Madeleine Tchuente fait le point sur les réalisations qu’ont faites les chercheurs au Cameroun et dévoile l’apport de son département ministériel dans un contexte dominé par la lutte contre la pandémie du covid-19.

La ministre de la Recherche scientifique et de l’innovation(Minresi) s’est exprimée sur la question dans un entretien accordé au journal Le Messager. Lebledparle.com vous invite à lire l’intégralité de cet échange entre le membre du gouvernement et le journaliste Souley Onohiolo.
Madame le ministre, la question peut paraître incongrue mais dites-nous, à quoi servent les réalisations des chercheurs du Minresi ?
Avant de répondre plus précisément à votre question, je voudrais tout d’abord vous adresser mes sincères remerciements, et à travers vous, à toute l’équipe rédactionnelle du journal « Le Messager », pour cette opportunité qui m’est offerte, de vous parler du travail qu’abattent les chercheurs dans notre pays. C’est aussi une occasion pour moi de décliner les grandes lignes du plan sectoriel que nous avons élaboré au titre de la contribution du Système National de Recherche et d’Innovation à cette rude bataille que la nation tout entière livre contre la terrible pandémie « Covid19 », sous la très haute supervision du Président de la République, son excellence Paul Biya, et la coordination du Premier ministre, Chef du gouvernement, son excellence Chief Joseph Dion Ngute. Revenant maintenant sur votre question, je vous signale que les chercheurs camerounais ont toujours apporté une contribution substantielle au développement de notre pays. En effet, notre Système National de Recherche et d’Innovation est nanti d’une expertise qui a déjà fait ses preuves tant à l’échelle nationale qu’internationale. Au niveau national, l’on pourrait citer à titre d’illustration le dégazage, en collaboration avec des scientifiques français et japonais, des lacs de cratère Nyos et Monoun qui est devenu aujourd’hui, un exemple de prouesse scientifique reconnue à l’international. Dans le même ordre d’idée, il conviendrait d’évoquer les avancées significatives obtenues dans le domaine de la recherche sur le Sida, le paludisme ainsi que l’appui scientifique à la lutte contre l’Ebola. Sur le plan international, la recherche scientifique camerounaise a gagné de nombreux prix au salon international de Genève. Ainsi sa compétence est internationalement reconnue, telle que l’atteste cette déclaration de S.E. Christine Robichon, ancienne Ambassadrice de France au Cameroun, arrivée en fin de séjour, par laquelle elle indiquait, que ce qu’elle garde comme souvenir au moment de son départ, c’est la bonne performance de la recherche scientifique camerounaise, notamment en matière de recherche sur le Sida et le paludisme.Permettez-moi d’ailleurs d’illustrer mon propos, en parcourant avec vous quelques réalisations. Au plan de la recherche agricole, je citerais :la création par l’Irad des semences améliorées à haut rendement qui lui ont permis d’acquérir près d’une vingtaine de brevets. En outre, cet institut a récemment remporté quatre (04) médailles d’or de l’innovation au Salon International des Inventions de Genève en Suisse ; la mise au point de la semence de riz pluvial (Nerica), actuellement cultivé Madeleine Tchuente dans toutes les régions de notre pays ; l’invention par l’Iradde la nouvelle variété de sorgho qui est déjà utilisée par la société Guinness, et qui donne un goût spécial à la Guinness « made in Cameroon ». Cette variété de sorgho rapporte par an environ trois milliards de Fcfa aux paysans qui la produisent. Au plan de la recherche médicale, je m’appesantirais sur la mise au point et la fabrication par l’Institut de Recherches médicales et d’études des plantes médicinales (Impm) de plusieurs médicaments traditionnels améliorés ; de la pommade antimycosique Casmyc qui a permis à l’Impm de remporter en 2014, au Salon des inventions de Genève, la médaille d’or de l’innovation ; et de la pommade antibactérienne Tabercine ; des aliments de compléments nutritionnels et thérapeutiques ainsi que des farines composées et d’enrichissement pour les personnes vivant avec le Vih/Sida et celles qui souffrent du diabète ; des huiles essentielles, indispensables pour la fabrication des cosmétiques.En ce qui concerne plus précisément la lutte contre le Covid-19, la fabrication en cours par l’Impm, de cinq millions de comprimés de chloroquine et de cinq millions de comprimés d’Azythromycine.En outre, vous voudrez bien me permettre de vous signaler que nous avons de nombreuses réalisations dans d’autres domaines de pointe tels que la cartographie, la radioprotection, la recherche géologique et minière, les matériaux locaux, les sciences sociales, le développement technologique etc… l’espace qui nous est accordé dans vos colonnes ne nous permet pas de vous donner tous les détails sur ces multiples résultats de la recherche. Ce sera certainement pour la prochaine fois.
