Absent de la scène politique depuis les manifestations du 22 septembre 2020 organisées par la formation politique pour laquelle il milite, Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), Albert Dzongang transfuge du RDPC, donne son avis au sujet d’une note « d’une certaine jeunesse dynamique de Bamendjou », en circulation dans les réseaux sociaux, relative à l’affaire qui oppose Sa Majesté Jean Rameau Sokoudjou au préfet des Hauts-Plateaux.
Lebledparle.com vous propose ci-dessous, la tribune d’Albert Dzongang, conseiller de Maurice Kamto
J’ai lu avec un certain effroi un document qui circule en ce moment sur les réseaux sociaux et qui est attribué à une certaine jeunesse dynamique de Bamendjou. Point n’est besoin d’être sorcier pour comprendre que les noms alignés au bas de ce document comme étant ceux des personnes qui auraient participé à une vidéo conférence, sont des noms créés de toute pièce. Aucun jeune Bamendjou, Arrondissement dont je suis originaire, ne peut aujourd’hui se faire tromper sur l’objet du combat que mène le vaillant Chef Sokoudjou Jean Rameau.
À savoir, faire du Cameroun un pays de droit, un pays démocratique et un pays au sein duquel tous les citoyens sont égaux en droit et en devoir. De toutes ses décennies de lutte de longue haleine, pas une fois le Roi aura situé son combat au niveau de réclamations d’un quelconque avantage pour lui-même ou pour le village sur lequel Dieu lui a donné le pouvoir traditionnel.
Ce document au regard de son contenu au relent communautaire et sectaire, émane, et je suis très bien placé pour l’affirmer, du RDPC qui veut transformer la lutte que mène le Roi pour un mieux-être, pour une bonne gouvernance, en un problème tribal visant à opposer les Baham et les Bamendjou. Il n’est pas exclu que, pour ajouter du jus à ce cocktail empoisonné, l’on fasse bientôt découvrir sur les réseaux sociaux un autre communiqué d’une soit disante jeunesse dynamique de Baham, qui aura bien voulu répondre à la prétendue jeunesse bamendjou.
L’enjeu d’une telle manœuvre est de justifier pour le noyer, le problème que suscite l’arrogance de l’administration et le mépris fait à nos chefs traditionnels par celle-ci. Puisque j’y suis, je me servirai de cette tribune pour rappeler à Monsieur Yampen que lorsque Napoléon Bonaparte créait en 1800 le poste de préfet, les chefferies traditionnelles existaient déjà en Afrique depuis des siècles.
Ceci dit, je nous invite à ne pas succomber à une distraction qui du reste, use son frein dans l’usage d’une stratégie routinière du régime Biya devenue trop plate et même ridicule. Pour tenter de réduire la lutte du Roi à une simple revendication communautaire, la prétendue jeunesse s’adressant au régime situe sa préoccupation non pas dans le mépris de ses agents vis à vis de Sa Majesté, mais dans la non nomination par Biya des fils ressortissants de Bamendjou au sein de son gouvernement et administration.
Or ce que le Roi combat, ce que nous combattons, ce sont justement ces revendications tribales, communautaristes qui entérinent le malaise profond de notre société , en éloignant les citoyens Camerounais des enjeux de développement et d’alternance démocratique. J’ai la faiblesse de penser que nous ne pouvons pas être contre le moineau et envier ses œufs.
S’insurger de l’absence de fils Bamendjou au sein de l’appareil gouvernemental c’est laisser croire que les échecs du régime Biya se résument à cette «exclusion» et que tout irait subitement bien pour le Cameroun si nous étions nous aussi au banquet de ceux-là même qui dévorent comme des loups, et sans tablier, l’avenir de notre Pays; non! Là est la preuve que ce communiqué vient tout droit du cabinet noir du RDPC, coutumier du fait, qui a longtemps fait du tribalisme et du dilatoire ses boucliers de protection contre tous ceux qui leur demandent le bilan de leurs nombreuses décennies au pouvoir.
Cependant, ce document a au moins le mérite de révéler une chose vraie: il serait écrit de la main d’un certain fils baham en service à la Présidence de la république. On peut le dire du fait qu’il y’a une ressemblance incontestable avec d’autres documents du même genre que ce Monsieur dangereux pour la cohésion sociale a déjà confectionnés aux titres de motion de soutien ou d’autres choses de nature à combattre celui qui aujourd’hui, symbolise la lutte pour la démocratie et qui , par simple hasard est de Baham; il n’est pourtant pas Bamendjou.
En outre, croire qu’un acte posé par toute personne de passage à Baham engage les personnes originaires de cette communauté c’est tomber dans le piège du gouvernement. Pour rappel, le préfet Yampen, à l’origine de la sortie incendiaire qui a récemment provoqué l’indignation des camerounais, n’est pas Baham même s’il y vit. Il y est dans le cadre de ses fonctions d’administrateur civil.
