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Jean-Patrick Ketcha : « je suis un jeune camerounais qui a fait de la lutte contre la précarité sociale des jeunes un pilier de son engagement »

Jean-Patrick Ketcha

En mettant sur pied Le Boukarou, le défi pour Jean-Patrick Ketcha est justement d’apporter un coup de pouce à de jeunes camerounais qui se trouvent dans l’incertitude. L’entrepreneur de 35 ans souhaite « Créer le bonheur, Changer le monde » comme l’indique le slogan de l’event de lancement de cette structure d’accompagnement à l’entrepreneuriat à Douala.

Jean-Patrick Ketcha
Jean-Patrick Ketcha à Douala lors du lancement du Boukarou en décembre 2016 – DR

Nous sommes allés à la rencontre de ce jeune manager, qui n’hésite pas depuis plusieurs mois, à faire du lobbying lors de ses multiples voyages « pour un environnement de la jeune PME plus favorable au niveau de la création, du développement, de l’existence ». Interview.

Jean Patrick Ketcha ! Vous êtes connu comme un entrepreneur. Qu’est-ce qui se cache également derrière cette carrure imposante ?

Bonjour et merci de me donner l’occasion d’intervenir sur votre média ; c’est à la fois un plaisir mais surtout un honneur de m’exprimer en direction de vos lecteurs habituels et toutes les autres personnes qui prendront leur temps pour lire cet article.

Concernant la carrure, je ne sais pas si vous parlez de carrure physique ou de carrure professionnelle, je vais donc vous répondre sur les deux.

Sur la carrure physique, j’ai le plaisir d’être de l’ouest du Cameroun par mon père et du nord-ouest par ma mère ; vous comprendrez donc que entre les taro, eru, condrè et coky, il aurait été difficile que ma carrure soit chétive 😉 (rires).

Plus sérieusement, je ne sais pas si en matière d’engagement, en tout cas dans celui qui est le mien, on puisse parler de carrure imposante. Je ne cache rien, et je ne me cache pas, je suis juste un jeune camerounais de 35 ans qui a fait de la lutte contre la précarité sociale des jeunes un pilier de son engagement citoyen .

Vous avez travaillé à Ketch puis à Millenium immobilier SA. Aujourd’hui vous avez mis sur pied Le Boukarou.  Comment est-il né et qu’est-ce qui vous a motivé à lancer ce projet ?

Ma volonté de m’engager, de m’investir pour les autres, date du début des années 2000 lorsque j’ai intégré la faculté de droit de Paris Ouest la défense. J’ai tout fait ou tenté pendant plus de 10 ans, sans forcément avoir la maturité pour bien faire. J’en ai connu des échecs et des quolibets, cachés derrière les compliments fictifs adressés hypocritement par certains, avec bon cœur par d’autres.

Echouer autant alors que l’engagement était, selon moi, quasiment total, m’a conduit à me poser des questions et à faire mon SWOT( Bilan, ndlr).

Cette introspection, partagée avec des proches et des moins proches, m’a conduit à identifier un certain nombre de faiblesses dans la structuration de mes actions. Je me suis recentré sur une chose simple : « comment est ce que moi qui suis né avec une cuillère en or dans la bouche, moi le « bobo plein » comme on dit dans l’argo camerounais, comment est-ce que moi qui ai eu toute cette chance dans la vie, je peux  « give back » (Redonner, ndlr) . La certitude que c’était la bonne question à se poser m’a été apporté par la lecture d’un écrit d’un ami lors des témoignages suite à son décès prématuré qui disait en substance «  si mon existence a servi à faire vivre quelqu’un d’autre, alors elle n’aura pas été vaine ».

Du coup la réponse a été facile : « il faut identifier 1 ou 2 problèmes majeurs qui minent la jeunesse camerounaise, les solutionner et mettre en œuvre concrètement ».

L’un de ces deux problèmes est la précarité sociale qui tue nos jeunes compatriotes, pourtant intelligents, talentueux, créatifs. La réponse apportée est simple : « les outiller pour qu’elles/ils puissent combattre avec leurs qualités dans des environnements qu’ils maitrisent mieux que personne, cette précarité prédatrice pour eux. ». Vous comprenez donc que le Boukarou est la matérialisation ou mise en œuvre, pragmatique et contextuelle, de cette réponse.

Je remercie toutes les personnes qui m’ont aidé à faire ce travail précis,

Vous créez cette boite parce que vous êtes « fatigué » de travailler pour des gens ? (Sourire)

J’aime bien le fait que vous considériez que Le Boukarou soit une boite, ça correspond d’ailleurs à un état d’esprit sur lequel je reviendrai plus tard.

Une petite précision préliminaire : je ne travaillais pas pour des gens, mais pour ma famille, la grande famille Jean KETCHA. D’ailleurs j’y travaille encore, tout en développant mes autres activités.

