Ce jeudi 17 août 2023, les chefs d’état-major de la CEDEAO se sont réunis à Accra au Ghana, pour une énième réunion absurde portant sur la planification d’une possible intervention militaire au Niger. Et pendant que cette horde d’humoristes étaient en train de philosopher sur leur opération coup de poing dans un pays qui n’a pourtant appelé personne au secours, le valet de chambre principal, Alassane Ouattara, s’envolait pour Paris. Le Maître blanc poursuit son coaching et a de nouvelles directives à donner à son esclave, concernant la tactique à suivre pour ne pas voir s’échapper « son » uranium.
Et bien sûr, comme toujours, l’esclave accourt avec joie. Car il ne se définit que par ce rôle de vassal que le Maître a bien voulu lui assigner. Si le Maître lui ordonne de se suicider, il se suicidera.
De Beyoncé à Frankenstein
Le 17 août, c’est l’anniversaire de la naissance de Marcus Garvey, illustre entrepreneur jamaïcain et père-fondateur du panafricanisme. Pour Garvey, les Noirs du monde entier forment un ensemble commun, et ils ne se sont retrouvés dispersés à travers le globe que par le biais d’un esclavage sauvage, orchestré par des colons narcissiques en panne de nourriture et de main-d’œuvre. Il considère le panafricanisme comme un projet visant à réunir idéologiquement (à court et moyen termes) et physiquement (à long terme) cet immense peuple sur la terre ancestrale, l’Afrique. En parallèle, des projets éducatifs (tels que le journal « Negro World » créé en 1918) et économiques (tels que sa compagnie fluviale, la « Black Star Line », fondée en 1919 pour concurrencer la « White Star Line » européenne) doivent garantir à la communauté son indépendance matérielle et son équilibre culturel. Deux conditions essentielles à la liberté et à l’indépendance véritables.
Mais parce que le Diable ne dort jamais, c’est précisément le 17 août que Ouattara et ses comparses de la CEDEAO ont choisi pour parachever la campagne de balkanisation de l’Afrique, pilotée à distance par leurs seigneurs néocoloniaux. Alors que Marcus Garvey voyait dans la conjugaison de nos forces la voie royale vers l’émancipation définitive et historique de notre peuple face à nos bourreaux, le putschiste constitutionnel Ivoirien se pose en digne exécutant des sales besognes, poussant ainsi l’Afrique de l’Ouest vers une scission qui, comme par le passé, fera encore le bonheur du colonisateur. Avec une Union Africaine incapable de se financer et dépendante aux 2/3 des bailleurs de fonds internationaux, avec une CEDEAO coupée en deux et désormais constituée d’un bloc de souverainistes et d’un bloc de soumis, le chemin vers l’autodétermination est encore long, bien long.
Pire encore, tout ceci résonne comme une marche arrière et prend des airs de déjà-vu, puisqu’en 1961, l’Afrique s’était déjà trouvée fracturée de la même manière, avec deux groupes distincts : le groupe de Casablanca (composé de ceux qui voulaient une organisation africaine indépendante et détachée des ordres occidentaux, à savoir l’Égypte, le Maroc, la Guinée Conakry, la Libye, le Mali, l’Algérie, le Ghana) et le groupe de Monrovia (composé des nostalgiques du fouet impérialiste, à savoir le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Burkina, le Togo, le Cameroun, les deux Congo, le Libéria, le Nigeria etc…). Et même si certains semblent aujourd’hui avoir quitté le groupe des soumis (comme le Burkina ou le Niger), d’autres sont passés du côté obscur de la force, à l’instar du Ghana de Nana Akufu Addo, une véritable trahison envers le très grand Kwame Nkrumah et son livre « Africa must unite » (« l’Afrique doit s’unir »), publié fort opportunément… en 1961. Le même Nkrumah qui donna à son équipe nationale de football le surnom de « Black Stars », en mémoire de la célèbre compagnie de Garvey.
Quelle déchéance, quelle guigne !
D’autres enfin, comme le Sénégal et la Côte d’Ivoire, n’ont pas bougé d’un iota, et continuent de figurer dans les rangs des plus fidèles agents de l’iscariotisme continental au service de la métropole.
Nos ennemis générationnels
En littérature, il existe une figure de style assez particulière appelée le Chiasme*. Elle consiste à produire deux groupes de mots dans une phrase, de sorte que l’ordre des mots dans le premier groupe soit inversé par rapport au second, générant alors une idée différente. L’un des exemples les plus utilisés comme illustration est la phrase : « Il ne faut pas vivre pour manger, il faut manger pour vivre ». Dans la série « Naruto » du dessinateur japonais Masashi Kishimoto, l’un des personnages principaux (Itachi Uchiha) prononce notamment cette célèbre phrase : « Ce n’est pas en devant Hokage (c’est-à-dire le chef) qu’on se fait reconnaître, mais c’est en se faisant reconnaître qu’on devient Hokage ». Avec ça, nous pouvons d’ores et déjà utiliser notre propre Chiasme et dire à notre tour à Ouattara : « Ce n’est pas en construisant cinq ponts sur Abidjan qu’on est développé, mais c’est en se développant qu’on construit cinq ponts sur Abidjan ». Car le développement, le vrai, débute dans l’état d’esprit et la prévision générationnelle, avant de se matérialiser dans l’infrastructure.
Et donc, à quoi sert-il de bâtir une passerelle entre deux rives, si dans le même temps on détruit les passerelles qui relient un peuple à lui-même ? Combien de temps pourraient tenir les ponts d’Abidjan si l’intervention militaire tant souhaitée par la CEDEAO et tant brandie par ce lugubre valet de la France se transformait en guerre totale, déstabilisant de plus belle toute la sous-région (à l’image de l’énorme chaos engendré par l’élimination « démocratique » du colonel Khadafi) ? Notre cher putschiste constitutionnel devient-il amnésique du fait de son vieil âge (81 ans), ou est-il simplement trop amoureux de son jeune seigneur – voire saigneur – de l’Hexagone ?
Quoiqu’il en soit, le bonhomme se trouve en ce moment à Paris, et il profite des caresses de son doux Maître sur ses cheveux grisâtres. Il continue de se convaincre que son confort personnel vaut la destruction du rêve panafricain de la jeunesse actuelle, de la même manière que Bazoum, l’Iscariot déchu de Niamey, est convaincu que la vie de milliers de Nigériens vaut la peine d’être sacrifiée pour son simple retour au pouvoir. L’un comme l’autre, de même que le troisième larron, Sall le Sale du Sénégal, celui-là même qui espère de tout cœur la mort d’Ousmane Sonko (actuellement en réanimation des suites de l’aggravation de son état de santé dû à sa grève de la faim en prison), ont déjà validé leur ticket pour la poubelle de l’histoire. Il ne faut même pas en douter une seule seconde.
(Partir de Garvey pour Ouattara, c’est aussi déprimant que divorcer de Beyoncé pour le monstre Frankenstein. Notre génération n’a vraiment pas eu de chance sur ce coup-là ! )