in

Usine des tracteurs d’Ebolowa : Ecobank accusée de bloquer le projet

Dans une plainte dont une copie a été adressée au Premier ministre, Paul Bernard Moukouri Soppo, le directeur général d’Immobiliare M et M Sarl, adjudicataire du marché de construction de l’usine de montage des tracteurs d’Ebolowa, accuse la banque

d’«interférences de plus en plus graves et nuisibles » à l’achèvement du chantier. Mais Ecobank ne serait que l’une des têtes d’une hydre qui menace le projet.

0%20tracteurs

 

Enquête

« Nous montons déjà des tracteurs. Nous monterons peut-être bientôt des voitures. », exultait Paul Biya dans son discours à la nation le 31 décembre 2012. Le président de la République est-il allé un peu trop vite en besogne? En tout cas, depuis le mercredi 17 janvier 2013, le chantier de construction de l’usine de montage des tracteurs d’Ebolowa, dont la fin des travaux est programmée pour mai 2013, selon le planning actualisé des travaux, est de nouveau à l’arrêt.

Me Ngo Hiag Fidèle, huissier de justice près la Cour d’appel du Centre et des tribunaux de Yaoundé, agissant pour le compte d’Oscar Moulongo, un homme d’affaires, a saisi les comptes d’Immobiliare M et M Sarl, l’entreprise chargée de construire l’usine, à Ecobank et à la Bicec. Selon le procès verbal de saisie conservatoire des créances, l’homme d’affaires tente, par cette action, de se faire payer deux chèques de 70 millions et de 50 millions de Fcfa à lui délivrés par l’entreprise. Quelques jours auparavant, Moulongo Oscar avait déposé une plainte au Service central de recherche judiciaire de Yaoundé pour « chèques sans provisions ». Plainte à la suite de laquelle Paul Moukouri Soppo, le directeur général d’Immobiliare M et M Sarl, a été arrêté puis relâché alors qu’il était sur le point d’être déféré à la prison de Kondengui à Yaoundé.

« Tentative d’escroquerie »

Mais l’affaire n’est pas aussi simple qu’elle paraît. Dans une plainte contre le commandant de Brigade Eteme et l’adjudant Solange Ongobassomben en service au Service central de recherche judiciaire de Yaoundé qu’il accuse d’«abus de fonctions », « torture » et de « tentative d’assassinat » en complicité avec Oscar Moulongo, daté du 16 janvier 2013 et dont une copie a été adressée au Premier ministre au secrétaire général de la présidence de la République, Paul Moukouri, donne sa version des faits. On y apprend que dans le cadre de la construction de l’usine de montage des tracteurs d’Ebolowa, le Dg d’Immobiliare en difficulté, a contracté auprès de Moulongo un prêt de 100 millions de Fcfa contre deux chèques de garantie de 70 millions chacun et un titre foncier de 10 Ha 800 m2.

Après le remboursement d’une partie de la dette, le créancier n’a consenti à retourner qu’un chèque de garantie de 70 millions et exigé un autre chèque de garanti de 50 millions. Et à ce jour, alors qu’Immobiliare M et M Sarl a déjà versé à sieur Moulongo 105 millions de Fcfa, tel que l’atteste l’extrait de compte de cette entreprise domicilié à Ecobank, ce dernier continue d’exiger le payement de 120 millions de Fcfa qu’il considère comme les intérêts générés par la dette. Ce que le Dg d’Immobiliare considère comme « une tentative d’escroquerie ». Il consent néanmoins à verser à ce dernier tout au plus 35 millions au titre de ces intérêts. Ce que refuse Oscar Moulongo. L’affaire reste pendante devant les juridictions. La lumière étant d’autant plus difficile à faire qu’au cours des auditions menées par le Bureau de lutte contre la grande criminalité du Littoral, les deux protagonistes ont avoué traiter sur « la base de la confiance ». Il n’existe donc pas de document ni de témoin pouvant attester l’une ou l’autre thèse.

