Membre du laboratoire de politique internationale à l’Iric, auteur et doctorant en relations internationales, Jean Armand Nkoétam Zambo estime que la loi portant code de la nationalité camerounaise gagnerait à prendre en compte les réalités de notre temps. Dans un article paru dans les colonnes du quotidien « Le Jour » en date du 9 septembre 2021, il révèle entre autres que la non prise en compte de la double nationalité limite l’apport d’une diaspora nombreuse et entreprenante dans l’essor de l’économie camerounaise.
Faut-il réformer le code de la nationalité camerounaise ? Lebledparle.com vous propose en intégralité l’argumentaire de l’internationaliste Jean Armand Nkoetam Zambo
Tout de go, il faut commencer par dire que la majorité des Etats reconnaissent ou tolèrent la double nationalité. Cependant, en Afrique, il s’agit d’une règle à géométrie variable. Hélas. Si certains pays tels que l’Angola, le Gabon, le Ghana, le Nigeria, la République du Congo, etc. autorisent cette règle, d’autres, plus méfiants, comme le Cameroun, la Guinée Equatoriale, n’autorisent pas cette règle. Or, le phénomène de mondialisation entraine une circulation significative des biens et des personnes. Conséquence, plusieurs africains se dirigent vers l’étranger pour des raisons diverses. Le Cameroun a une importante diaspora. Laquelle souhaite véritablement contribuer à l’émergence du Cameroun. Dans notre société, on a souvent vu des candidatures de certains camerounais rejetés pour motif de double nationalité, alors que ces derniers ont le potentiel et les compétences nécessaires pour les postes sollicités. Visiblement, cette question agite l’opinion publique à certaines occasions bien précises. Pourquoi ? A chacun d’en juger. Cet exemple parmi tant d’autres permet de conjecturer les pertes que cette règle engendre. De même, plusieurs camerounais à l’étranger souhaitent revenir dans leur pays pour impulser et réaliser des projets et des initiatives susceptibles de créer des emplois, de réduire le chômage et par ricochet promouvoir le développement de leur pays, mais sont généralement butés à des difficultés relatives au fait qu’ils auraient une double nationalité. Quel dommage !
« Les lois peuvent subir l’usure du temps »
Pour revenir directement à votre question, il me semble que la question de la double nationalité était à l’ordre du jour lors de la première édition du Forum de la Diaspora (FODIAS) en 2017 au Palais des Congrès. Du moins elle avait été soulevée par la diaspora présente. Le thème portait sur : « Le Cameroun et sa diaspora : agir ensemble pour le développement de la nation ». Ce thème traduit fort bien la volonté gouvernementale de faire avec sa diaspora. Toutefois, comment cette dernière va donc parvenir à cette fin lorsque la double nationalité n’est pas reconnue ? That’s the question ! Le fait que les camerounais soient de plus en plus mobiles, à l’intérieur et à l’extérieur du continent, devrait permettre de revoir notre code de nationalité. L’existence d’une Commission dédiée à la diaspora dans le cadre du Grand Dialogue National (GDN) est un signe prometteur ? Il y a lieu d’espérer. Par ailleurs, convient-il de préciser que l’une des préoccupations majeures soulevées par la diaspora camerounaise a toujours été la réforme du code de nationalité, donc la Loi NO 68-LF-3 du 11 juin 1968. C’est ce texte qui encadre et organise le régime de nationalité au Cameroun. Le chapitre IV traite de la perte et de de la déchéance de la nationalité camerounaise. Il énonce en son article 31(a) que : « perd la nationalité camerounaise, le Camerounais majeur qui acquiert ou conserve volontairement une nationalité étrangère ». D’autres conditions de perte de la nationalité sont définies dans les alinéas b et c. Pourtant, à l’observation des faits, on se rend bien compte que plusieurs camerounais de la diaspora pour diverses raisons acquièrent des nationalités étrangères tout en conservant un attachement indéfectible à la citoyenneté camerounaise.
Une réforme du Code de la nationalité n’est pas à exclure aujourd’hui au regard des différentes actions engagées par les décideurs publics en faveur de la communauté diasporique (La possibilité pour la diaspora de participer à l’élection présidentielle, le FODIAS, le GDN, etc.). Cette réforme peut à juste titre être appréciée par cette dernière comme une volonté des décideurs de les impliquer directement dans la gestion des affaires publiques. En plus, les lois sont dynamiques, donc peuvent subir l’usure du temps et faire l’objet d’amendements pour les adapter au contexte ambiant. Si de nombreux pays africains ont adopté cette règle, il n’est pas exclu que le Cameroun emboîte le pas. Il n’est jamais trop tard. L’adage dit mieux vaut tard que jamais. Il est possible d’autoriser cette règle et d’y inclure certaines conditions. Finalement, il revient aux décideurs publics de juger de l’opportunité de cette réforme.