Le MRC a annoncé qu’il ne participera pas aux élections législatives et municipales, convoquées pour le 9 février 2020.
C’est au terme d’une réunion avec le directoire de son parti que Maurice Kamto a jeté ce pavé dans la mare de l’écosystème politique camerounais. « Le MRC a décidé de ne pas prendre part aux élections législatives et municipales du 9 février 2020 », a déclaré le leader du MRC, aussi longtemps que la crise et l’instabilité perdureront dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, a-t-il expliqué en substance.
Plusieurs raisons ont poussé le MRC à prendre cette décision : Tout d’abord, tenir des élections dans les conditions actuelles de déstructuration de ces régions anglophones reviendrait à cautionner la partition de fait du Cameroun. Ensuite, « organiser des élections au Cameroun aujourd’hui, qui plus est des élections locales sans avoir rétabli la paix dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest, c’est donner le message selon lequel ces populations ne sont pas des Camerounais et ce faisant, consacrer la partition de fait du pays. »
L’autre principale raison de ce retrait est la non-révision du code électoral que le MRC estime favorable au parti au pouvoir. Maurice Kamto estime que « sans un code électoral révisé et consensuel, les mêmes causes produiront les mêmes effets ».
Dans une lettre ouverte, Fabrice Noah, docteur Ph. D. en Science Politique de l’Université de Yaoundé 2, écrit à son leader pour donner son sentiment sur cette décision. « La décision de la non-participation du MRC aux prochaines élections locales est, avant tout, une décision HUMAINE. Elle est en accord avec votre attitude, et celle de nombreux militants, qui se caractérise par un souci permanent pour le Cameroun. J’ai réfléchi et me suis souvenu de cette parole que vous n’avez jamais cessé de prononcer : « On ne peut pas faire de la politique si on n’aime pas les gens ». Comment ne pas comprendre, après cela, que vous refusez de conquérir des strapontins sur le sang de vos compatriotes ? Comment ne pas être d’accord avec ce refus d’acter la partition de ce pays que vous aimez passionnément ? Comment ne pas être admiratif de ce refus de faire le jeu du régime RDPC décidé à « marcher sur les corps » de toutes les victimes de la crise anglophone jusqu’à l’Assemblée nationale ou les mairies ? », écrit-il.
Ci-dessous, l’intégralité de la lettre ouverte.
LETTRE OUVERTE AU PR MAURICE KAMTO
Cher Président National,
J’ai été surpris, comme plusieurs militants et sympathisants du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), par la décision du directoire de procéder au boycott actif des prochaines élections locales. Comme de nombreux camerounais, j’ai cherché le sens profond de cette position, lu et relu la déclaration que vous avez faite à l’occasion de la conférence de presse d’hier afin de trouver un sens aux mots qui sonnaient comme des cymbales dans mon esprit. Las de ne pouvoir « lire entre les lignes », je me suis tu, faisant confiance à votre clairvoyance et à la sagesse qui a toujours imprégné vos décisions.
Monsieur le président, j’ai pris le temps de réfléchir la nuit d’hier. J’ai finalement compris. J’ai compris qu’il n’est pas possible de comprendre cette décision en restant dans la logique politicienne qui rend le pouvoir plus important que le peuple. J’ai compris que le sens profond de l’engagement politique, dans notre contexte, est de changer le regard des gens sur la politique qui est une activité saine, propre, et qu’il est possible de mener sans perdre son âme. J’ai alors compris que 37 ans de gestion autocratique du pouvoir, par le RDPC, m’avaient rendu incapable de voir la politique dans toute son humanité.
La décision de la non-participation du MRC aux prochaines élections locales est, avant tout, une décision HUMAINE. Elle est en accord avec votre attitude, et celle de nombreux militants, qui se caractérise par un souci permanent pour le Cameroun. J’ai réfléchi et me suis souvenu de cette parole que vous n’avez jamais cessé de prononcer : « On ne peut pas faire de la politique si on n’aime pas les gens ». Comment ne pas comprendre, après cela, que vous refusez de conquérir des strapontins sur le sang de vos compatriotes ? Comment ne pas être d’accord avec ce refus d’acter la partition de ce pays que vous aimez passionnément ? Comment ne pas être admiratif de ce refus de faire le jeu du régime RDPC décidé à « marcher sur les corps » de toutes les victimes de la crise anglophone jusqu’à l’Assemblée nationale ou les mairies ?
Monsieur le président, cette décision est également COHÉRENTE. Elle se comprends dans votre volonté, et celle du parti entier, de faire la politique autrement. La réforme des institutions avant, la conquête des postes après. Sinon, à quoi servirait au MRC d’être dans les mairies, à l’Assemblée nationale s’il reste impossible de changer le logiciel qui commande le comportement et les décisions politiques dans notre pays ? Le MRC n’est pas dans l’attente de l’obole que voudrait bien lui donner le RDPC. La vie des camerounais est trop importante pour qu’on la gage dans des arrangements politiciens, de fait ou de jure, avec le régime RDPC.
Cette décision est également JUSTE. Elle apporte tout son sens au « Je ne vous trahirai jamais » que vous prononciez au début du Plan de résistance national. La non-participation aux prochaines élections démontre que vous êtes restés attaché à cette promesse. Pas de politique essentiellement utilitaire qui marche au carburant du clientélisme. Pas de politique « en embuscade » qui refuse sa dose de transparence et responsabilité. Pas de politique « mafia » qui privilégie la compromission au consensus.
Hier j’étais convaincu de la justesse de notre combat. J’étais rassuré de la noblesse du projet de renaissance du Cameroun. Aujourd’hui je le suis encore plus. J’ai compris qu’il est possible de faire de la politique et de continuer de se regarder dans un miroir. Oui, la renaissance du Cameroun est la priorité des priorités. Quel bonheur d’être à vos côtés dans cette véritable aventure humaine !
Dr Fabrice Noah