En ces temps où la liste des personnes infectées au Cameroun s’allonge, qu’est-ce que la recherche sur le plan national peut concrètement apporter dans la lutte contre le Coronavirus ?
La recherche scientifique est au cœur du développement des grandes nations. Il s’agit d’un secteur à la fois transversale et stratégique. C’est dire que la recherche scientifique a beaucoup à apporter au développement du Cameroun en général, mais surtout et précisément, dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19. S’agissant de cette lutte, le Gouvernement de la République a adopté une série de mesures barrière pour stopper l’évolution de la pandémie. Pour sa part, le Minresi a élaboré et mis en route un plan sectoriel de riposte contre le Covid-19. Les objectifs à atteindre au terme de la mise en œuvre dudit plan sont les suivants / positionner le Centre de recherches sur les maladies émergentes et réémergentes (Cremer), structure bien équipée logée à l’Institut de recherches médicales et d’études des plantes médicinales, comme centre supplémentaire de dépistage du coronavirus dans notre pays ;cartographier les zones et utiliser les drones et l’intelligence artificielle pour détecter les potentiels porteurs de virus avec des caméras thermiques et des caméras intelligentes, qui donnent le nombre de malades en temps réel ;tester la Chloroquine, l’Azithromycine, les autres molécules qui ont un effet sur le virus, ainsi que les médicaments traditionnels améliorés en vue de s’assurer de leur efficacité ; mettre au point des connaissances locales sur le virus Covid-19 et les variétés circulantes au Cameroun susceptibles d’éventuelles mutations ; assurer le suivi-évaluation de nouveaux outils diagnostiques et la recherche d’anticorps pouvant avoir une application thérapeutique ; procéder à l’épidémiologie et à la modélisation du virus en circulation au Cameroun, en concertation avec les autres scientifiques mondiaux engagés dans le contrôle de la pandémie ;mettre sur pied un dispositif de veille et de surveillance sanitaire de la faune sauvage, notamment les chauves-souris dont l’effectif est à plus de 500.000 dans la ville de Yaoundé ; évaluer les risques potentiels de transmission inter-espèces (de la faune sauvage à l’homme) et de transmission interhumaine du coronavirus au sein de la population humaine hors confinement ; mettre en place un réseau national et sous-régional de recherche sur le coronavirus, ainsi qu’un Centre de Veille Scientifique ;évaluer les possibilités du patrimoine de la pharmacopée nationale ; procéder aux essais cliniques en collaboration avec le ministère de la Santé Publique ; fabriquer au niveau du Centre national de développement des technologies (Cndt) : des masques de protection en matériel local à moindre coût ; des solutions chimiques (gels et solutions hydro alcooliques) ;
Parlez-nous du modèle et du dispositif de lutte et de la recherche mise en œuvre par le Minresi : Quelles sont les armes et les moyens de lutte dont vous disposez ?
