Dans une publication sur sa page Facebook le 6 février 2018, Richard Makon, Analyste politique parle de « la société de démission ». Selon lui, cette société de la démission se caractérise par « l’irresponsabilité » et « la déresponsabilisation ». LeBledParle.com, vous propose l’intégralité de ce chronique.
LA SOCIÉTÉ DE LA DEMISSION
« L’anarchie est partout quand la responsabilité n’est nulle part », Gustave LE BON.
Depuis plusieurs décennies maintenant l’on assiste au Cameroun à l’enracinement de deux (02) phénomènes convergents particulièrement dévastateurs : l’irresponsabilité et la déresponsabilisation.
L’IRRESPONSABILITÉ renvoie à l’état d’une personne qui ne veut pas répondre de ses actes, alors que LA DÉRESPONSABILISATION s’entend de l’action de déresponsabiliser, c’est-à-dire d’enlever à une personne le sens de ses propres responsabilités, de lui enlever celles-ci.
Mais si les deux (02) phénomènes se ressemblent, parce que dans un cas comme dans l’autre le résultat final envisagé semble le même, le refus de toute responsabilité, ils se distinguent clairement sur deux (02) points au moins : l’auteur et l’ampleur.
Sur le premier point en effet, pendant que dans une situation d’irresponsabilité l’auteur du ‘‘refus de la responsabilité’’ est l’individu lui-même, dans le cas de la déresponsabilisation l’auteur est extérieur au sujet déresponsabilisé. Sur le second point, alors que l’irresponsabilité est généralement un état individuel, la déresponsabilisation renvoie presque toujours à un processus collectif.
Et ce qui préoccupe dans le cas du Cameroun aujourd’hui est le fait que l’irresponsabilité des citoyens se féconde frénétiquement avec la déresponsabilisation des gouvernants et de toute la société. Bienvenu dans la société de la démission, le seul pays au monde où personne n’est responsable de rien !
Comme on peut bien s’en douter, cet état de catastrophe ambiant n’est pas une génération spontanée. On voit se réaliser depuis plusieurs années un plan machiavélique savamment orchestré de profanation de tous les lieux sacrés, de désacralisation de toutes les autorités morales, et de banalisation des magistratures d’influences.
Conséquences les lieux de culte ont perdu leur caractère sacré, pris à l’étau des marchants de l’éternité ; l’autorité traditionnelle a été politisée ; l’hôpital s’est dépouillé de son humanisme au profit du dieu argent ; l’école s’est abrutie dans la logique mercantile et la science s’est compromise ; l’armée s’est trouvée envahie par ceux qui n’ont pu faire fortune ailleurs et le champ politique a recruté tous les scélérats de nos quartiers.
Et dans ce théâtre populaire où chaque camerounais joue son propre rôle, celui d’imposteur, c’est le triomphe de la forfaiture dans une totale bérézina.
Le phénomène prend une tournure dramatique lorsque ce qui semblait être confiné au champ social s’institutionnalise allègrement. L’illustration la plus patente est l’avènement puis la généralisation de gouvernements sans programmes de gouvernement et des ministères sans feuilles de route, c’est-à-dire sans responsabilités précises, autrement dit, sans possibilité d’être évalués.
Le cas d’espèce pris comme travaux pratiques pour évaluer le niveau du sinistre actuel est la violente crise politico-identitaire que traverse le Cameroun depuis presque trois (03) ans. Qui en est la cause ? C’est toujours l’autre ! Qui est responsable des radicalisations ? Ce n’est jamais moi ? Comment faire donc pour s’en sortir ? Je sais mais je ne dis pas !
Entre temps le navire aux bois charançonnés par les divisions et fissurés par les récifs de la violence, prend de l’eau de tous les côtés. Et l’ordre gouvernant, orchestre insouciant de notre ‘‘Titanic national’’, continue de jouer, comme dans le meilleur des mondes, la symphonie apocalyptique de notre descente aux enfers.
BRAVO !!!
Chronique précédemment parue à Mutations