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Affaire Longue Longue : « Un mal systémique profond dont le régime se sert depuis des années »

Alors que l’opinion publique est en attente des résultats de l’enquête liée à la torture de Longue Longue annoncée par le ministre délégué à la présidence, chargé de la Défense au niveau de ses services spécialisés, Celestin Bedzigui, estime que ce problème ne pourra se résoudre au niveau d’une enquête de service. Car explique-t-il, il s’agit d’un mal systémique profond dont le régime se sert depuis des années comme béquille ou comme instrument de confiscation du pouvoir en distillant une atmosphère de terreur sournoise.

Celestin Bedzigui
Celestin Bedzigui - DR

Lire ci-dessous sa tribune :

Le Parti de l’Alliance Libérale (PAL) a subi comme la majorité des Camerounais le choc insoutenable des images des tortures infligées à l’artiste Longue Longue par des éléments d’une unité des Forces de Défense et de Sécurité de l’État du Cameroun.

L’émotion populaire suscitée par ce spectacle intolérable a provoqué un flot de déclarations des figures publiques qui semblent avoir déterminé le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense à publier un communiqué annonçant l’ouverture d’une enquête pour identifier les auteurs de ces actes barbares.

Notre Parti est convaincu de ce que cette mesure ne peut être une solution au problème qui est mis à jour par cet épisode. En effet, l’initiative du ministre bien que louable pourrait n’avoir pour seul effet que d’occulter un problème d’une toute autre dimension. Ce problème-là ne pourra se résoudre au niveau d’une enquête de service car il s’agit d’un mal systémique profond dont le régime se sert depuis des années comme béquille ou comme instrument de confiscation du pouvoir en distillant une atmosphère de terreur sournoise. N’entend-t-on pas répéter par les uns et les autres : « je veux voir grandir mes enfants »? Quelle est donc la raison de cet effroi secret porté par les citoyens?

C’est la conscience de la culture de brutalités et des sévices corporels envers les citoyens qui caractérise le comportement de nos Forces de défense et de sécurité (FDS) depuis les années tourmentées de l’indépendance, culture se traduisant par la banalisation de la torture parfois jusqu’à ce que mort s’ensuive, quelquefois même d’exécutions sommaires, pratiques courantes dans les commissariats, les postes de gendarmerie, les lieux de détention de certains services qu’on sait plutôt être spécialisés dans le renseignement, toute chose que le régime qui a les rênes du pouvoir depuis ces temps lointains, par l’impunité manifeste, non seulement tolère mais, à certains égards, semble encourager.

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Des « disparus de Bepanda »

Ce mal a traversé des décennies et devient chaque année plus virulent, plus arrogant, plus entreprenant dans le mal, dans ses manifestations dont certaines peuvent être citées. Qui ne se souvient pas des « disparus de Bepanda », une dizaine d’adolescents interpellés dans un quartier de Douala par la gendarmerie à la suite d’une plainte relative au vol présumé d’une bouteille de gaz, qui ont été torturés et portés disparus jusqu’à ce jour, 30 ans plus tard. En 1990, huit ans après l’accession au pouvoir du Président Biya, Me Yondo Black, Ekane Anicet et autres, accusés d’avoir eu l’intention de créer un parti politique avaient été arrêtés et transférés à Yaoundé dans un centre de torture hérité de l’ère de son mentor et qui n’avait pas été fermé en dépit des proclamations d’instauration de la démocratie. Au Tribunal, Ekane Anicet enlèvera sa chemise pour montrer à l’assistance les traces des tortures qui lui avaient infligée pendant sa détention.

En 1991, les leaders de la Coordination des Partis politiques, dans une réunion pacifique, avaient été arrêtés et conduits à la gendarmerie du port à Douala. Et là, entre autres, Jean-Jacques Ekindi, Polytechnicien, Gustave Essaka, et comble de tout, Eboa Samuel, ancien ministre d’État, ancien secrétaire général de la présidence de la République avaient été bastonnés et torturés toute une nuit durant. Membre de la Coordination et habitant dans le voisinage de la Polyclinique Soppo à Bonapriso où ils avaient été accueillis, j’étais allé leur rendre visite le lendemain matin et les avais trouvé fort amochés.

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Wazizi, Martinez Zogo

Il y a ce journaliste anglophone, Waziri, arrêté il y a quelques années dans le Sud-Ouest transféré et torturé à Yaoundé où il est mort et son décès caché à sa famille pendant des mois. Plus près de nous, dans le temps, il y a le cas du journaliste Martinez Zogo, enlevé, torturé, achevé, dont le rapport d’autopsie du corps n’a jamais été communiqué aux avocats ni le corps remis à ce jour à sa famille. Tous ces crimes sont commis par des éléments des Forces de Défense et de Sécurité de l’État. Et à la tête de l’État trône un Chef, le chef de l’État, dont la responsabilité est pleinement engagée. Leurs auteurs ne se livreraient pas à de telles exactions s’ils n’étaient pas conscients de bénéficier d’une quasi-impunité.

Le dernier incident en date, la torture de Longue Longue expose l’État au discrédit voire au déshonneur. Le régime devrait s’y mirer et voir le visage hideux de son échec dans le domaine des Droits de l’Homme. Au Parti de l’Alliance Libérale, il s’agit du crime de trop. L’État est nu. La responsabilité morale et politique de son Chef est de manière incontestable engagée. Dès lors, pour l’honneur de la politique et en vertu de la responsabilité républicaine, après plus de 40 ans d’exercice d’ un pouvoir dont il a de manière manifeste perdu le sens et le contrôle, la seule sanction qu’il doit s’appliquer à lui-même est : Démissionner.

Président du Parti de l’alliance libérale,  candidat à l’élection présidentielle de 2025


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