Aucun stratège politique, fut-il le plus ingénieux, le plus astucieux, n’aurait été crédité « d’habile ou de courageux », en allant organiser une manifestation politique à Bamenda au lendemain d’une action sociale sur fond de grève des avocats et des enseignants dans cette ville dont on est sensé ne pas ignorer ses particularismes en matière des revendications à caractère politique.
Le Rassemblement démocratique du peuple camerounais ( Rdpc), parti au pouvoir a posé cet acte sans adresse. Il l’a fait sans mesure. Il l’a fait pour une démonstration de force. Il l’a fait pour donner la preuve de son ancrage même dans des zones où il est contesté. Il l’a fait aussi par provocation politique. Le résultat est là: il a contribué à occasionner mort d’homme, peu importe le nombre des décès déclarés par chaque camp. Quel que soit soit le bout par lequel nous connaîtrons l’épilogue de ces incompréhensions et de ces affrontements, le Rdpc ne s’en sortira pas auréolé, bien au contraire, il va perdre en valeur d’estime. Il se serait évité cette énième maladresse, teintée de déficit de timing.
Depuis la première décennie de la Réunification du Cameroun, à partir de 1961 précisément, les deux régions du Sud Ouest et du Nord Ouest de notre pays qui ont l’anglais pour langue d’expression en commun, ont régulièrement manifesté des revendications de tout genre. Il leur a toujours été rétorqué à juste titre que tout est négociable en République, sauf l’unité nationale. Le Cameroun est indivisible. Il faut que cela soit enseigné dans des écoles de base. Il faut que cela soit retenu par tous comme un dogme. Il faut que ce principe fondamental soit admis et contemplé comme un totem national. Une fois ces bases établies, en République et surtout en démocratie, tout est discutable, tout est négociable.
Les problèmes que posent les enseignants, les avocats, les étudiants sont-ils des réalités visibles et palpables? Si oui, pourquoi n’en discute t-on pas? Qui a dit que l’Etat, même le plus centralisé qui soit, détienne seul la vérité biblique ? Ce sont des humains qui ont conçu les règles de fonctionnement de l’Etat jacobin dont le Cameroun se veut être l’un des raréfiants néo- archétypes. Ce sont aussi de l’autre côté, des êtres humains à la tête pensante, qui font des revendications sociales puisées de leur vécu quotidien.
Alors, sans esprit condescendant astucieux, sans préjugés aucun, les uns et les autres devraient accepter de s’asseoir au bout d’une table, se regarder dans les yeux et esquisser des solutions aux problèmes que les leaders d’opinion sont parfois obligés de porter dans la rue, faute d’interlocuteur gouvernemental ou de volonté politique de discuter.
Le gouvernement camerounais a opté depuis longtemps pour la posture et le discours de la peur: il considère les débats avec les représentants politique ou sociaux comme une forme de faiblesse de l’Etat. Il présente à tort le fédéralisme comme le prélude à la sécession du pays. Pourtant, de part le monde, le fédéralisme est apparu partout où il a été appliqué, comme la meilleure forme de gouvernance participative et stimulante, que notre système ultra jacobin réprouve et redoute. Il n’est pas tard de renoncer à cette forme hybride d' »État unitaire » , abusivement présidentialiste, dont la forme ne correspond à aucune nomenclature du lexique du vocabulaire politique moderne.
A voir de près, il existe pourtant de part et d’autre, des approches qui devraient être évoquées pour garantir le développement multi-sectoriel de ce pays. Il suffit d’informer, d’expliquer et d’éduquer les Camerounais du « principe du fédéralisme ». On éviterait ainsi au Rdpc, dans son zèle débordant, un mélange de genre qui ressemble à un cafouillage, voire à une incapacité de savoir faire ce qu’il y a de vrai à faire, surtout en sa place de parti politique, et non de gouvernement.