Lebledparle.com vous propose le texte intégral
Si je ne peux pas intégrer une tribu, je propose qu’on la bannisse. Je propose de bannir toutes les tribus auxquelles je ne peux pas adhérer et de créer une seule tribu à laquelle nous pourrions tous adhérer et accéder par l’éducation. S’il y a de bonnes choses dans une tribu, tout le monde doit pouvoir en profiter, et s’il y a des choses réservées et interdites aux autres, elles doivent être interdites. En bref, il s’agit de créer une seule tribu, une grande tribu unique ouverte à tous par l’éducation, une éducation culturelle. Cette vision appelle à la création de grandes universités et d’écoles de culture tribales, ouvertes à tous, qui seraient le seul cadre accepté et acceptable pour les pratiques tribales qui seraient plus exclusives.
Avouons-le, nous sommes tribalistes par nostalgie : nous nous attardons sur ce que nous avons perdu avec le colonialisme et chérissons l’idée de ce qu’il reste de ce que nous fûmes. L’homme blanc a réussi à nous dominer parce qu’il nous a proposé, à coups de fouet peut-être, de rejoindre sa tribu par le biais de l’école qui, il faut bien l’avouer, est la seule qui nous rassemble aujourd’hui… parce qu’elle est ouverte. Nous aimons la République, l’Etat et, dans une certaine mesure, le capitalisme et l’Eglise, parce que ces systèmes sont ouverts à tous et permettent à chacun de rêver d’une vie meilleure, voire d’un paradis. Mais nous sommes toujours tentés de les utiliser au profit de notre propre tribu, ce qui est paradoxal. Même si aujourd’hui, quand nous recherchons un titre de notable dans notre tribu, c’est toujours pour mieux le capitaliser dans ces systèmes ouverts à tous de la République. C’est exactement ce que font les sectes et les groupes fermés : leur seul but est d’obtenir un avantage non pas dans les sociétés fermées auxquelles ils appartiennent, mais plutôt dans un système ouvert à tous de la République. En ce sens, la tribu est une secte. La République doit donc devenir cette tribu unique ouverte. C’est ce que j’appelle La République Culturelle.
L’intérêt d’impliquer les tribus dans le système éducatif aurait plusieurs avantages : d’une part, éviter que les savoirs ancestraux ne disparaissent sans une collecte et une documentation, qui il faut l’avouer la restitution des objets nous pose, aujourd’hui et d’autre part, leur donner une nouvelle vie parce qu’ils seraient pratiqués, non pas forcément par ceux dont c’est la tribu, mais par tout le monde, y compris les étrangers, comme l’ont fait les ethnologues quand bien même leurs buts étaient parfois autres. Il faut donc en finir avec le grand écart entre cette nostalgie de ce que nous avons été et sommes encore dans une certaine mesure, et notre pratique quotidienne contemporaine occidentalisée, qui folklorise nous tribus et qui réduit cette identité tribale à des deuils et des mariages, alors que nous savons que le modèle occidental du mariage, par exemple, reste une pratique acquise. On pourrait par exemple envisager un mois de célébrations dédié à nos morts, selon la culture du culte des ancêtres, où toutes les tribus difformes réunies au sein d’une même tribu emprunteraient comme il leur plaira chez ceux-ci ou ceux-là, la manière de célébrer leurs morts, quelle que soit la tribu qui qui est la leur. Nous avons bien intégré les pratiques occidentales dans ces célébrations, alors pourquoi pas les nôtres ? Nous le faisons déjà A travers musique, la nourriture, les styles vestimentaires et pourquoi pas les noms. Je vois donc que, sur la base des cultures de nos différentes tribus que nous pratiquions de manière fermées, nous pourrions envisager de construire une société contemporaine avec de nouvelles pratiques inspirées par d’autres tribus? Nous avons bien intégré les pratiques occidentales dans ces célébrations pourquoi pas les nôtres? Il s’agit d’un chantier qui est en fait le chantier de notre modernité, une modernité qui ne sera plus occidentale puisque nous sommes déjà des occidentaux, mais plutôt une modernité tournée vers nos cultures africaine, débarrassées du tribalisme.