Le journaliste et consultant français affirme ne pas être surpris par la chute brutale du désormais ex président de la CAF avant même la fin de son premier mandat. Dans une interview accordée ce mardi 23 novembre à notre confrère Philippe Boney, il revient sur les évènements qui ont précédé la suspension d’Ahmad mais également sur les élections à la tête de l’instance faîtière du football africain qui auront lieu le 12 mars 2021.
Quel est votre commentaire à la suite de la sanction infligée au Président de la CAF Ahmad ?
La première chose, c’est que c’est tout sauf une surprise. Puisqu’on avait vu, on avait lu, on savait qu’il y avait une action contre lui auprès du Comité d’éthique de la FIFA. Et surtout quand on a vu les candidatures d’Ahmed Yahya par exemple, d’Augustin Senghor, on se doutait que ça signifiait qu’Ahmad ne pourrait pas être candidat, qu’il allait être suspendu. On ne pensait pas peut-être que ce serait une condamnation aussi sévère, mais on comprend mieux toutes ces candidatures qui ont surgi les derniers jours. Elles ont surgi tout simplement parce que le clan de M. Ahmad savait que leur candidat ne pourrait pas se représenter.
Le clan Ahmad étant ici représenté par Augustin Senghor et Ahmed Yahya?
Oui, c’est ce qu’on peut supposer. Puisqu’on a vu qu’Augustin Senghor avait reçu l’onction du Comité Exécutif de la CAF, même si ce n’est pas très précis. On sait aussi qu’Ahmed Yahya en était proche également. Donc on suppose que s’il s’est senti autorisé à se présenter, c’était un indice fort qu’Ahmad Ahmad ne pourrait pas se représenter.
Le fait que Fatma Samoura, SG de la FIFA, ait été nommée Déléguée générale de la CAF, ne présageait pas déjà du gros souci qu’Ahmad a aujourd’hui ?
Tout ce qui arrive à Ahmad aujourd’hui est très vieux. Il y a une certaine duplicité de la FIFA – mais ça ne veut pas dire que la sanction en elle-même n’est pas justifiée, elle est méritée par rapport aux griefs qui lui sont reprochés – mais tous ces faits remontent à loin, à la moitié de l’année 2018, puis à la fin 2018, puis à la mi-2019. Donc, tout ça, est une accumulation et quand Fatma est arrivée, c’était déjà la conséquence de tout cela, avec des dénonciations. On se rappelle notamment d’un courrier dénonciateur de la part de l’ancien SG de la CAF, de la part du directeur financier de la CAF, qui avaient dénoncé des choses notamment par rapport à Tactical Steel, la visite à la Mecque de dirigeants de la CAF et de dirigeants de fédérations africaines, payée par la CAF. Tout cela est assez vieux et c’est ça qui avait, en partie, déclenché l’installation de Fatma dans ce rôle. En fait, on avait tous les éléments depuis un certain temps. Ce qui est assez surprenant, mais qui est très tactique sur le plan électoral.
A l’arrivée de Fatma Samoura comme Déléguée générale, la CAF avait dit que c’était à sa demande. Vous n’y avez pas cru évidemment…
Oui et non ! Parce que si on regarde les déclarations d’Ahmad Ahmad à l’époque, il y avait quand même déjà en filigrane le côté « elle va nous aider». Il y avait aussi ce côté «il y a des enquêtes, des dénonciations, nous n’avons rien à cacher, la FIFA sera en interne ». Il avait dit cela à l’époque. Mais on l’avait vu d’une manière un peu plus subalterne. On avait tous été très choqués, sans toutefois faire attention à tous les témoignages et accusations qui s’accumulaient sur Ahmad.
L’ami Infantino a-t-il lâché l’ami Ahmad ?
Effectivement. Mais il n’y a pas une véritable amitié là-dedans. On est dans une histoire politique. Il faut se rappeler que la FIFA avait besoin d’un successeur à Issa Hayatou. Elle voulait changer plusieurs présidents de confédérations, notamment celui de la CAF, et c’est ainsi qu’on est devenu très ami avec Ahmad Ahmad. Puisque personne n’osait se présenter contre Hayatou et du coup, il a fallu trouver quelqu’un et c’est finalement Ahmad Ahmad qui a été le candidat de la FIFA. Mais il n’y avait aucune amitié, rien de personnel dans tout ça. Il y avait juste le besoin de faire tomber Hayatou. Mais dans les deux premières années du mandat d’Ahmad, la FIFA a vu tous les dégâts s’accumuler. Je crois qu’il y a eu une stratégie électorale en disant «on va finir comme ça doucement, Ahmad ne décidera plus de rien jusqu’à la fin de son mandat, on va le neutraliser par exemple par le venue de Fatma Samoura et autres, et à la prochaine élection il devrait sauter». Mais actuellement, les quatre candidatures déclarées sont étudiées par le Comité d’éthique de la FIFA. Et puis, il se passera encore des choses, car il n’y aura pas quatre candidats au moment de l’élection. On peut supposer qu’il y aura des alliances.
Question : Pour vous, qui serait le prochain président de la CAF ?
Je ne fais pas de pronostic, ce n’est pas mon métier. Mon métier, c’est d’essayer de comprendre, d’analyser ce qui se passe. Mon seul pronostic, c’est qu’il n’y aura pas quatre candidats, car des choses vont se passer. On pourrait avoir une élection très originale, parce qu’il est rare qu’il y ait autant de concurrence et aucun sortant ne serait candidat, ce qui est tout à fait nouveau. Et puis, on se demande si ça ne va pas être un duel anglophones/francophones.
Entretien audio réalisé par Philippe Boney et retranscrit par Lebledparle.com