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Analyse des salaires des fonctionnaires toutes catégories au Cameroun : entre justice sociale et disparités

La grille salariale des fonctionnaires camerounais, en vigueur depuis le second semestre de 2008, offre un aperçu des salaires mensuels bruts selon les catégories et échelons. Cette structure, bien qu’établie, reflète les défis liés à la justice sociale, à la motivation des agents publics, et à l’attractivité du secteur public. Ces salaires ont néanmoins connu deux augmentations successives de 5%, à la faveur d’une stratégie de compensation des hausses des prix du pétrole.

Fonction publique
Fonction publique-DR

La grille salariale camerounaise est divisée en plusieurs catégories (A, B, et C), et chaque fonctionnaire est positionné selon son échelon. Les catégories A1 et A2, correspondant aux cadres supérieurs et moyens, se situent au sommet de la hiérarchie. À titre d’exemple, un fonctionnaire de catégorie A1, au premier échelon, touche un salaire de base de 143 779 FCFA, auquel s’ajoutent un complément forfaitaire et une indemnité de logement. Ce salaire de base augmente en fonction de l’échelon, et son point culminant se situe à 245 382 FCFA pour un fonctionnaire de classe exceptionnelle (A1)​(Grille-salaire-Camer-20…).

De l’autre côté du spectre, les fonctionnaires des catégories B1 et B2, correspondant à des postes intermédiaires. Ces derniers bénéficient de salaires relativement plus modestes. Pour ces catégories, le salaire de base varie entre 117 369 et 199 036 FCFA, selon l’échelon. Ces niveaux de rémunération sont complétés par diverses indemnités, principalement pour le logement et d’autres avantages sociaux​(Grille-salaire-Camer-20…).

Salaires des fonctionnaires : un indicateur d’attractivité ?

Malgré des augmentations salariales modestes au fil des années, la grille actuelle suscite plusieurs réflexions en ce qui concerne l’attractivité du secteur public camerounais. La rémunération des fonctionnaires est-elle suffisante pour attirer et retenir les talents dans un marché où le secteur privé peut offrir des avantages financiers et professionnels supérieurs ? La grille actuelle semble plus orientée vers une stabilisation des revenus, sans forcément répondre aux exigences des réalités économiques modernes.

En effet, la rémunération des agents publics, bien qu’en apparence compétitive pour certaines catégories, peut sembler limitée face à l’inflation et aux besoins croissants des fonctionnaires, notamment en matière de logement, d’éducation et de soins de santé.

Justice sociale et disparités salariales

Un autre aspect est la justice sociale au sein même des catégories de fonctionnaires. Les écarts salariaux entre les différentes catégories et échelons soulèvent la question de l’équité. Par exemple, un fonctionnaire en début de carrière dans la catégorie B1 perçoit un salaire de base de 117 369 FCFA, alors qu’un cadre de catégorie A1 en classe exceptionnelle gagne plus du double. Ces disparités, bien que justifiées par les qualifications et les responsabilités, peuvent engendrer des frustrations au sein du personnel, surtout dans les catégories inférieures. Par ailleurs, les fonctionnaires des corps habillés (police et armée) tout comme ceux de la justice, obéissent à une grille salariale spécifique. 

Par ailleurs, les augmentations salariales sont également inégalement réparties entre les échelons, créant un fossé entre ceux qui sont au sommet de la grille et les autres. La question de savoir si cette structure incite réellement à la performance et à la progression de carrière reste en débat.

Paul Biya augmente les salaires des agents publics de 5 % et les allocations familiales de 60%

Le 21 février 2024, le président de la République du Cameroun, Paul Biya, a signé deux décrets visant à améliorer le pouvoir d’achat des agents publics et des familles. Ces décrets introduisent une augmentation des allocations familiales de plus de 60 % et une hausse de 5 % des salaires de base des personnels civils et militaires. Ces décisions, qui interviennent dans un contexte économique difficile, apportent un léger soulagement aux travailleurs, bien que des défis demeurent quant à leur impact réel sur l’économie.

Decret Biya
Décret du PRC

Un autre aspect important de cette série de mesures est la revalorisation des allocations familiales. Jusqu’à présent fixées à 2800 FCFA par enfant à charge et par mois, elles passent désormais à 4500 FCFA, soit une hausse de plus de 60 %. Cette allocation est versée aux travailleurs par la Caisse nationale de prévoyance sociale et le ministère des Finances.

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Cette augmentation est une réponse directe aux nombreuses revendications des familles camerounaises, en particulier dans un contexte où le coût de la vie ne cesse d’augmenter. En effet, la hausse des prix des produits de première nécessité, combinée à celle des carburants, a progressivement rogné le pouvoir d’achat des foyers, rendant difficile la gestion des dépenses courantes.

Revalorisation salariale pour les agents publics

Le second décret signé par Paul Biya concerne une augmentation de 5 % des salaires de base des personnels civils et militaires. Cette revalorisation est la deuxième en l’espace d’un an, après une première hausse de 5,2 % en 2023. Selon les termes du décret présidentiel, cette mesure est rétroactive, prenant effet dès le 1er février 2024.

Cette augmentation s’inscrit dans une stratégie gouvernementale visant à atténuer les effets de la récente hausse des prix des carburants, en particulier du super et du gasoil, dont les prix à la pompe ont respectivement augmenté de 15 %, portant le litre à 840 FCFA pour le super et à 828 FCFA pour le gasoil. Le gouvernement a mis en place cette augmentation des salaires comme une mesure d’accompagnement, destinée à limiter l’impact négatif sur le pouvoir d’achat des fonctionnaires et de leurs familles.