Le dispositif sanitaire de lutte contre le Covid-19 mis en œuvre par le Minresi est porté par l’Institut de Recherches Médicales et d’Etudes des plantes médicinales, à travers le Centre de recherche sur les maladies émergentes et réémergentes (Cremer), structure de référence située en son sein. Le travail qui y est fait permet le dépistage, la confirmation du diagnostic du Coronavirus avec l’utilisation d’une Polymeral Chain Reaction (Pcr) en temps réel. L’Impm répond ainsi aux besoins réels du Cameroun en matière de promotion de la santé et du bienêtre physique et social des citoyens. Cet institut anime également les activités de recherche en santé en vue de la meilleure connaissance, de la prévention, du diagnostic et du traitement des pathologies prioritaires à l’origine des grands problèmes de santé publique au Cameroun. Par ailleurs, il procède à la collecte et à l’analyse de ces échantillons ainsi que de ceux de sa biothèque.
Quel est le niveau d’implémentation, de sensibilisation ; le mode opératoire ? Dit autrement, comment est-ce que vous vous organisez pour accompagner le Gouvernement dans le respect des 13 mesures-barrière ?
L’ensemble des responsables et personnel du Minresi sont mobilisés en vue d’une application stricte des très hautes directives du Chef de l’Etat, relatives à la lutte contre la pandémie du Covid 19, et qui se déclinent en 13 mesures-barrière. Dans cette perspective, nous avons pris un certain nombre d’initiatives, notamment :la limitation des réunions présentielles : quand bien même une réunion a lieu, au plus dix personnes y prennent part. De plus, nous veillons à ce qu’il y ait un écart d’au autres tests pour la bonne information du gouvernement de la République sont de mises.
Quelles relations le Minresi entretient avec la recherche au niveau de la pharmacopée traditionnelle ?
S’agissant des relations entre le Minresi et les acteurs de la pharmacopée traditionnelle, nous entretenons des rapports de franche et loyale collaboration. En substance, nous avons pris un certain nombre d’initiatives à l’effet de renforcer leurs capacités et rendre leurs actions plus visibles et lisibles. A cet égard, j’évoquerais entre autres : la mise sur pied d’un fichier national des tradipraticiens, qui permet d’avoir une vue générale sur l’ensemble de leurs spécialités ;la formation que nous organisons chaque année à l’intention de ceux-ci ;l’élaboration d’un guide de bonnes pratiques et de valorisation en matière de la pharmacopée traditionnelle ; la domestication et la culture des phyto-plantes dans le jardin botanique de l’Impm. moins un mètre entre les participants ;- la sensibilisation par voie d’affichage du personnel sur le danger du Covid 19 et les précautions à prendre pour s’en prémunir ;la mise à disposition aux différents points d’entrée au ministère et dans les services, du nécessaire pour la désinfection et le lavage des mains ;la fabrication et la distribution aux responsables et personnel du Minresi des masques et des solutions hydro alcooliques désinfectantes ;- la distribution des dépliants de sensibilisation ;- la mise en place d’une Task Force chargée du suivi-évaluation de la mise en œuvre du plan de riposte contre le Covid-19 du Système national de recherche et d’Innovation, ainsi que des autres actions connexes ;- la mise à contribution des moyens de communication électroniques et des outils numériques pour la tenue des réunions.Sur un autre plan, l’Impm étant le bras opérationnel du Minresi en matière de recherche médicale, j’ai instruit ses responsables de mener les actions ci-après répertoriées, et qui sont en corrélation avec la lutte contre le Covid-19, notamment : tester la Chloroquine, l’Azithromycine, les autres molécules qui ont un effet sur le virus, ainsi que les médicaments traditionnels améliorés en vue de s’assurer de leur efficacité ; mettre au point des connaissances locales sur le virus Covid-19 et les variétés circulantes au Cameroun susceptibles d’éventuelles mutations ;assurer le suivi-évaluation de nouveaux outils diagnostiques et la recherche d’anticorps pouvant avoir une application thérapeutique ; la fabrication de cinq millions de comprimés de chloroquine et de cinq millions de comprimés d’Azythromycine est en cours. Des visites permanentes des laboratoires par les responsables des instituts à l’effet d’apprécier le niveau d’évolution des essais et Est-ce que notre massif forestier, nos plantes, nos écorces d’arbres, nos épices peuvent provoquer une onde de choc et être une alternative crédible à la lutte contre le Covid-19 ? C’est une voie à explorer, étant donné que les ressources végétales en général sont les supports des ressources génétiques et des molécules qui rentrent dans la prise en charge des symptômes de cette maladie. On peut ainsi citer le quinquina, le citron riches en vitamine C et des épices (clou de girofle et autres) qui peuvent fragiliser le virus au niveau des entrées pendant la période d’incubation ; les symptômes courant étant la fièvre, la toux et les maux de tête. Nos ressources regorgent beaucoup de plantes qui sont utilisées dans le traitement de la fièvre. La toux est évacuée avec succès par la consommation de certaines épices et des mélanges de plantes qu’on peut utiliser comme aliment.