Au lieu de s’appuyer sur ses actes pour caractériser tout un village duquel il n’est pas originaire, il aurait mieux fallu lui poser la question, comme d’autres l’ont déjà demandé, de savoir s’il lui serait possible de s’adresser sur ce ton au Sultan des Bamoun, communauté à laquelle il appartient. La réponse, je vous la donne, est évidemment que non. D’abord parce que le Sultan est son Roi et qu’il sait qu’un Roi ça se respecte; ensuite parce que le Sultan est son camarade de parti et même son patron en tant que chef du RDPC dans la région de l’Ouest. Bien sûr, mon allusion n’est pas inopportune.
Je veux noter qu’alors qu’on s’attaque au Roi des Bamendjou pour ses opinions sur la gestion du Pays, d’autres Rois comme lui, qui font plus que prendre la parole, occupent de postes électifs comme le Roi Baham ou de hautes responsabilités au sein du RDPC, sont respectés. On voit bien que, contrairement aux propos d’Atanga Nji, les Chefs ne sont pas interdits de politique; ils sont justes interdits de relever à haute voix les échecs du régime.
Cela s’est également vu lorsque le Sultan a , lors du (grand dialogue) appelé à une révision du système électoral et que pour le recadrer, son camarade de parti est allé affirmer sur RFI que ses propos n’engageaient que lui. Si le Chef Bamendjou avait rassemblé son peuple pour lui demander de soutenir Paul Biya et de combattre Maurice Kamto il aurait reçu une medaille de la vaillance. Pour preuve, quand en 2018 il est allé soutenir son ami Niat lors de la campagne électorale de Biya contre Maurice Kamto , il a été accueilli en héros.
L’un des combats que nous devons mener aujourd’hui est de rendre aux chefs traditionnels, qu’ils soient du Nord, de l’Ouest, ou de n’importe quelle autre partie du pays, leur dignité et le respect qui leur est dû. Ils sont au niveau communautaire ce qu’un Président doit être au niveau national : des gardiens de la culture et du bien-être de leurs filles et fils et parfois même des piliers du destin de la nation.
Je voudrai profiter de l’occasion pour rappeler un pan de notre histoire à la jeunesse afin qu’elle ne se perde pas dans un tribalisme inutile. Ce pan concerne la naissance du département des Hauts Plateaux et du choix de sa capitale. Nous sommes encore trois témoins vivants ( Messieurs Fotso Victor et Andze Tsoungui étant décédés) de ce drame; oui parce que la division du célèbre département de la Mifi a été un drame pour l’Ouest et le demeure. Elle n’a servi au pouvoir qu’à diviser pour mieux régner.
Nous sommes, disais-je, trois témoins vivants de cette opération. Le Président Biya, le Ministre d’Etat aujourd’hui handicapé, à qui je souhaite de recouvrer sa mobilité, ainsi que mes sincères condoléances pour le décès de sa fille, Monsieur Kontchou Komegni, et moi-même. A l’époque, fort de ses relations avec le président Biya, Monsieur Fotso Victor, pour qui Bandjoun était un univers et une propriété privée, avait obtenu la transformation de ce village en département.
C’était sous le ministère d’Andze Tsoungui, Ministre de l’Administration Territoriale qui n’avait lui-même pas vu cette segmentation d’un bon œil. Il avait, pour dissuader le Président Biya, tenté de lui démontrer que Bandjoun était un village au milieu d’autres villages du département de la Mifi et que géographiquement et administrativement sa transformation en département était mal venue. Le Président insista que cela fût fait, arguant qu’il s’agissait d’une promesse faite à son ami Fotso.
Député à l’assemblée nationale que j’étais à l’époque, le Ministre Tsoungui me fit venir dans son bureau pour me parler de ce projet. Il me demanda quel était mon village. Je répondis qu’il s’agissait de Bahouan. Il me demanda où il était situé, je répondis qu’il était voisin de Bandjoun dans le département de la Mifi.
C’est alors qu’il m’informa pour ma gouverne que bientôt Bandjoun serait un département et que dorénavant, si mon village venait à demeurer dans la Mifi il me faudrait traverser Bandjoun pour aller faire mes papiers à Bafoussam. Un tel scénario me parut simplement impossible. Je lui suggérai que Bahouan fût adjoint à Bandjoun afin que les deux villages dans leur proximité géographique se fussent retrouvés dans le même département.
Il trouva l’idée intéressante. Seulement, une fois au courant , Fotso Victor y opposa un refus farouche au motif que j’étais une tête brûlée et qu’il fut hors de question que lui et moi partageâmes le même département. « Tout sauf Bahouan », avait-il insisté.
