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Kah Wallah à Atanga Nji : « Cessez vos menaces et vos insultes à l’endroit des Camerounais »

La dernière sortie du ministre de l’Administration territoriale qui interdit désormais tout débat sur la santé de Paul Biya dans les médias privés et les réseaux sociaux, n’a pas encore de faire les vagues sur la scène politique camerounaise.

Kah Walla et Atanga Nji
Kah Walla et Atanga Nji - DR

« Monsieur le Ministre de l’administration territoriale, Cessez immédiatement les menaces et les insultes que vous utilisez lorsque vous vous adressez aux Camerounais. C’est une violation de la loi camerounaise, une attitude inconvenante et un manque de respect à l’égard du peuple », écrit l’ancienne candidate à l’élection présidentielle de 2011 Edith Kah Walla sous la tunique du CPP, dans une lettre ouverte, adressée à Paul Atanga Nji.

En effet, face aux rumeurs persistantes sur l’état de santé du président de la République, le ministre de l’Administration territoriale a fait une sortie interdisant désormais les Camerounais de parler de ce sujtet dans la presse privée et les réseaux sociaux. Une sortie véhémente contestée par certains acteurs de la scène politique, parmi lesquelles Kah Wallah, femme politique Camerounaise. Dans sa correspondance adressée au Minat, elle laisse transparaître son mécontentement et la déception qu’elle a vis à vis de son « frère Abakwa ».

Lebledparle.com vous propose ci-dessous l’intégralité de ladite lettre:

Monsieur le Ministre de l’Administration Territoriale,
Mon cher frère Abakwa,

Je vous écris une lettre publique et personnelle. Publique parce qu’elle concerne plutôt les actions publiques ostentatoires que vous avez menées et que vous n’avez pas menées. Personnellement parce que oui, vous êtes mon frère.
Cette lettre a pour but de vous demander de cesser, de renoncer et de passer à l’action.

Cessez !

En tant que citoyenne camerounaise, je vous demande de cesser immédiatement deux choses.
Tout d’abord, vous devez cesser de nous menacer et de nous insulter, nous, citoyens camerounais. L’utilisation de termes tels que “moulinex”, le langage et le ton intimidants doivent cesser immédiatement. Vous êtes Ministre de la République du Cameroun.

Je vous invite à relire l’article 2 de notre Constitution. Nous, le Peuple, détenons la souveraineté nationale que nous choisissons d’exercer par l’intermédiaire du Président de la République. Vous êtes nommé par le Président de la République. Dans l’ordre hiérarchique, nous, le Peuple, sommes le patron de votre patron. En aucun cas vous n’êtes censé nous insulter ou nous menacer dans l’exercice de vos fonctions officielles. Nos impôts paient votre salaire et celui du Président de la République. Vous travaillez pour nous.

En tant que Ministre de la République, vous devez faire preuve de professionnalisme, d’étiquette et de respectabilité à tout moment. Nous vous payons pour que vous nous représentiez avec dignité et décorum.
Contrairement à beaucoup de Camerounais, je vous ai rencontré et j’ai discuté avec vous. Au cours d’un entretien de 3 heures, nous n’étions pas d’accord plus de 90% du temps. Pas une seule fois vous ne m’avez menacé ou insulté pendant cette conversation, malgré nos points de vue diamétralement opposés. Je sais donc que vous êtes capable de communiquer sans menace ni insulte.

Cessez immédiatement les menaces et les insultes que vous utilisez lorsque vous vous adressez aux Camerounais. C’est irrespectueux envers nous, le Peuple. C’est une violation de la loi camerounaise, une attitude inconvenante et un manque de respect à l’égard du peuple camerounais.
C’est un acte indigne de la fonction que vous avez été désigné pour occuper. Une fonction qui nous représente en tant que nation.
Cessez immédiatement les menaces et les insultes.

Renoncez !

En tant que citoyenne camerounaise, je vous demande de renoncer immédiatement à des déclarations de nature illégale. En tant que Ministre de la République du Cameroun, l’une de vos responsabilités principales est de respecter et faire respecter la loi. Vous faites régulièrement des déclarations et tentez d’accomplir des actes contraires à la loi. Je citerai deux exemples.

  • Déclaration illégale sur la liberté d’expression: Interdiction du débat public sur l’état de santé du Chef de l’Etat. Le préambule de la Constitution du Cameroun stipule que “la liberté de communication, d’expression, de presse, de réunion, d’association et de syndicalisme, ainsi que le droit de grève sont garantis dans les conditions fixées par la loi”. La liberté d’expression est un droit constitutionnel ! Vous ne pouvez pas, en tant que Ministre de la République, interdire à un Camerounais de s’exprimer sur n’importe quel sujet, à moins qu’il n’existe une loi spécifique vous permettant de le faire. Votre directive du 9 octobre 2024 aux gouverneurs est donc illégale.
  • Prononcés illégaux sur le fonctionnement des partis politiques: Interdire les coalitions et exiger que les partis politiques demandent l’autorisation aux préfets et sous-préfets pour tenir des réunions, Monsieur tu Ministre, est en contradiction directe avec les lois N° 90/055 et N° 90/056 du 19 décembre 1990 qui spécifient les paramètres légaux pour la tenue de réunions publiques et le fonctionnement des partis politiques, respectivement. Ces lois rendent illégaux vos communiqués du 12 mars et du 23 mai 2024, qui sont également rédigés sur un ton menaçant et insultant.

