5000 frcs CFA contre trois (3) moyens tubercules d’igname. Il y a quatre mois, pour cette même somme, on pouvait se retrouver avec un petit sac de ces rhizomes. Foufou (foutou ailleurs) à volonté. Par les temps qui courent c’est devenu un repas de luxe. Alors je me permets de faire du bruit autour de ce repas de roi que je me suis offert le weekend dernier. Les jaloux me diront : rien d’extraordinaire. Je vous jure que si.
On se connait dans ce pays avec nos niveaux de vie. Ce n’est pas ce qu’on mange dehors là hein! C’est du foufou fait maison. Sans foufoumix s’il vous plait. Imaginez la tête des voisins quand ils écoutaient les sons rythmés des coups de pilon dans le mortier. ‘’Zut ils ont le moyen de manger foufou par ces temps?’’ se disaient-ils. ‘’Pilons avec toutes nos forces’’ disait mon frère. Faisons le maximum de bruit. Que tout le monde puisse l’entendre. Rien que pour ça le foufoumix a été mis en veilleuse. Quoique dans les moments de paresse et d’abondance on l’utilise bien volontiers.
Si j’étais moi-même parti au marché, j’avoue que je n’aurais pas payé ces foutus ignames. Ça coûte les yeux de la tête. Mais bon le mal est fait. Alors on a savouré plus que d’habitude ce plat accompagné de ‘’dékou déssi’’ trois pièces. Le chiffre trois désignant le nombre de types de viande ayant servi à préparer la sauce. Je vous épargne les détails. C’est quoi cette mauvaise manière de faire saliver les gens ? Sachant très bien qu’on ne les invitera pas. Mais petite précision ‘’dékou déssi’’ c’est une sauce à base de noix de palme. Le tout a été bien sur bien arrosé. Par quoi ? De l’eau évidement. On a fait le marché avec l’argent. Bref c’était du bon foufou mais avec un arrière-gout amer de billet vert parti en fumée pour un tour d’intestin finissant vraisemblablement aux ch…
À la fin la question de la cherté des denrées s’est imposée à moi. Enfin euh… après avoir dormi et digéré (ne vous étonnez pas que le ventre continue de pousser). Comment se fait-il que les mois de surplus et de diète continuent de s’alterner sur le marché des nourritures en Afrique ? Comment se fait-il qu’on continue de manger si mal ? Ou encore qu’on n’arrive pas sous certains cieux à ne manger du tout ? On a tout pour s’auto-suffire sur le plan alimentaire. Chez moi le prix exorbitant des tomates et autres légumes m’est récemment sorti littéralement par les yeux. Ce n’est pas le moment de rejeter la faute sur quelqu’un ou sur un état quelconque. La réponse c’est de pouvoir conserver. Apparemment ce n’est pas encore rentré dans nos cultures (africaines) de conserver les choses, alimentaires ou autres biens, pour un futur usage. À croire que nous ne sommes pas encore sortis de l’âge de la cueillette. Allez loin. Vous me direz qu’on conserve mieux le pouvoir. Des solutions de conservation individuelles en tête ? De denrées svp. Si vous en connaissez prière de les partager avec nous.
Pour ceux qui le mangent, est ce que le Foufou se mange ou s’avale ? Localement le problème ne se pose pas. En bon Éwé le mot ‘’mi’’ employé, signifie littéralement ‘’avaler’’. En gros, on ne mâchouille pas cette pâte. Un, deux, maxi trois coups de dents et on envoie au fond. Mais la donne change due à la fluctuation des prix. Avec une petite quantité, on est obligés de mâchouiller ou de laisser traîner un peu dans la bouche histoire de faire durer le plaisir. Avaler me parait souvent indissociable de l’idée d’un animal happant d’autres. D’une hâte. Comme si on ne prenait plus le temps de profiter. Mais ça c’est seulement dans ma tête. Et donc, plus de prodigalités avec ce plat. Et les amis qui invitent de moins en moins pour partager des repas pas seulement du foufou. Que personne ne vienne dire que c’est du gaspillage de temps que de s’attarder sur la nourriture. Qu’on aurait mieux à faire avec ce temps. Vous voulez qu’on en fasse quoi? Celui qui adore manger est rarement paresseux. Il faut qu’il cherche d’abord sa pitance avant d’en profiter. Et parce que je veux profiter de ces petits plaisirs de la vie sans pour autant développer des maladies (obésité et tout ce qui suit), trouvons (je me dois de trouver) des solutions pour d’abord conserver (ce qu’on a), fructifier ensuite pour enfin parvenir à l’autosuffisance alimentaire sur ce continent. Nous avons encore la chance de régaler nos palais. Pourvu que ça dure et que ces plats succulents ne deviennent pas des PVD : des plats en voie de disparition. Pour nos enfants.