Depuis la fin de la coupe d’Afrique des nations à Yaoundé, les Lions Indomptables du Cameroun n’ont gagné que trois matchs sérieux : Le dernier tour qualificatif pour la Coupe du monde 2022 contre l’Algérie à Blida, le dernier match de poule de la coupe du monde contre le Brésil, auquel on a accordé trop d’importance, et le dernier match qualificatif pour la coupe d’Afrique des nations contre le Burundi. C’est à peu près tout.
Pour le reste, c’est entre défaites et prestations insipides. Contre le Sénégal certes champion d’Afrique, hier à Lens, on a touché le fond, finissant le match avec une frappe cadrée. On a beau scruter, on ne comprend pas la stratégie du sélectionneur, ni son système de jeu, ni les choix tactiques opérés, ni les remplacements pour s’adapter ou contrer l’adversaire. Il n’y a aucune continuité dans le jeu, ni aucune homogénéité définissable. Je ne parle pas de 4-3-3, de 4-4-2 ou de 3-5-2. Je parle d’approche de jeu, d’ADN. Après une année et demi à la tête des Lions Indomptables, Rigobert Song n’a jamais trouvé son équipe type. On a l’impression qu’à peu près n’importe qui peut y avoir sa chance.
On peut rappeler Nicolas Nkoulou qui a arrêté sa carrière internationale depuis 5 ans, en faire un titulaire et le rejeter brusquement, sans aucune explication. On peut exclure Onana, et le ramener sans se justifier. On peut ranger Ondoa dans les tiroirs, le ressortir et le placer numéro 2 devant Epassy qu’on a dit très brillant en coupe du monde. On peut amener à la surprise générale Simon Ngapandouetnbu en coupe du monde et le remettre encore chez les Espoirs sans aucune explication. On peut subitement se passer de l’axe central Castelletto-Wooh qui a montré plus de stabilité pour installer Moukoudi-Gonzalez sans autres. On peut considérer Tollo-Mbaïzo-Ondoa-Njié comme des joueurs importants en se passant de Jean Onana. Nul ne sait quelle la situation de Carlos Baleba, Sacha Boey, Ekitiké, Tameze… On peut convoquer Enzo Ebosse, Enzo Tchato, Malcolm Bokele, Olivier Kemen, Ben Elliot, Jerome Ngom, Ganago, Souaïbou et Darlin Yongwa pendant un an sans leur faire confiance… Il n’y pas de onze type. Tout change à tous les matchs.
Le pire c’est qu’on en est arrivé à une époque où il n’est plus admis de faire la moindre critique, ni même d’émettre la moindre opinion, sans être taxé de jaloux, et d’autres noms d’oiseaux. Beaucoup de gens ont acquis la conviction que si on aime Rigobert Song, on ne le critique pas ! On reste résilient, on croise les bras et on attend que ça se passe, peu importe le temps que ça prendra, en expliquant que l’équipe est en reconstruction. La reconstruction ne peut pas durer une éternité. La CAN c’est dans deux mois. Et en plus, on doit voir les prémices du travail initié, des signes annonciateurs des lendemains meilleurs. On a tous adoré le Rigobert Song joueur, mais le Rigobert Song entraineur tarde à convaincre. On n’a rien retenu de son passage chez les U20 et chez les Espoirs.
En plusieurs décennies, le Cameroun a bâti une notoriété internationale fondée sur la production des grands joueurs, les résultats qui imposaient du respect, la foi en la victoire, de générations en générations, et un mental en acier trempé. Aujourd’hui, on perd à peu près contre n’importe quel adversaire. Notre légende qui nous précédait, et qui filait la peur bleue à tous les adversaires est en train de fondre comme neige au soleil. Bientôt, plus personne n’aura plus peur du Cameroun, or c’est ce complexe qui faisait perdre certains adversaires, avant même que le match ne commence. De plus, croire qu’on peut perdre tous les matchs amicaux et se transformer en monstre froid dès le début d’une compétition relève de la sorcellerie. Il est temps de tirer la sonnette d’alarme.
Dr Claude KANA
Historien du football