Monsieur le Ministre, le respect de la loi camerounaise, je le répète, est un élément fondamental et spécifique de vos fonctions.

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La loi stipule que vous devez fournir un cadre dans lequel les partis politiques exercent la liberté d’opinion politique, garantie par notre constitution, et mènent leurs activités. En aucun cas, vous n’êtes censé vous immiscer ou interférer dans le fonctionnement des partis politiques. Malgré notre système judiciaire très imparfait, vos tentatives d’ingérence dans le fonctionnement interne des partis politiques ont toujours été stoppées par les tribunaux. Je le sais de première main, car je vous ai battu en tant que présidente du Cameroon People’s Party, non pas une, mais deux fois dans le système judiciaire. Plusieurs autres partis politiques vous ont également battu dans un système judiciaire qui ne favorise aucunement les partis d’opposition.
Retenez la leçon. Arrêtez les communiqués, les décisions et les actes ministériels illégaux. Ce n’est pas seulement inconvenant et indigne de la fonction que vous avez été nommé à occuper, mais cela suggère que vous n’êtes pas apte à exercer cette fonction.

Enfin, Monsieur le Ministre, vous devez cesser de confondre votre rôle de militant du parti politique au pouvoir avec vos fonctions de ministre.

Il est regrettable que votre parti, le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), se soit confondu en tant que parti avec le gouvernement du Cameroun au cours des 42 dernières années. Vous avez confondu les fonctions de l’État, vous avez confondu les ressources de l’État et vous avez complètement confondu les intérêts de l’État avec ceux de votre parti.
Sachez que cette confusion est regrettable, contraire aux intérêts de la République et incontestablement illégale. C’est une confusion qui a appauvri notre pays, entravé son développement et empêché les Camerounais de jouir des libertés, des ressources et des richesses de ce merveilleux pays qui est le nôtre. Vous, Monsieur le Ministre, êtes l’un des principaux promoteurs de cette confusion.
Vous devez cesser immédiatement de confondre votre rôle de militant du RDPC avec votre rôle de Ministre. Vous êtes Ministre de la République du Cameroun. Nous vous payons pour soutenir et défendre les intérêts nationaux, et non les intérêts d’un citoyen individuel quelconque, même quand ce citoyen est le Président de la République.

Passez à l’action.

Pendant que vous êtes occupés à proférer des insultes, des menaces et des déclarations illégales, le travail que vous êtes censés faire, le travail pour lequel nous vous payons en tant que citoyen/nes camerounais/es, est très mal fait. Les responsabilités dont vous vous acquittez de manière extrêmement inadéquate sont multiples. Permettez-moi de me concentrer sur trois d’entre elles qui nécessitent une action urgente et efficace de votre part.

  • La crise à l’Extrême Nord

Monsieur le Ministre, près d’un demi-million de Camerounais sont en situation de détresse dans l’Extrême-Nord de notre pays à cause des inondations. Vous avez interdit (vous et l’interdiction, hein !) aux Camerounais de mobiliser des ressources pour aider leurs concitoyens. Pendant ce temps, la Direction de la Protection Civile de votre ministère a échoué sur plusieurs fronts.

  • Prévention.

Ces inondations se produisent chaque année et les niveaux d’eau exceptionnellement élevés de cette année avaient été prévus. Votre ministère n’a rien fait pour éviter la mort des camerounais/es et la situation désastreuse dans laquelle se trouvent près de 500 000 de nos compatriotes

  • Réponse adéquate.

La mission précise de la Direction de la Protection Civile est de de se préparer et de répondre aux catastrophes. Jusqu’à présent, votre réponse est très insuffisante. Les abris sont insuffisants et ont été à nouveau inondés. L’assistance fournie aux victimes est insuffisante et inappropriée. Les victimes sont traumatisées et retraumatisées.

 Coordination, planification et mobilisation des ressources.

Votre ministère est censé coordonner avec tous les autres ministères ainsi qu’avec les acteurs de la société civile et du secteur privé pour fournir des solutions à court, moyen et long terme à ces citoyens en détresse. En dehors de vos déclarations sur les cadeaux du Chef de l’Etat (confondant une fois de plus votre rôle de militant avec celui de ministre), les camerounais/es ne sont pas au courant du plan de soutien à nos compatriotes. Après votre interdiction des initiatives privées, malgré le manque criant de ressources pour les victimes, personne ne sait ce que votre ministère fait pour répondre à cette crise ni comment nous, citoyens, pouvons y contribuer.