Est-ce que j’étais fatigué de cette situation professionnelle que vous avez évoquée plus haut ? Je vais vous répondre sincèrement : NON. Je vous dis NON NON et NON pour au moins deux raisons :

La première, et la plus importante, est que je ne m’engage pas sur une considération négative mais plutôt sur une pensée positive. Mon espérance et mon objectif se rejoignent «  avoir un impact positif et concret dans la vie des jeunes camerounais ». L’un est poussé par ma motivation l’autre se matérialise grâce à la maturité acquise.

Ce n’est en aucun cas parce que je m’ennuie ici que je vais faire las bas, ça c’est sur.

De mon point de vue, et sans faire injure ou attaquer qui que ce soit, comment peut on être « fatigué » d’avoir un emploi dans un Cameroun où mes compatriotes accepteraient la même chose pour 2 fois moins ou veulent accepter et n’ont pas l’opportunité de le faire ?

Je redis encore NON, le sens de votre question n’est vraiment pas la conception que j’ai de la vie et une réponse positive serait, selon moi, un manque d’humilité et de respect face aux nombreuses situations précaires et TRES difficiles que connaissent mes sœurs et frères.

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Le Boukarou : Startup ou plutôt entreprise établie ?

Deux précisions avant de vous répondre :

Le Boukarou est une structure d’accompagnement à l’entrepreneuriat sous la forme juridique d’une association.

Une startup est une entreprise établie, celui qui pense autrement, a créer sa startup dans son esprit ou au mieux dans son laptop.

Toutefois le mindset ( Etat d’esprit, ndlr) développé par la formidable équipe qui porte le projet et qui ne cesse de s’étoffer, est celui d’une startup ou plutôt d’une jeune PME. Dans tous les cas, il s’agit d’une démarche entrepreneuriale, peut être d’entrepreneuriat social, portée par une équipe qui la matérialise par son action.

En tout cas dans la recherche des fonds de roulement aussi bien que d’investissement, nous sommes clairement au moins dans un esprit startup.

Le 10 décembre à Douala vous avez lancé officiellement vos  activités en réunissant autour de vous , de jeunes entrepreneurs Camerounais tels que :  Olivier MADIBA de Kiro’o Games , Arielle KITIO de WIT , DESY DANGA fondateur de E WADJO, Olivia MUKAM , de HARAMBEE et bien d’autres. A ce jour, le Boukarou est-il déjà fonctionnel à 100 pour cent ?

Pour approfondir :   Anicet Ekane : « Le problème bamileke est en réalité un problème de pouvoir »

Non Le Boukarou n’est pas fonctionnel à 100%. L’événement auquel vous faites référence a suscité un intérêt qui s’est traduit pour nous, par une charge de travail supplémentaire. Nous voulions commencer petit, sur 45 m2 avec une ambition mesurée, mais au vu des échanges et demandes, nous avons triplé la surface prévue pour être autour de 120 m2 avec encore plus de contenu.

Afin que le bébé naisse avec le maximum de bonnes choses, on a du différer la survenance de nos objectifs d’étape.

Vous présentez le boukarou comme une structure d’accompagnement. Est-elle différente d’un incubateur ?

Un incubateur développe une idée ou un projet vers une entreprise prête à démarrer et aller à la rencontre de ses clients. Mais encore faudrait il qu’il existe des porteurs de projets avec des projets, et que ceux-ci soient de qualités (je parle des projets, aucun jugement sur les porteurs 😉  )

Au boukarou, nous avons fait le choix de s’impliquer en premier lieu, dans la phase d’incitation à l’entrepreneuriat, au développement du mindset et à la structuration de l’idée. Tous ces points surviennent avant la période d’incubation. Ensuite nous faisons le choix d’aider les projets solides à muer en jeunes PME avec un potentiel de vie le plus important possible.

Nous considérons que l’accompagnement à l’entrepreneuriat recouvre plusieurs phases dont l’incitation et l’incubation ne sont que des étapes. Nous avons monté un programme sur cette question que nous dévoilerons un peu plus tard dans l’année.

En tout cas il faut retenir que nous nous considérons comme une structure d’accompagnement car nous avons la ferme volonté de ne pas lâcher le jeune qui entreprend en plein milieu de sa démarche.

On voudrait bien savoir comment ca se passe au quotidien dans vos locaux. Que trouve t-on, que fait-on ?

Nous vous invitons dans 4 semaines pour vivre Le Boukarou avec nous.

Allez-vous vers des jeunes ou alors ils vous contactent ?

Pour l’instant les jeunes nous contactent, mais nous allons aussi vers eux via les rencontres débats organisées.

On vous voit sillonner le Cameroun et même le reste du monde lors des conférences sur l’entreprenariat. Plus récemment vous avez intervenu au sommet Afrique-France  tenu au Mali en Janvier 2017. Et si vous nous racontiez cette expérience ?

Avant tout, permettez-moi de préciser que ce travail effectué lors de ces conférences est très spécifique, ce n’est ni de l’incitation, ni de l’incubation ; c’est du lobbying pour un environnement de la jeune PME plus favorable au niveau de la création, du développement, de l’existence. Vous comprenez peut être mieux pourquoi on se définit par autre chose qu’un incubateur.

