Le porno camerounais ne bénéficie pas d’une reconnaissance légale ni d’une structure organisée comme dans les grandes industries cinématographiques occidentales. Les acteurs et producteurs évoluent dans une zone grise, contournant souvent les lois locales qui condamnent la production et la diffusion de contenus pour adultes.
Malgré cela, une demande croissante existe, alimentée par des moyens informels de distribution tels que les réseaux sociaux, les groupes privés sur des plateformes comme Telegram et Twitter, et des sites occidentaux qui proposent du contenu africain. Les conditions de production sont souvent précaires. Les acteurs et actrices travaillent dans des environnements clandestins, sans régulation ni protection légale, exposés à de multiples risques, notamment financiers et sanitaires. Ce cadre informel ne garantit aucun droit ni sécurité pour les personnes impliquées, ce qui alimente des débats sur l’exploitation et les abus dans ce secteur.
Les réseaux sociaux et la révolution digitale
Les réseaux sociaux comme Telegram, TikTok et Twitter sont devenus des plateformes clés pour la diffusion de contenu pornographique au Cameroun. Dans ces espaces souvent plus libres, de nombreux utilisateurs partagent et consomment du contenu pour adultes. Sur certaines applications de rencontres populaires, il n’est pas rare que des utilisateurs échangent des « nudes » ou participent à des lives érotiques, où les internautes interagissent directement avec les créateurs de contenu.
Cela a donné naissance à un nouveau modèle de consommation et de production de contenu pornographique, en dehors des circuits traditionnels. Avec la montée des abonnés, des likes et des partages sur ces plateformes, il devient évident que le public pour ce type de contenu est large et actif. Toutefois, l’anonymat relatif des plateformes de réseaux sociaux pose des questions sur les droits, la protection des mineurs, et l’exploitation des acteurs souvent précaires.
Les barrières culturelles et légales
Au Cameroun, comme dans de nombreux pays africains, la production et la consommation de pornographie sont largement vues sous un angle négatif. La culture camerounaise, fortement ancrée dans des valeurs traditionnelles et religieuses, condamne fermement toute forme de sexualité affichée publiquement, considérée comme un tabou. Cette position est renforcée par des lois strictes contre la pornographie, qui la classent comme une activité illégale.
Le Code pénal camerounais punit la production, la distribution et la consommation de contenus pornographiques, ce qui rend difficile toute tentative d’organisation formelle de cette industrie. Pourtant, malgré ces obstacles, l’accès aux contenus pour adultes reste une réalité quotidienne grâce à Internet et aux réseaux sociaux.
L’avènement de Dorcel Africa et les conditions précaires des acteurs
L’événement marquant du paysage pornographique africain et camerounais a été l’arrivée de Dorcel TV Africa, une chaîne dédiée aux films pour adultes, produite par le géant français de la pornographie Marc Dorcel. L’idée derrière cette initiative était de créer une chaîne « 100 % africaine », conçue pour un public local, avec des acteurs, réalisateurs et scènes adaptés aux goûts et sensibilités africaines.
Disponible sur les bouquets Canal+ dans 25 pays d’Afrique francophone, Dorcel TV Africa s’est rapidement imposée comme une alternative à d’autres chaînes comme Penthouse Black, qui proposaient principalement du contenu produit pour les marchés occidentaux. Dorcel TV Africa tente de combler un vide en offrant du contenu plus localisé, bien que cela ne soit pas sans controverses. Cette initiative a divisé le Cameroun. D’un côté, certains voient dans cette chaîne une reconnaissance du besoin de contenus pour adultes africains adaptés aux réalités culturelles locales. De l’autre, des voix critiques dénoncent l’importation de valeurs occidentales perçues comme dégradantes pour la culture africaine.
Les acteurs et actrices camerounais impliqués dans la production de films pornographiques travaillent dans des conditions extrêmement difficiles. La clandestinité de cette industrie, en raison des lois strictes, signifie qu’ils ne bénéficient d’aucune sécurité sociale, d’aucune reconnaissance professionnelle ni de droits syndicaux. Le manque de professionnalisme et d’organisation de l’industrie expose ces acteurs à des abus, tant sur le plan économique que physique.
Des témoignages glaçants
Des acteurs sont montés au créneau pour dénoncer cet état de chose. Albin Motmbit, alias « Ze Gladiateur », a dénoncé des pratiques douteuses dans la gestion locale. Il affirme que l’argent destiné aux soins médicaux avant les tournages est parfois détourné par les producteurs africains. Selon lui, la gestion des conditions sanitaires et contractuelles laisse à désirer, notamment en termes de tests médicaux et de rémunération. Comme Albin Motmbit, les témoignages des acteurs décrivent un environnement où les scènes sont filmées dans des conditions parfois douteuses, avec des contrats qui ne garantissent pas toujours le bien-être des travailleurs. Pourtant, un contrat de travail lie pourtant les acteurs en collaboration avec Dorcel TV Africa.
«Je dois respecter les obligations légales suivantes avant le tournage : lire et signer mon contrat si je suis d’accord avec ses conditions. Je dois être payé le montant indiqué dans le contrat et attester que j’ai bien reçu la somme prévue pour chaque scène sexuelle. Je dois réaliser, au frais de l’ONG, une liste de tests datant de 14 jours maximum avant le tournage et un test Covid au maximum 72 heures avant le tournage pour vérifier que je suis bien négatif avant de m’engager. Je sais que je dois utiliser des méthodes sanitaires et de protection. Je ne participe à aucun acte de pénétration sexuel sans préservatif et que celui-ci reste obligatoire en toute circonstance. Avant chaque tournage et juste avant chaque scène sexuelle, je dois vérifier le test négatif de mon ou mes partenaires ainsi que leur carte d’identité ou passeport qui doivent correspondre au test. J’ai le droit de refuser un acteur/ actrice comme partenaire avec qui je ne me sens pas à l’aise et qui n’était pas clairement prévu ou qui semble ne pas garantir ma sécurité sanitaire. Je vérifie que mon état de santé est compatible avec le tournage», peut-on lire dans le contrat des acteurs.
Une volonté d’amélioration
Dorcel TV Africa pense néanmoins à structurer l’industrie en imposant des normes plus strictes, telles que l’obligation de tests médicaux réguliers pour les acteurs, la signature de contrats clairs et le respect des droits sanitaires. Selon la chaîne, les acteurs doivent désormais passer des tests pour les IST avant chaque tournage, et l’utilisation de préservatifs est obligatoire sur tous les plateaux. En collaboration avec des ONG locales, Dorcel assure que ces normes sont respectées, et tout manquement est signalé.
Malgré les efforts de Dorcel, les conditions de rémunération restent un sujet brûlant. Les salaires varient entre 150 000 FCFA et 400 000 FCFA par scène, mais certains acteurs ont préféré garder l’anonymat, par crainte des pressions sociales ou des sollicitations financières de leur entourage. Cette précarité financière, combinée à une absence de reconnaissance officielle, fait de l’industrie un environnement risqué pour les travailleurs.