagement, de célérité, de rentabilité, d’efficacité et de fiabilité. Histoire de s’éloigner, voire de se départir des carcans de la paresse, de l’oisiveté, de l’inertie, de la mal gouvernance, de la concussion, de la prédation et de la corruption. L’avènement d’une nouvelle culture des jeunes travailleurs invétérés et patentés doit s’accompagner des mentalités de développement enclines à l’investissement, à l’entrepreneuriat et à l’empowerment à la dimension des anciens entrepreneurs économiques que nous avions connus par le passé, et dont les noms ont été mentionnés supra. La fracture générationnelle ne devrait pas être être mise en vitrine pour créer une scission entre les vieux et les jeunes, mais la jeune génération devrait profiter des tares et des scories créées par les aînés sociaux pour les élaguer et imposer une nouvelle énergie de redynamisation des structures sociales plombées par une nomenclature des maux sociaux. C’est un combat de longue haleine et à long terme.

Serge Aimé Bikoi

 


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