Ces motos rallongées de façon artisanale permettent de supporter de lourdes charges. Une aubaine en zone agricole et pour les motos-taxis.
A dix sur une moto ! Et il ne s’agit pas d’un numéro de cirque. La scène se déroule dans un village près de Bafoussam, une ville à l’ouest du Cameroun. Ces engins hors normes sont plus qu’une attraction dans la région, ils sont devenus un moyen de transport à part entière, et ont forgé leur réputation sur les pistes défoncées de cette zone très agricole. Là où le pick-up ne peut plus passer, où le camion s’enfonce dans la boue jusqu’à l’essieu, la moto passe toujours.
Ces motos « gros porteur » sont nées de l’imagination débridée de deux mécaniciens de Bafoussam, Emmanuel Wembe et Kuate Bachile, que l’AFP a rencontrés. Sans que l’on sache vraiment pourquoi les deux hommes se sont lancés dans cette « customisation » hors normes.
Un mètre de plus
Le cadre est découpé, rallongé, renforcé sur les côtés par des repose-pieds qui font également office de porte-bagages. Des amortisseurs supplémentaires sont aussi adaptés. « On fabrique la moto selon la demande du client. Ça commence à quatre places jusqu’à dix places », explique Emmanuel Wembe.
La moto est ainsi rallongée d’un bon mètre, soit de plus de la moitié de sa taille d’origine, et atteint allègrement les trois mètres. De quoi faire frémir les ingénieurs de chez Honda ou Yamaha !
Du reste, un enseignant en mécanique du lycée technique de Bafoussam, prévient nos confrères de l’AFP : « Il y a beaucoup de risques, d’abord au niveau de la gestion de l’équilibre ».
La moto-taxi pour gagner sa vie
Les motos-taxis au Cameroun, comme dans de nombreux pays d’Afrique, sont les reines des villes et parfois des routes. Mais leurs pilotes, appelés ici benskineurs (ou aussi bend-skinneurs), traînent une très mauvaise réputation. Non-respect du code de la route, agressivité et parfois même délinquance, il faut coûte que coûte gagner sa vie.
Augmenter le nombre de voyageurs transportés est à coup sûr l’occasion de se faire plus d’argent. Grâce à ces motos rallongées, les gains à la journée peuvent doubler ou tripler, quand la moyenne de base est de 5 000 francs CFA par jour (7,5 euros).
Reine des pistes
L’engin est également plébiscité par ceux qui travaillent dans les champs. « Ces motos nous aident beaucoup. Les voitures ne descendent pas aux champs, il n’y a que les benskineurs qui descendent nous chercher », explique Elisabeth Ninkam, agricultrice à l’AFP.
« Sans eux, nos bananes plantains, les tomates, les taros, le maïs ou les haricots pourrissent aux champs. Là où nous sommes, la voiture n’a pas accès vu l’état de la route. Il n’y a que les motos comme cela pour sortir nos cultures », abonde Makam Rose, elle aussi agricultrice.
Mais l’histoire ne dit rien de la législation. Ces motos sont-elles conformes aux normes ? Dix personnes à califourchon est-ce bien raisonnable ? Il est vrai, constatait en 2018 un rapport de l’ONU sur la sécurité routière au Cameroun, « que ce secteur d’activité fonctionne presque en marge de la réglementation, pourtant bien existante ». Monter à trois ou quatre sur une moto « normale » est aussi une pratique courante.
Finalement, la fabrication artisanale de ces motos XXL est sans doute le seul frein à leur expansion anarchique.