Il est poursuivi pour n’avoir pas reversé dans les caisses publiques des frais prélevés au profit de l’État dans des transactions foncières à Kribi. Tout en contestant la compétence du TCS à connaître de l’affaire, l’accusé promet de restituer les fonds à problème en temps opportun.
Verdict puis une peine de 15 ans de prison à Ebobwa suite à une condamnation pour complicité de détournement des fonds publics au détriment de la Société nationale des Hydrocarbures (SNH), son successeur Me Jean Daniel Owona Ndigui se trouve en ce moment lui aussi en bisbille avec la justice pour des faits supposés de détournement de fonds publics au détriment des ministères des Finances (Minfi) et des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf).
Comme nous l’annoncions dans notre édition 315 parue le 2 octobre dernier, Me Jean Daniel Owona Ndigui, notaire à Kribi et à Ebolowa, est actuellement détenu à la prison centrale de Yaoundé-Kondengui. Il passe en jugement devant le Tribunal criminel spécial (TCS) pour s’expliquer sur le détournement présumé d’une somme d’environ 370 millions de francs. Il est accusé d’avoir empoché des sommes d’argent destinées aux caisses publiques.
Il s’agit des taxes fiscales et domaniales versées par les usagers auprès de l’accusé afin qu’il accomplisse les formalités d’enregistrement de leurs transactions immobilières. Si l’homme de loi reconnaît avoir effectué les transactions au centre du présent procès, il relativise la gravité des faits qui l’accablent et promet, surtout, de rembourser l’argent en cause le moment venu.
Aéroport de Douala
Le rapport de l’enquête judiciaire (ordonnance de renvoi) dressé le 2 juillet dernier par le juge d’instruction Jérôme Kouabou permet d’avoir une idée précise sur l’ensemble des faits autour de l’affaire. Me Owona Ndigui avait été désigné liquidateur de l’étude de sa consœur Me Bemma Mandengue Marie Terence basée à Kribi.
Cette dernière était jusqu’à l’année dernière écrouée à la prison centrale d’Ebolowa. Elle y purgeait une peine de 10 ans ferme écopée en 2007 devant le Tribunal de grande instance (TGI) de l’Océan pour des faits de complicité d’un détournement opéré au détriment de la SNH. Cette procédure judiciaire attend son dénouement final devant la Section spécialisée de la Cour suprême.
Les malheurs de Me Owona Ndigui tirent en effet leur source d’une dénonciation faite à son encontre par le cabinet d’avocats Synergy Law Firm qui défend un collectif d’usagers « désabusés » par le notaire. Les avocats disent avoir découvert un vaste scandale : les frais versés par leurs clients pour les taxes fiscale et domaniale au profit de l’État, exigées par l’accusé pour l’enregistrement des transactions foncières des concernés ont pris une direction inconnue.
Or, les fonds en question étaient censés être reversés aux services des impôts et à la recette domaniale de Kribi. Pour enfoncer le clou, les plaignants avaient rassemblé une liste de « notes de frais » adressées par l’accusé à leurs clients et acquitté par les concernés. Ces notes de frais indiquent à travers des rubriques les parts revenant à l’administration fiscale à l’administration des Domaines ainsi que celles relevant des honoraires du notaire.
Le 1er décembre 2017, les usagers aux abois ont organisé un sit-in devant l’étude en liquidation pour « revendiquer leur droit ». L’IFC déclare avoir versé à l’accusé des frais exigés pour l’obtention des titres fonciers, mais ils apprendront au service des Domaines de Kribi que le notaire « n’a jamais reversé les frais au profit de l’État ». Ce qui bloque l’avancée de leur transaction foncière. Parmi les victimes on compte le défunt avocat Anthony Nong Zih.
Le 28 janvier 2018, Me Owona Ndigui est happé par les enquêteurs à l’aéroport international de Douala abord d’un avion alors qu’il tentait d’embarquer pour la Belgique. Le ministère des Domaines dépêchait une mission de contrôle à Kribi.
Lors des enquêtes, les explications données par Me Madeleine Ekitike Ndjounga, le successeur de Me Owona Ndigui à la liquidation de l’étude vont alourdir te cas de l’accusé. Me Ekitike Ndjounga explique que lors de sa prise de fonction comme notaire liquidateur de l’étude de Me Bemma Mandengue, en remplacement de l’accusé, elle a trouvé de nombreux dossiers dont les frais de traitement « entièrement soldés entre les mains de son prédécesseur, mais pour lesquels aucune diligence n’avait été accomplie ».
Elle dit avoir recensé 164 victimes qui ont déboursé un montant d’environ 370 millions de francs dont 80 % de l’enveloppe revenait en principe à l’État. Et d’ajouter que cet argent n’est mentionné dans aucun des trois comptes bancaires de l’étude. De plus, sa « lettre de réclamations » envoyée à l’accusé le 25 décembre 2017 est restée lettre morte.
Aveu à peine voilé
Pour sa part, Me Owona Ndigui reconnaît « avoir laissé en instance à Kribi […] plusieurs dossiers pour lesquels des clients avaient acquitté les fiais » et dont il n’a « effectué aucune diligence conséquente ». Mais il réfute les différents montants en cause et soutient mordicus que les frais querellés n’ont pas été détournés. Au contraire. Il dit attendre le rapport final de la liquidation de l’étude… pour pouvoir satisfaire les plaignants.
En plus, le mis en cause conteste, la compétence du TCS à connaître de l’affaire. Pour lui, « le calcul et la réclamation des frais dus par le notariat pour les transactions foncières relèvent du contentieux fiscal qui échappe à la compétence du TCS ». Il promet de « solder le paiement des frais collectés au cours de son mandat ».
Les déclarations rassurantes de Me Owona Ndigui n’ont pas convaincu le juge d’instruction de son innocence. Le magistrat estime que les notes de frais qu’il adressait aux usagers indiquaient à travers des rubriques mentionnées sur ces documents les destinations des fonds perçus des clients r les parts revenant à l’État et celles relevant des honoraires du notaire. De ce fait, la rétention abusive de fonds revenant à l’État constitue un détournement de biens publics.
Bien plus, la proposition de l’accusé d’attendre le rapport final de la liquidation pour satisfaire les clients constitue un « aveu à peine voilé » d’avoir retenu frauduleusement les sommes d’argent destinées à l’État du Cameroun. Les juges de jugements désormais saisis du dossier doivent, à l’issue de cette procédure judiciaire dire qui du juge d’instruction ou de l’accusé a raison. »
Justice must be served. The family of Anthony Nongzih is eagerly waiting for this. The damages are irreparable.