Lancée en 2013 par Facebook, l’initiative « Internet.org » veut développer l’accès à Internet pour tous. Trois ans plus tard et après s’être implantée grâce à cette initiative dans 22 pays africains, l’entreprise de Marc Zuckerberg est taxée par certains de vouloir augmenter ses parts de marché.
« Internet.org est une initiative dirigée par Facebook qui a pour objectif d’offrir les avantages de la connectivité aux deux tiers des habitants qui ne disposent pas de ces ressources », explique le site Internet.org. Le concept est simple : par des partenariats avec des opérateurs mobiles locaux, Facebook permet un accès « à des services utiles depuis les téléphones portables, sans frais de données, sur des marchés où l’accès à Internet peut s’avérer onéreux. »
Marc Zuckerberg décrit l’accès à Internet comme un « droit de l’homme fondamental », un concept qu’il a défendu fin 2015 à la tribune de l’ONU en présentant sa « Déclaration de Connectivité », signée par Bill et Melinda Gates, Bono, ou encore Charlize Theron.
Selon l’Union internationale des télécommunications en 2016, 74,9 % de l’Afrique n’avait pas accès à Internet, contre 20,9 % en Europe. Selon le même institut, les 10 pays en 2015 avec le taux de connexion le plus faible étaient tous africains. L’Erythrée, la Somalie, le Niger, étant les trois pays les moins connectés, avec un taux d’accès à Internet de leur population inférieur à 2,5 %.
L’initiative Free Basics est opérationnelle dans 42 pays, dont plus de la moitié est en Afrique. Dernier contrat en date, l’entreprise californienne a conclu un marché avec la filiale africaine de l’opérateur indien Bharti Airtel au Nigeria pour proposer plus de 85 services gratuits en lien avec la santé, l’éducation, l’emploi et la finance, dans le pays.
Une nouvelle forme de colonialisme ?
Si Marc Zuckerberg se targue d’apporter Internet à ceux qui n’y ont pas accès, certains pointent du doigt le monopole que Facebook est en train de créer. Interrogé par le journal britannique The Guardian, Timothy Karr, de la campagne lancée par 23 ONG européennes « Save the Internet », explique qu’il ne faut pas oublier la volonté de Zuckerberg de « dominer le marché de l’Internet ».
« Facebook n’est pas Internet et limiter Internet [à Facebook] ne donne pas aux gens un pouvoir politique, un pouvoir de contrôle », continue-t-il. L’initiative Free Basics rend en effet obligatoire l’utilisation du site californien pour accéder, certes gratuitement, aux services proposés.
Cette dernière a déjà fait grincer des dents lors de son lancement en Inde, en 2015. A l’époque, Marc Andreessen, l’un des programmateurs en 1993 du premier navigateur Internet, Mosaic, avait dénoncé sur les réseaux sociaux l’aspect colonialiste de la démarche de Facebook. « L’anticolonialisme a été une catastrophe économique pendant des années pour les Indiens, écrivait-il. Pourquoi arrêter maintenant ? »
Marc Zuckerberg avait réagi à l’époque sur… Facebook, répétant que l’objectif de l’entreprise n’était pas de glaner des marchés sur ce que les télécommunications appellent les « zones blanches », des endroits isolés où le réseau n’est pas reçu. Avec une personne sur quatre seulement habitant en Afrique et qui est connectée à Internet, les multiples contrats signés entre l’entreprise bleue et les opérateurs africains relance logiquement le débat.
« Le réseau social est vite devenu lent »
En République Démocratique du Congo (RDC), l’accès à internet est de 3,80 % pour une population estimée en 2013 à 67,5 millions de personnes. « Le lent développement de la fibre optique et les coupures d’internet prouvent que le gouvernement ne facilite pas l’accès à Internet en RDC », explique Jean-Didier Ogobani, professeur de NTIC à l’Université pédagogique national de Kinshasa. En août 2015, Facebook s’est associé à Tigo, l’opérateur luxembourgeois bien implanté en RDC pour lancer « Free Basics » dans le pays.
« Mais l’opération n’a duré qu’un temps et ne s’est pas révélée concluante, explique Jean-Didier Ogobani. Il y a eu congestion du canal, le réseau social devenait lourd et lent. Les internautes ont donc préféré payer pour pouvoir naviguer de façon fluide plutôt que de traîner pour accéder à Facebook gratuitement. »
Le professeur souligne que Tigo s’est dit satisfait de l’opération « et a signé un gros contrat ». Dans un contexte où l’accès à l’information est difficile dans le pays, ce genre d’initiative reste, selon lui, tout de même à saluer. « Les médias d’aujourd’hui ont tous des pages Facebook. Quand on a ce réseau social gratuitement, on peut au moins connaître des titres d’informations et lire la suite si l’on veut, analyse-t-il. Sans avoir à payer de crédit, le public s’informe. »
Fin juillet, le patron de l’entreprise californienne, Marc Zuckerberg, assurait sur sa page Facebook que 1,7 milliard de personnes possède un compte sur le réseau social.