Votre livre intitulé « L’Arnaque » sort officiellement ce jour. A quoi renvoie ce titre ?
Pour bien comprendre le titre de ce livre « L’Arnaque », il faut se référer au sous-titre : « Il voulait redonner au football camerounais toute sa grandeur ». C’est simplement l’expression d’une grande déception. Comme de nombreux Camerounais, j’ai fait confiance à un homme, mais davantage au projet qu’il portait pour le renouveau du football camerounais. Mais à l’épreuve du pouvoir, Samuel Eto’o a déçu. D’où le sentiment d’avoir été arnaqué. Une tromperie sur la marchandise en quelque sorte.
L’ouvrage fait-il allusion à l’ex footballeur Samuel Eto’o ou au président de la Fécafoot ?
Je ne sais pas comment vous faites pour dissocier les deux. Je parle à la fois de la légende vivante du football camerounais et africain qu’est Samuel Eto’o et je parle aussi, malheureusement, du président de la Fédération qu’il est devenu et qui n’a pas su incarner les espoirs nombreux qu’il portait.
Qu’est-ce qui vous a motivé à écrire ce livre ?
J’ai été simplement motivé par le désir d’informer les Camerounais sur la réalité de la Fécafoot de Samuel Eto’o, loin des mensonges, de la propagande, du culte de la personnalité et de cette falsification des choses auxquels on nous a habitué depuis le 11 décembre 2021. Mon livre est aussi un marqueur historique dans un pays où les gens ont la mémoire très courte. Beaucoup ont même déjà oublié que Eto’o a fait emprisonner Parfait Siki, ancien secrétaire général par intérim de la Fécafoot… pour rien. Beaucoup ont même oublié toutes les belles promesses de campagne qu’il avait faites et dont il n’a même pas réalisé les 20%. Et plus grave, il n’en prend pas le chemin. Ce sont autant de choses qui m’ont poussé, comme journaliste, historien de l’instant, à rappeler tous ces faits à la mémoire collective.
Quelle appréciation faites-vous du travail de Samuel Eto’o à la Fécafoot ?
Ses trois premiers mois à la tête de la Fécafoot semblaient prometteurs. Il y a eu une réelle volonté de faire bouger les lignes : reprise du championnat avec un public qui commençait à revenir dans les stades, valorisation des joueurs locaux avec la cérémonie du Ballon d’or, etc. Mais très vite, Samuel Eto’o a été rattrapé par sa volonté de puissance, sa brutalité et cette vision messianique qu’il a de lui-même. Il a guillotiné tous ceux qui osaient le critiquer dans son comité exécutif : Guibaï Gatama, Junior Njalla Quan, etc. Il a tenté de faire modifier les statuts de la Fédération pour voler trois ans de plus sans passer par la sanction des élections. Il a fait perdre beaucoup d’argent à la Fécafoot à cause de ses fautes personnelles. Il perd presque tous ses procès au TAS. Bref c’est la catastrophe.
Pourquoi dites-vous ça ?
Comme je l’ai dit, il incarnait l’espoir, mais il a déçu. La réalité de la Fécafoot de Samuel Eto’o, deux ans après son élection, est beaucoup plus banale qu’on ne l’imagine. Il ne gouverne depuis longtemps que par le mensonge, la manipulation, la ruse et le viol permanent d’une foule curieusement consentante. Il est appuyé en cela par ses hommes qui ont investi les réseaux sociaux et certains médias. Leur rôle n’est pas de présenter la Fécafoot comme elle est, mais comme la propagande leur raconte qu’elle est.
Vous qui étiez hier son directeur de campagne pour la présidence de la Fecafoot, que lui reprochez-vous aujourd’hui ?
Je ne pose aucun problème personnel. Je n’en ai pas. Je lui reproche de n’avoir pas respecté ses engagements avec les Camerounais pour le bien de leur football. C’est tout. C’est un travail citoyen que n’importe quel Camerounais devrait pouvoir faire. Et ce n’est pas seulement avec Eto’o. Nous devons être beaucoup plus exigeants avec ceux qui ont la responsabilité de gérer les affaires publiques. Ils ne sont pas là pour eux-mêmes, mais pour nous. Ils doivent rendre compte et le leur demander ne doit pas être perçu comme une déclaration de guerre, mais un acte citoyen normal en démocratie. Eto’o lui-même avait promis qu’il rendrait régulièrement compte. Apparemment il l’a oublié. L’opacité règne en maître à la Fécafoot de Samuel Eto’o.
Regrettez-vous avoir coordonné l’un des projets de Samuel Eto’o ?
J’imagine que vous voulez parler de sa campagne. Non je ne regrette rien. Avoir été sollicité par la légende Samuel Eto’o pour être la figure de sa campagne fut un grand honneur. Nous parlons quand même de la plus grande vedette de toute l’histoire du Cameroun. Ce fut une belle expérience, très enrichissante. Mais je n’y étais pas pour ma petite gloriole mais pour l’intérêt du football camerounais. Et secrètement je m’étais promis de me retirer sans autre forme de procès à la moindre incartade, si je me rendais compte que mon candidat une fois élu posait des actes qui me mettaient en conflit avec ma conscience et mes valeurs. C’est ce que j’ai fait. Non, je ne regrette rien. Je suis simplement, comme beaucoup, déçu.
Quelles relations entretenez-vous aujourd’hui avec lui ?
Quelle relation voulez-vous que j’entretienne avec quelqu’un qui n’est ni mon ami, ni mon patron, ni rien du tout pour moi ? Quand j’étais même son directeur de campagne, nos relations étaient strictement professionnelles. J’y ai toujours mis un point d’honneur. Avec les personnalités, je cultive toujours le contact et la distance.
Comment qualifiez-vous le football camerounais d’hier et celui de nos jours avec Samuel Eto’o comme président de la Fédération ?
C’est une trop vaste question. Je dirais simplement que la Fécafoot d’aujourd’hui est très loin des attentes des Camerounais, surtout pour ceux qui sont rigoureux. Si on ne prend que les résultats sportifs, ils sont catastrophiques ! regardez les performances des sélections nationales en compétition internationale. Elles sont presque toutes balayées. L’histoire retiendra que c’est sous la présidence d’Eto’o que les Lionnes Indomptables ont manqué pour la première fois de leur histoire une participation à la CAN. Même Coton Sport de Garoua, le seul club qui réussissait encore à faire illusion à un football camerounais des clubs n’y arrive plus en Ligue des champions. Le football qui a toujours uni les Camerounais est devenu, sous Eto’o, la plus grande cause de division des Camerounais. Or il promettait le contraire. Je ne parle pas des fonds de la Fédération qui sont totalement exsangues. Or il promettait de faire ruisseler beaucoup d’argent sur le football camerounais en utilisant son « carnet d’adresses » qui serait prodigieux. Deux ans plus tard on n’a rien vu. Bref, c’est le bluff total.
Qu’auriez-vous souhaité voir après son élection ?
Simplement qu’il applique son programme et qu’il respecte ses engagements avec les Camerounais qui l’ont soutenu en masse.
Auriez-vous écrit ce livre si vous étiez encore dans l’équipe de Samuel Eto’o ?
Un de ses sbires avait dit dans une interview, parlant de moi, que « Samuel Eto’o n’a rien ne promis à personne ». Il avait tout à fait raison. Samuel Eto’o ne m’a rien promis et je ne lui ai rien demandé non plus. Donc la question ne se pose pas.
Interview réalisée par Michèle Ebongue.