Dans cet esprit, ma présence à Bamako ainsi que celle à Promote 2017 a été importante :

A Bamako il s’agissait d’aller à la rencontre de parties prenantes décisionnelles africaines et françaises car nous pensons que les marchés africain et français sont des opportunités pour les jeunes pme Camerounaises.

Je retiens deux choses de cette conférence :

Si on ne fait pas les choses nous même pour nous-mêmes, « la meute va définitivement croquer le gibier ». Cela a été clairement dit….qui est la meute, qui est le gibier, posez vous la question.

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Au Cameroun nous dormons, les jeunes ailleurs rencontrent des défis aussi grands voir plus grands et sont dans l’adressage. « So Lets do, Less Talk ».

A la suite de Promote 2017, deux enseignements principaux :

Les jeunes PME camerounaises sont encore trop dans l’individuel et pas assez collectif. Sans collectif, l’écosystème ne va attirer aucun capital…

Nous ne serons véritablement des fers de lance de la nation que si nous agissons comme tel ; c’est-à-dire : On doit résister, être des rocs, être des fers, être imperméables sinon les parties prenantes ne nous considèrent pas. On doit lancer le Cameroun dans l’avenir, vers le développement et donc inscrire nos actions dans une amélioration et augmentation continue de la force de notre impact.

Et si on parlait de cette jeunesse donc. De nombreux jeunes hésitent encore à se lancer vers la création d’entreprise. Quels conseils leur donnez-vous ?

Je profite de cette question pour dire que nous allons faire une publication qui va apporter tous les bons éléments de réponses à cette question pour les nombreux jeunes dont vous parlez.

Les trois infographies ci-dessous résument assez bien les conseils que je pourrais leur apporter.

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Créer une startup est la grande tendance. Est-ce qu’il n’est pas plus intéressant pour un jeune qui vient de finir ses études de penser à travailler en entreprise plutôt que de créer sa startup ? Sans expérience n’est-il pas osé ou même risqué pour un jeune ?

Il ne faut jamais faire les choses par rapport à la tendance mais parce qu’on a la conviction que c’est la chose à faire. Ensuite quand on décide une fois pour toute, il faut se lancer et puis voilà. Maintenant en se lançant il faut être honnête sur ses forces et se faire accompagner si nécessaire. Le salariat est aussi une situation précaire, on a de certitudes nulle part.

Il faut rappeler que vous avez passé près de 15 ans et vous avez décidé de rentrer entreprendre au pays natal. Il y a certainement de nombreux jeune, qui comme vous souhaitent rentrer mais hésitent encore. Que leur diriez-vous ?

Comme toute décision, il faut mesurer les conséquences et l’investissement. Entreprendre n’est pas aisé, entreprendre au Cameroun….c’est « shangai ».

Mais entreprendre répond au schéma –  identifier le problème, trouver la solution, faire de celle-ci l’objet d’une démarche entrepreneuriale -, les opportunités d’entreprendre sont nombreuses au Cameroun. Sur ce plan stricte là, je dis oui tous les jours, rentrez.

Après il faut faire preuve de résilience, chacun sait ce qu’il peut supporter ou pas. Dans tous les cas le Boukarou est là pour vous accompagner. Venez construire le Cameroun de demain avec nous.

Vous paraissez toujours très souriant, en pleine forme. J’oserai même dire que vous n’aimez pas rester sur place (Sourire). Est-ce important pour être un bon entrepreneur ?

J’ai eu ma chance, j’ai ma chance, il faut donner la chance aux autres. Mes problèmes nombreux ne sont rien comparés à ceux des Camerounais qui n’ont pas la chance que j’ai. Pourquoi est ce que je vais perdre mon temps à être triste alors qu’on a peu de temps pour faire les innombrables choses pour le Cameroun ?

Bon ma bonne humeur et ma joie sont ma personnalité et chacun à la sienne, mais allez-vous acheter un produit ou un service à quelqu’un qui « attache la bouche comme le met de koki » ?

C’est quoi les aptitudes d’un bon entrepreneur selon-vous?

Vraiment les aptitudes la même, comme les jeunes disent «  je ne gère pas ça ». Mais selon moi il faut être ouvert d’esprit, alerte aux opportunités, et easy going. Le reste c’est la chance et la détermination à achieve.

Nous terminons cet entretien. Vous n’allez certainement pas nous laisser partir ainsi ! Dans quel restaurant de Banganté nous invitez-vous pour célébrer le Boukarou et avec quel menu ?

Ah peut être les tripes DG ou le condrè sauce jaune peuvent se présenter au concours….mais moi je suis plus Taro (de bamenda), Eru-Gary, Gary sauté aux écrevisses avec le piment….bref les régions anglophones ont la couronne de la nourriture.

Merci et bonne chance pour la suite ?

Merci encore pour cette honneur et cette tribune. Bon courage à vous aussi. Et surtout Bravo à votre team !!!

© Entretien avec Yves Martial TIENTCHEU, Lebledparle.com


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