Le rôle trouble d’Ecobank

Mais pourquoi Immobiliare a-t-il eu recourt aux emprunts privés qui bloquent aujourd’hui la finalisation de l’usine? Le Dg de Immobiliare explique qu’«Ecobank qui reçoit tous les payements dudit marché (plus de 2,5 milliards de Fcfa à ce jour Ndlr), refuse d’accorder à notre entreprise des facilités légales d’accompagnement de 25% du coût du marché en termes de découvert, selon les prescriptions de la Cobac et malgré le fait que l’entreprise a des garanties déposées dans ladite banque.» Rendu à la direction régionale d’Ecobank à Yaoundé, ce vendredi 25 janvier 2013, le chef de centre se refuse à tout commentaire se murant derrière « la déontologie bancaire ». « Et même si on lui refuse des découverts ? Je ne peux rien vous dire, même si le client nous insulte. C’est la déontologie bancaire ! », tranche Fréderic Ngoh.

Pour approfondir :   Cameroun : 58 «casseurs» aux arrêts à Bamenda

 

Cette attitude de la banque, Paul Moukouri Soppo la qualifie dans sa plainte d’«interférences de plus en plus graves et nuisibles » à l’achèvement du chantier. En fait, c’est pour dire le moins. Selon des sources proches du dossier, Oscar Moulongo serait en complicité avec Ecobank Cameroun dont l’actionnaire majoritaire est André Fotso, le président du Gicam. Et tous travailleraient pour des lobbies qui ont intérêt à voir mourir le projet. Des allégations que nous n’avons pas pues vérifier. Une chose est cependant certaine, depuis le début du projet, Ecobank s’illustre par des actes pour le moins suspects.

«Erreurs» à répétition

Déjà, au tout début de l’exécution du marché de construction de cette usine, passé de gré à gré en août 2010, d’une valeur de 3,5 milliards de Fcfa, une « erreur » de la banque sur le numéro de la lettre de crédit pour l’achat du matériel d’une valeur de 900 millions de Fcfa, communiqué par la Caisse autonome d’amortissement, a brouillé les relations entre Immobiliare et ses partenaires italiens qui ont pensé à une escroquerie. La réalisation du projet sera ainsi retardée de 6 mois, le temps de trouver un autre fournisseur et de fabriquer à nouveau le matériel.

Une fois le chantier lancé, des mouvements louches ont été effectués dans le compte de l’entreprise destiné à recevoir les fonds destinés au projet et domiciliés à Ecobank. Un exemple. début août 2010, alors que l’entreprise sait détenir dans ses comptes une somme de 400 millions de Fcfa, il émet le chèque Ecobank n°3690107 d’un montant de 35 millions au bénéfice des Ets Mohr. Mais le chèque est rejeté pour « provisions insuffisantes», comme l’atteste le détail de chèque édité le 10 août 2010 à 09 h 19 min, par l’agence Hippodrome à Yaoundé de NFC Bank ou Mohr détient un compte. Vérifications faites : le compte d’Immobiliare à Ecobank a été débité puis réapprovisionné. Au responsable d’Immobiliare venu aux nouvelles, Ecobank parlera d’une « erreur ». Sauf que les cas pareils vont se multiplier. Ainsi le 30 août le chèque N° 3690149 émis à l’ordre de Afib Sa et le 24 décembre 2012 le chèque N° 4382614 émis à l’ordre de Sorepco Sa connaitront le même sort dans les conditions similaires.

Prélèvements indus

La banque est également accusée par Immobiliare de faire « main basse sur une partie des fonds destinés à la réalisation du projet ». Une affaire portée devant le tribunal de première instance de Yaoundé centre administratif. Et par l’ordonnance de référé N° 622/C du 06 septembre 2012, Ecobank a été condamnée à retourner lesdits fonds. Soit un peu plus de 17 millions. Décision jamais exécutée. Comme avec nous ce vendredi 25 janvier 2013, la banque a refusé de s’expliquer devant le tribunal, se bornant à récuser le juge de référé.