Fon Mag
Comparaison des salaires de fonctionnaires civils et magistrats

Un impact limité sur le pouvoir d’achat

Malgré cette hausse des salaires et des allocations, les effets sur le pouvoir d’achat global des ménages risquent de rester limités. En effet, la flambée des prix des produits de base et des services, amplifiée par l’augmentation des prix des carburants, constitue un frein majeur. D’après l’Institut national de la statistique (INS), le taux d’inflation devrait se maintenir autour de 7 % en 2024, un chiffre bien supérieur à l’objectif de 4 % visé par le gouvernement. Les hausses des coûts du transport et des produits manufacturés, entraînées par l’augmentation des carburants, ne feront qu’alourdir la facture des ménages.

Les projections de la loi de finances 2024 révèlent également une augmentation des dépenses du personnel de l’État, avec une hausse de 8,1 % par rapport à l’année précédente. Ces dépenses devraient atteindre 1698 milliards de FCFA, dont 1357 milliards alloués aux salaires et 269,7 milliards aux pensions. Le gouvernement devra donc naviguer avec prudence entre le maintien de l’équilibre budgétaire et la nécessité d’améliorer les conditions de vie de ses fonctionnaires.

Le nouveau SMIG au Cameroun : une avancée sous les nuages de contestation

Le 21 mars 2023, le Premier ministre camerounais, Joseph Dion Ngute, a signé un décret historique modifiant le Salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig). Cette revalorisation, tant attendue, survient après de longues négociations houleuses entre l’État, les organisations syndicales et patronales, qui ont abouti à une réforme inédite. Pour la première fois, le Cameroun instaure trois SMIG distincts en fonction des secteurs d’activité, une mesure qui a suscité à la fois satisfaction et controverse.

L’une des principales innovations de cette réforme est la différenciation des salaires minimums selon les secteurs. Jusque-là, le Cameroun appliquait un SMIG unique pour tous les travailleurs. Désormais, les travailleurs de l’administration publique, les employés du secteur agricole et assimilés, ainsi que ceux des autres secteurs d’activité bénéficient de Smig différents, ce qui reflète la diversité des réalités économiques de chaque branche.

  1. Pour les agents de l’État relevant du Code du travail, le SMIG passe de 36 270 FCFA à 41 875 FCFA. Ce montant, initialement proposé en janvier 2023 pour l’ensemble des travailleurs, avait été rejeté par les syndicats, mais il s’applique finalement uniquement aux agents publics. Cette revalorisation vise à atténuer les effets de la hausse des prix des carburants sur le pouvoir d’achat.
  2. Pour les employés du secteur agricole et assimilés, qui représentent la plus grande part de la main-d’œuvre au Cameroun, le Smig augmente de 36 270 FCFA à 45 000 FCFA. Ce secteur, crucial pour l’économie du pays, voit ainsi ses travailleurs bénéficier d’une augmentation substantielle de leur rémunération minimale.
  3. Dans les autres secteurs d’activité, le Smig est porté à 60 000 FCFA, un montant qui a finalement obtenu l’aval des syndicats, après avoir initialement demandé un Smig de 100 000 FCFA. Cette concession de la part du patronat (Gicam et Ecam) a permis de débloquer les négociations et de calmer les tensions sociales.

Les tensions sociales et la mobilisation syndicale

Malgré ces avancées, les discussions sur la réforme du SMIG ont été émaillées de tensions. Les syndicats, regroupés au sein du Cameroon Workers Forum (Cawof), avaient lancé un appel à la « mobilisation générale » des travailleurs entre le 15 février et le 15 mars 2023, dans le but de faire pression sur le gouvernement pour obtenir un SMIG unique de 60 000 FCFA pour tous les secteurs. Toutefois, cet appel n’a pas rencontré un écho suffisant pour paralyser les activités et forcer l’État à céder.

Finalement, le montant de 60 000 FCFA a été retenu, mais uniquement pour les secteurs autres que l’agriculture et la fonction publique. Cette différenciation a immédiatement suscité la réaction des syndicats, qui dénoncent une violation des dispositions du Code du travail camerounais.

Les critiques sur la légalité des trois SMIG

Les syndicats soulignent que la création de trois SMIG distincts contrevient aux dispositions de l’article 62 du Code du travail camerounais. En effet, cet article stipule qu’« un décret pris après avis de la Commission nationale consultative du travailleur fixe le salaire minimum interprofessionnel garanti ». Selon les syndicats, la loi ne prévoit pas l’instauration de plusieurs Smig, mais plutôt d’un seul montant applicable à l’ensemble des travailleurs régis par le Code du travail. En introduisant des Smig différenciés, le gouvernement serait donc en contradiction avec la législation en vigueur.

Une réforme aux effets mitigés

Si cette réforme marque une avancée notable pour l’amélioration des conditions de vie des travailleurs camerounais, elle laisse néanmoins un goût amer chez certains partenaires sociaux. Les employés du secteur agricole, par exemple, estiment que l’augmentation, bien qu’appréciable, reste insuffisante pour pallier la précarité à laquelle ils font face. De plus, l’inflation croissante et la hausse des prix des carburants continuent de peser lourdement sur le coût de la vie.


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