Entre-temps ,le ministre d’Etat Kontchou informé de la situation , s’était rapproché de son collègue qui lui confirma l’information. A son tour, il s’y opposa vertement. Pour satisfaire Fotso il fallait donc diviser la Mifi en trois départements car il était impératif de gérer la situation des voisins de Bandjoun pour qu’ils soient administrativement bien pris en charge.
C’est ainsi qu’on décida de créer en plus du Koung-Nki, un autre département appelé les Hauts Plateaux dans dans lequel nos deux villages se retrouvent ; Fotso Victor préférant qu’on ajouta à Bandjoun bayangam, batoufam, bandrefam. Les Hauts Plateaux devant comprendre les villages Bahouan, Baham, Bamendjou, Bameka, Batié, Bapa, Badenkop, Bangou, la situation géographique de son chef-lieu ne pouvait être que Baham. On ne pouvait pas placer la capitale du département des Hauts Plateaux à Bamendjou en raison de son excentricité par rapport aux autres villages qui étaient plus proches de Baham.
Voilà pour l’histoire. Et tout le monde sait que, pour vous jeunes qui n’étiez pas là, la division de la Mifi a brisé les ailes de ce département moteur dans le développement du Cameroun et a accentué un tribalisme à l’Ouest avec cette notion d’autochtones qui jusqu’aujourd’hui empêche l’harmonie et le vivre-ensemble. J’ai dit tout cela pour appeler les jeunes à beaucoup de méfiance et de prudence. Ceux qui tirent les ficelles du tribalisme ne vous raconteront jamais cette histoire.
Lorsque le Chef Bamendjou parle, c’est son expérience de résistant qu’il partage avec le peuple dans son entièreté. Ce sont des conseils avisés qu’il donne aux camerounais. C’est pour ça qu’il s’exprime tantôt en Ewondo tantôt en Bamileke et en un bon français. Mes chers concitoyens, fils et frères, filles et sœur d’un même pays, vous devez dénoncer cette manœuvre des élites accompagnatrices de la destruction de notre patrimoine commun d’où qu’elles soient originaires.
Et dans le cas spécifique des Hauts Plateaux nous connaissons le serpent. Et la mission qui lui est dévolue est de tuer la chefferie traditionnelle. On l’a d’ailleurs vu récemment manipuler honteusement ces Chefs. Nous notables dépositaires du pouvoir traditionnel attendons seulement que les chefs de l’Ouest nous donnent l’autorisation de laver leurs honneurs .
Je profite de l’occasion pour nous demander de nous ranger tous derrière nos gardiens de la tradition, de lutter pour les sauver des griffes du pouvoir. Parce que contrairement à ce qu’on pense, et vous serez étonné que ces paroles viennent de moi, ces gens ne sont pas des traîtres. Ils sont faibles devant la puissance administrative, car certains d’entre eux doivent leur place à cette même administration. Et ceux qui ont tenté de résister ont été menacés au point où tous ceux qui se sont fait mordre par le serpent craignent le mille-pattes.
Au demeurant, je voudrai rappeler aux rédacteurs de ce communiqué qui affirment que Bamendjou n’a personne à l’Assemblée, que bien avant même la parodie de démocratie que Biya nous a brandie, il y’a eu dans ce village un notable qui était député. De plus, j’ai moi-même été député à Douala 10ans après qu’on m’eût proposé de l’être pour le compte de Bamendjou et que j’eusse refusé pour la simple raison que, même si je suis de Bahouan dans l’arrondissement de Bamendjou, je réside à Douala et qu’un député est celui qui représente la population au milieu de laquelle il vit. Par ailleurs, Il y’a eu tout près de nous Monsieur Chiendjou, lui aussi ancien député, qui aujourd’hui est l’un des acolytes de sindjoun Luc et qui est bien de Bamendjou. Ce dernier a même été représentant du Chef Sokoudjou à Yaoundé.
Il est donc impératif de suivre l’idéal national que le Roi porte dans ses revendications; cet idéal est plus grand que des postes qui de surcroît n’ont jamais rien apporté à nos villages respectifs. Si Biya avait nommé trois ministres Bamendjou dans son gouvernement qu’auraient-ils apporté à cet arrondissement ? À ce village ? Qu’ont apporté les ministres des autres départements ou arrondissements du Pays aux leurs? Maintenant que la capitale des Hauts Plateaux n’est pas à Bamendjou qu’est-ce que cette capitale a apporté à Baham ? Sinon des problèmes
Nous devons tout simplement comprendre que la lutte aujourd’hui conduite par un brave fils camerounais qui se trouve par hasard être originaire des Hauts Plateaux, n’est pas une lutte pour obtenir une place au sein du gouvernement; elle est une lutte de libération. Et celle-ci commence d’abord par l’acceptation de la fraternité camerounaise c’est-à-dire l’oubli de tout ce qui peut nous diviser sur le plan tribal. Nos tribus doivent être des piliers du développement national en ce que chacune d’elles apporte le meilleur de ce qu’il a pour le salut de notre pays.