Pour approfondir :   Barrages Coupe du monde féminine : les Lionnes Indomptables affronteront la Thaïlande pour leur premier match de barrage de la Coupe du monde féminine 2023

En plus de ces fonds, la banque continue de détenir « abusivement » selon le Dg d’Immobiliare, « la somme de 22 872 066 Fcfa et un titre foncier donnés en gage pour la caution d’avance de démarrage entièrement remboursée au mois d’aout 2012 ». Une attestation de main-levée de la caution d’avance de démarrage signée du ministre de l’Economie de la planification de l’aménagement du territoire, le 9 août 2012, atteste d’ailleurs du remboursement de la totalité de ladite caution 

Sabotage 

Même au ministère de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire (Minepat), le maitre d’ouvrage, le projet n’a pas l’assentiment de tous. Tenez, lorsqu’en 2011, le matériel destiné à la construction de l’usine fini par arriver au port de Douala, le Dg d’Immobiliare adresse une demande d’exonération des droits de douane qui s’élèvent à 400 millions de Fcfa, au directeur général de la Planification et de l’aménagement du territoire représentant du maitre d’ouvrage (l’Etat Ndlr). Janvier Oum Eloma lui oppose une fin de non recevoir pourtant nombre d’autres projets structurants en bénéficient. 

Le matériel restera ainsi bloqué pendant de longs mois au port engendrant des surestaries (frais pour occupation d’espace) de plusieurs dizaines de millions. C’est avec le remaniement du 09 décembre 2011 qui a vu l’arrivée de Nganou Djoumessi au Minepat et Alamine Ousmane Mey au ministère des Finances et les dénonciations de l’Acdic de Bernard Njonga que les exonérations seront accordées et la situation débloquée. Alors que la marché aurait dû être initialement livré en décembre 2011, c’est en début d’année 2012 que le matériel arrivera à Ebolowa, après nombre d’autres péripéties au rang desquelles des tentatives de dissimulation de containers de matériels.

Et depuis le début de la construction de l’usine, de nombreux autres actes de sabotages ont été enregistrés. Paul Moukouri cite par exemple le sabotage du système électrique ou des engins dans lesquels ont été versés dans leurs réservoirs, d’importantes quantités d’eau. Des faits attestés par des constats d’huissiers et de gendarmerie.

Guerre de succession

Des faits qui montrent bien que depuis le début du chantier, des forces dans l’ombre travaillent contre l’avènement de l’usine de montage des tracteurs d’Ebolowa. Nous avons pu identifier deux types de pesanteurs. La première au Minepat. Ici, de hauts responsables ont voulu faire du projet de construction de l’usine un projet fictif afin de se mettre plein les poches. Pour les mêmes raisons, d’autres ont demandé au maitre d’œuvre de surfacturer le marché en le faisant passer de 3,5 milliards, le coût réel, à 6 milliards de Fcfa. Face au refus de ce dernier, ils ont commencé à travailler pour sa perte.

La seconde, et c’est la plus dangereuse, regroupe des membres du gouvernement, des hautes autorités dans l’appareil sécuritaire et judiciaire travaillant pour des intérêts économiques opposés à l’aboutissement du projet. Leur objectif : un éventuel retour d’ascenseur lors de la probable « guerre » de succession.

Pour tenter de clarifier la situation et relancer les travaux, le ministre de l’Economie aurait initié une réunion entre le maitre d’œuvre, Immobiliare, Ecobank, la banque où est logé le compte qui reçoit les fonds destinés à la construction de l’usine et le ministère des Finances. Cette réunion devrait probablement avoir lieu après la visite de Paul Biya à Paris.

(c) Aboudi OTTOU

 


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Brésil : plus de 200 morts dans l’incendie d’une discothèque

Paul Biya en France: Quels enjeux pour les camerounais?