Quelle importance faut-il accorder à l a mutualisation des moyens de lutte ?
La lutte contre le Covid-19 est une véritable cause nationale qui nécessite la mobilisation de toutes les forces vives de notre pays. Tous les sectoriels sont interpellés au même titre, et doivent, chacun en ce qui le concerne, appuyer les efforts du Gouvernement de la République en cette situation de crise sanitaire. A menace globale réponse globale, pour reprendre la formule consacrée. Vous comprenez donc la nécessité d’une mutualisation des moyens de lutte qu’ils soient matériels, anthropologiques, scientifiques, administratifs, politiques, logistiques etc… Vous avez vous-même constaté qu’en application des très hautes instructions du Chef de l’Etat, tout le Gouvernement est mobilisé à l’effet de prévenir le pic épidémiologique que nous redoutons tous. D’un autre côté, les chercheurs et innovateurs sont en veille et en action. Personne n’est exclu de cette lutte. Bref, une synergie d’action est mise en branle au sein de notre Système National de Recherche et d’Innovation ; c’est le lieu pour moi de saluer la proactivité de nos chercheurs qui sont plus que jamais déterminés à trouver une réponse appropriée à cette pandémie.
Quelles sont les avancées et l’importance de la recherche endogène ?
Le Gouvernement attache la plus grande importance à la recherche endogène, dont la pharmacopée traditionnelle est l’un des bras séculiers. C’est ce qui justifie les initiatives d’organisation et d’encadrement de ce sous-secteur évoquées plus haut. Au sujet des avancées, il convient de souligner que de nombreux médicaments traditionnels améliorés ont fait l’objet des tests d’efficacité qui se sont avérés concluants. Il en est ainsi des pommades, des compléments nutritionnels et thérapeutiques etc. Depuis que le Covid-19 fait rage, les pays africains se sont retournés vers la recherche endogène. Le Rwanda, le Bénin, le Sénégal, la Tanzanie, le Congo-Zaïre, la Côte-d’Ivoire. . .
Le Cameroun a-t-il les moyens financiers, humains et matériels qu’il faut pour se mobiliser ?
Oui le Cameroun est nanti d’un important capital humain performant en matière de recherche scientifique. De nombreux chercheurs camerounais ont fait leur preuve tant sur le plan national qu’international. J’ai parlé plus haut de la bonne appréciation qu’a faite S.E. Christine Robichon, ancienne Ambassadrice de la France au Cameroun, au sujet de la performance admirable de la recherche scientifique camerounaise. Dans le cadre de la lutte contre le Covid-19, les chercheurs sont mobilisés tous azimuts à l’effet de faire valoir leur savoir et leur savoir-faire pour une victoire sans trop de dégâts contre cette pandémie. Mais, pour jouer pleinement leur rôle, ils ont besoin d’un peu plus de soutien du Gouvernement de la République et des forces vives nationales. C’est la raison d’être du plan sectoriel de riposte, assorti de l’état des besoins, qui a été transmis à la hiérarchie.