Dans une lettre ouverte publié ce lundi 18 février 2019 dans les réseaux sociaux, le journaliste Boris Bertolt, réagissant à une sortie hier du Professeur Mathias Eric Owona Nguini qui rappelait lui avoir signé des lettres de recommandation dans le cadre de ses études, enfonce le clou et raite une fois encore de « faux intellectuel » l’enseignant d’universités, à cause entre autres de ses positions actuelles qui trahissent selon lui, son opposition jadis, au pouvoir de Yaoundé.
« Qu’il est vieux ce temps où tu dénonçais « le gouvernement perpétuel » comme source du « chaos lent » et du « chaos rapide ». Qu’il est lointain ce temps où tu t’engageais aux côtés des forces du changement pour l’alternance. Beaucoup d’eau a coulé sous le pont. », peut-on lire dans un passage de la lettre du lanceur d’alertes, basé en France à l’enseignant de Sciences politiques.
OWONA NGUINI : TU ES EFFECTIVEMENT UN FAUX INTELLECTUEL!
Chers Mathias Eric Owona Nguini,
Je puis te rassurer que c’est à la fois avec beaucoup de peine, de gêne et même d’amertume que je me retrouve en train de t’adresser ces propos.
Cependant, je les trouve utiles dans ce contexte d’effondrement moral, de décrépitude intellectuelle et de décès de la pensée. Qu’il est vieux ce temps où tu étais cette figure du vrai intellectuel, déconstruisant symboliquement l’infrastructure mentale de la dictature mise sur pieds par le régime Biya. Qu’il est vieux ce temps où tu dénonçais « le gouvernement perpétuel » comme source du « chaos lent » et du « chaos rapide ». Qu’il est lointain ce temps où tu t’engageais aux côtés des forces du changement pour l’alternance. Beaucoup d’eau a coulé sous le pont.
C’était effectivement le temps où comme de nombreux jeunes camerounais, tu faisais partie de ceux qui fabriquaient mon coefficient d’indocilité. Que j’aimais lire à cette époque tout comme Achille Mbembe, Noah Shomsky, Jean Marc Ela et autres pour comprendre les ressorts idéologiques, philosophiques et théoriques de l’oppression en postcolonie. Je ne regrette pas ces moments qui m’ont permis de façonner ma pensée critique. C’est également à ce moment que je t’ai sollicité pour mes lettres de recommandation !
Ohhh les lettres de recommandation!!!. Tu peux t’en vanter aujourd’hui de me les avoir signées. Je t’en suis reconnaissant. Au moins en l’avouant tu reconnais que je me suis battu pour pouvoir bénéficier d’une meilleure formation à l’étranger. Pas comme ceux qui ont fait usage de la position dominante de leur papa pour fréquenter à l’université de Bordeaux, pour être recruté dans une université camerounaise ou encore pour obtenir le grade de maître de conférence en passant par le CCU où Fame Ndongo lui même décide de qui passe Maître de conférences puisque tu venais lamentablement d’échouer pour une énième fois au concours CAMES réservé aux meilleurs chercheurs.
Un parcours typique marqueur de la réussite en postcolonie. Une société dans laquelle le parrainage, le népotisme, l’ethnicité sont facteurs d’ascension sociale.
LETTRE DE RECOMMANDATION MON DIEU!
Je me sentirai cependant offusqué de ne pas te rappeler que brandir le fait de m’avoir signé une lettre de recommandation qui pour toi devait garantir mon allégeance à ton discours funeste sur le Cameroun est l’illustration parfaite de ta déchéance morale et intellectuelle. Dans ce pays qui marche sur la tête, où le fonctionnaire croit rendre un service en recevant les usagers, où le percepteur croit aider un entrepreneur en collectant les impôts, il est normal qu’un enseignant se vante d’avoir signé des lettres de recommandation à un étudiant. Un acte qui relève de l’ordre naturel du milieu académique. Il n’exerce que l’une des missions pour lesquelles il est payé par l’Etat à savoir: s’assurer de la formation et de la réussite de la jeunesse. C’est dommage que tu en viennes à ne plus te représenter ta mission sociale. Quoi de plus pour te regarder dans un miroir et évaluer le niveau de pourrissement de ta pensée.
Cher Mathias,
Il est vraiment lointain ce temps où face à Patrice Nganang, je pris fait et cause pour toi. En soulignant le caractère abject des attaques. Je recommençais à discuter avec Nganang trois ans plus tard, après m’être battu pour sa libération des geôles de la satrapie. Et il y a quelques semaines, j’ai personnellement mis fin à toute forme de collaboration avec ce dernier car je travaille avec les gens non pas sur les faveurs (en passant Nganang me promettait 500 dollars par mois auxquels j’ai renoncés), sur des liens amicaux ou sur des considérations ethniques ou raciales. Mais mes amis sont ceux avec qui je partage les mêmes valeurs morales et intellectuelles et les mêmes principes de vie.
FAUX INTELLECTUEL !!
Ah tu t’es senti offusqué que je te traite de « faux intellectuel » ! Désolé je ne m’en excuserais pas parce que tu l’es. Tu es peut-être sans oublier que dans la tradition française, le terme intellectuel apparaît avec l’affaire Dreyfus où des professeurs, des journalistes, des écrivains se mirent ensemble pour dénoncer l’injustice faite au capitaine Dreyfus accusé de haute trahison. Au-delà des différentes interprétations et évolutions conceptuelles, le terme dans son sens originel renvoie à ces personnes éduquées ou évoluées dans la société qui se mettent principalement du côté des opprimés, des pauvres, des personnes qui font face à l’injustice. Or l’injustice et l’oppression sont des facteurs structurants de toute dictature. Un vrai intellectuel ne peut donc pas soutenir un gouvernement dictatorial qui tue des civils en toute impunité et qui arrête illégalement des citoyens.
Mais tu es effectivement « un faux intellectuel » parce qu’en réalité ton soutien officiel au régime Biya n’est autre que le prolongement des usages multiples de l’intelligentsia par les dictatures pour légitimer leurs forfaitures. J’aurai pu utiliser le concept d’intellectuel organique. Mais il est un peu savant. C’est pourquoi j’emploie faux intellectuel. De tous temps et à toutes les époques les régimes fascistes ont eu recours aux faux intellectuels. L’Allemagne d’Hitler, le Chili de Pinochet, le Rwanda d’Habyarimana ou le Zaïre de Mobutu. On a toujours besoin des gens qui ont un certain niveau de connaissance pour alliéner, zombifier, déshumaniser et discipliner la population. Même la colonisation a été pensée par les intellectuels. Tu es un faux intellectuel aujourd’hui. Tu es simplement sur la trajectoire de ton ancien ami Luc Sindjoun. Au moins vous pouvez vous retrouver amicalement.
Je ne te suivrais dans ton obscurantisme frénétique malgré tes lettres de recommandations parce que je crois qu’il est possible en dépit de toutes les difficultés actuelles et contraintes politiques et sociales de bâtir un autre Cameroun. De sortir ce pays de sa léthargie et des mains des scicaires ethnifascistes.
C’est pourquoi je t’invite à refléchir sur cette citation de George Bernard Shaw : « Certains hommes voient des choses telles qu’elles sont et se demandent : « Pourquoi ? ». Moi je rêve à des choses qui n’ont jamais existe et je me demande : « Pourquoi pas ? ».
Bonne journée cher Mathias et à très bientôt.
BORIS BERTOLT