Essimi Menye a été entendu mardi 13 janvier au cabinet du ministre d’État, ministre de la Justice, Garde des Sceaux (Minjustice), par les enquêteurs du Tribunal criminel spécial (Tcs). Selon des informations dignes de foi, c’est sur instruction du président de la République Paul Biya et plus singulièrement, par courrier signé du ministre secrétaire général de la présidence de la République, que le ministre de l’Agriculture et du Développement rural (Minader) a été auditionné dans la petite salle de réunion jouxtant le bureau de Laurent Esso.
Il aurait été cuisiné, apprend-on, durant près de 3 heures de temps, par les fins limiers du Tcs, déterminés à lever le voile épais qui entoure les nombreuses affaires de détournement de deniers publics dont il serait l’auteur.
La première serait liée au détournement de 9,025 milliards Fcfa destinés à la restructuration de Amity Bank of Cameroon (Abc), alors qu’il était ministres des Finances (Minfi). En effet, indique-t-on, au moment où Essimi Menye prend les commandes du ministère des Finances en septembre 2007, Amity Bank of Cameroon est mis sous administration provisoire par la Commission bancaire de l’Afrique centrale (Cobac), à cause des tensions de trésorerie. Jouissant de son pouvoir de mandataire de la Cobac, l’ancien Minfi va ordonner par lettre N°00000504/MINFI/SG/DGTCFM du 10 février 2009, le transfèrement à Atlantique Banque Cameroun, les fonds destinés à remettre à flot Amity. Pourtant, apprend-on, son prédécesseur Polycarpe Abah Abah avait enjoint que le portefeuille de Abc soit transféré à la Société camerounaise de recouvrement (Src).
Selon des informations parvenues à La Météo, la machination d’Essimi Menye visait l’accaparement du passif et de l’actif de Amity Bank of Cameroon par Atlantique Banque of Cameroun, qui elle-même connait à l’époque des faits, des tensions de trésorerie. Des mauvaises langues prétendent que la transaction se serait déroulée au mépris des droits des actionnaires. Ce qui aurait poussé ceux-ci à saisir la justice de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), qui rendra l’arrêt n°010/CEMAC/CJ/du 13/11/2009 en faveur des actionnaires. Cette juridiction rétablira alors les actionnaires d’Amity Bank dans leurs droits en rétribuant par bons de trésor la somme de 9,025 milliards FCfa préalablement accordée par Essimi Menye à Atlantique Banque of Cameroun. En tout cas, le Tcs apportera la lumière à cette affaire où l’État se trouve spolié d’une aussi importante somme.
Audition rude
En outre, Essimi Menye souffle le chaud en rapport cette fois, à un autre dossier qui le poursuit comme son ombre : celui de la Société camerounaise des tabacs (Sct). Ici, ses démêlées avec la justice prennent leur source en 2009. Nommé ministre de l’Agriculture et du Développement rural en décembre 2011, il aurait donné des injonctions au liquidateur de la Sct de vendre ladite société à un de ses proches, pour une modique somme de 50 millions de Fcfa. Une société dans laquelle l’État va investir d’importantes sommes d’argent, à travers des pirouettes financières, en violation de la loi 99/019 du 22 décembre 1999.
Seulement, après le décès du nouvel acquéreur, Essimi Menye deviendra le nouveau propriétaire de cette plantation. Voilà comment, en poussant plus loin les investigations, l’on va se rendre compte qu’il a pu «inscrire dans le budget de son département ministériel, une ligne pour un montant de 150 000 000 Fcfa au titre de subvention de la culture du tabac», rapporte une source proche du Minader. Raison pour laquelle, au Tcs, l’on pense qu’il aurait pris un malin plaisir de jouer avec la fortune publique. Votre journal s’est d’ailleurs laissé dire qu’au sortir du bureau du Minjustice, le Minader était visiblement déprimé. Toute chose qui laisse croire que l’audition aura été rude.
Traduction, si à ce stade il n’est pas possible de dire avec exactitude quelle suite est réservée à cette affaire, il n’est pas exclu que les conclusions du Tcs convergent vers un détournement de deniers publics estampillé Essimi Menye. Nos multiples tentatives de joindre le Minader au téléphone pour avoir sa version des faits, sont restées vaines.