Insécurité urbaine

Monsieur le Ministre, en tant que citoyens, nous vivons dans une insécurité croissante et alarmante dans nos villes. Cette insécurité est due au manque d’opportunités d’emploi, d’éducation et de formation pour environ 30 % de nos jeunes. L’insécurité est également due à la prolifération et à la consommation de drogues illégales dans notre pays. Cette insécurité met nos vies en danger, entrave la croissance économique et les investissements dans notre pays. Il s’agit d’un problème complexe et urgent qui est au cœur de votre portefeuille en tant que ministre de l’administration territoriale.
Vos journées devraient être consacrées, non pas à nous menacer et à nous insulter, mais à mobiliser vos collègues ministres ainsi que toutes les autres parties prenantes (comment pouvez-vous nous mobiliser quand vous nous menacez ?), pour résoudre ce problème urgent.

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La crise anglophone

Monsieur le Ministre, comme je vous l’ai dit en personne, je vous considère comme l’un des principaux protagonistes d’une crise qui a tué près de 10.000 Camerounais, créé environ 60.000 réfugiés et déplacé plus de 800.000 personnes. Votre malheureuse « réunion de paix » du RDPC du 8 décembre 2016 a déclenché ce qui est devenu une guerre civile de faible intensité dans notre pays. Les citoyens étaient mécontents de leur gouvernement et formulaient des plaintes légitimes. Vous avez décidé de répondre par un événement partisan et vous avez déclenché une catastrophe. Commencez-vous à comprendre la calamité que cette confusion entre le rôle de ministre et celui de militant a engendrée pour notre pays ?

Aujourd’hui, la crise est là et vous êtes Ministre. Les réponses que vous avez apportées aux personnes déplacées internes (PDI) qui sont directement sous votre responsabilité sont totalement inadéquates. Les personnes déplacées ont besoin d’abris, de documents administratifs, d’écoles et d’emplois. Vous leur avez parfois fourni un matelas ou un sac de riz. L’Ouest, le Littoral, le Centre et même le Sud sont inondés de vagues de personnes déplacées qui, dans leur vulnérabilité, font l’objet d’un trafic humain à des fins sexuelles et de travail. Les victimes sont revictimisées encore et encore. Monsieur le Ministre, vous avez été si prompt, par votre arrogance, vos menaces et vos insultes, à déclencher cette crise. Nous vous demandons maintenant d’effectuer le travail pour lequel nous, les citoyen/nes, vous payons.

  • Élaborer un plan clair pour les documents administratifs destinés aux personnes déplacées. Des centaines de milliers de personnes déplacées vivent dans l’insécurité la plus totale parce qu’elles n’ont pas d’acte de naissance, de carte d’identité nationale ou d’autres documents administratifs. Organisez-vous avec vos collègues ministres et sortez immédiatement ces citoyen/nes de cette situation précaire. Ils souffrent depuis trop longtemps.
  • Fournir des soins de santé physique et mentale. Depuis le début de cette crise, votre gouvernement n’a offert que peu ou pas de services aux personnes déplacées qui ont subi de graves traumatismes physiques et mentaux. Organisez-vous avec vos collègues en charge de la santé et de l’aide sociale pour fournir les services dont ont cruellement besoin ces victimes qui ont souffert pendant des années sans que vous ne vous en préoccupiez.
  • Élaborer une stratégie claire pour l’emploi. Les personnes déplacées ont besoin d’un moyen de survie. Organisez-vous avec vos multiples collègues ministres en charge de la décentralisation, du développement économique, de l’agriculture, etc. et développez une stratégie claire pour l’emploi. Les personnes déplacées sont des citoyens que les politiques malavisées de votre gouvernement RDPC ont rendus sans abri et sans emploi. Il est de votre responsabilité de leur permettre de se réinsérer dans la vie sociale et économique.
    Monsieur le Ministre, il y a plus qu’assez de travail sérieux à faire. Ce ne sont là que quelques-uns des dossiers urgents qui se trouvent sur votre bureau. Vous n’avez pas de temps à consacrer à des communiqués futiles et à des décisions ministérielles illégales.
    Agissez, Monsieur le Ministre. C’est votre travail.

Mon cher frère Abakwa,

Oui, je conclurai sur cette note très personnelle. Vous êtes mon frère et je suis votre sœur, quels que soient nos sentiments d’ambivalence l’un envers l’autre. Le Cameroun nous destine ainsi, Abakwa nous destine ainsi.

Quiconque vous rencontre se rend immédiatement compte de l’amour profond, à la limite de l’adoration, que vous portez au Chef de l’État. Même si je trouve ce choix étrange, c’est le vôtre et je le respecte. Cet amour aveugle pour Paul Biya vous a cependant conduit à mener des actions qui ont très directement détruit l’Abakwa que nous connaissions et aimions, pour cette génération et la suivante. Que cela serve de leçon. Que cela ne se répète pas pour la Nation tout entière. Si la nature suit son cours, tôt ou tard, Paul Biya quittera cette Nation et vous et moi y resterons. Frères et sœurs, nous nous regardons en face.

Cessez. Renoncez. Agissez. Afin que ce jour-là, nous puissions trouver un terrain d’entente pour reconstruire, à partir de ces cendres que vous et votre amour de Paul Biya nous avez laissées.

Très sincèrement
Kah Walla
Citoyenne


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