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Cameroun : Un vidéoclub pour homosexuels fait irruption dans la ville de Yaoundé (AFP)

video club homosexuel

L’endroit est gardé secret. Pour y accéder, il faut connaître quelqu’un qui accepte de vous y guider, quitter une artère principale de Yaoundé pour dévaler une ruelle mal éclairée, regarder à gauche, puis à droite… Toquer, l’air de rien. Et enfin pousser une lourde porte, sur laquelle est griffonné à la craie : « Défense d’entrer ».

video club homosexuel
Vidéoclub des homosexuels © Droits réservés 

À l’intérieur, il fait moite et sombre. Seule la lumière d’un écran de télévision fixé au mur éclaire des visages au premier rang. Bienvenue chez Jean-Pierre, un « vidéoclub » de Yaoundé fréquenté exclusivement par de jeunes homosexuels camerounais.

« Nous avons ouvert cet endroit en 2016, pour que ces jeunes puissent souffler un peu », explique Jean-Pierre, 51 ans, qui préfère taire son nom.

« L’après-midi, nous passons des documentaires sur la communauté gay, le soir des séries comiques et, plus tard dans la nuit, des films à caractère sexuel », détaille-t-il.

La salle est rectangulaire, sans fenêtre. Des dizaines de garçons sont assis en rang d’oignons sur des bancs en bois. En quête d’un peu de liberté, mais surtout de répit dans une société où il est dangereux d’être homosexuel.

Maxime a 30 ans. Il vient plusieurs fois par semaine, avec son compagnon. « C’est vital de pouvoir nous retrouver entre nous, discuter avec des gens qui vous ressemblent, qui vous comprennent », explique-t-il.

Lorsque sa famille l’a rejeté, c’est chez Jean-Pierre que Maxime a trouvé refuge. « J’ai vécu neuf mois dans cette salle, je n’avais nulle part où aller », raconte-t-il. Sur un banc, un garçon est allongé, un drap couvre son corps et une partie de son visage. Il dort paisiblement.

À quelques mètres, deux hommes flirtent à la vue de tous. « C’est un endroit où l’on peut faire des rencontres », ajoute Maxime.

Elle pourrait paraître un peu glauque aux yeux de certains, mais pour eux, cette salle de projection a des allures de cocon. Un sas où ils peuvent être qui ils sont, sans avoir à se cacher de peur d’être agressés ou tout simplement mal regardés.

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Au Cameroun avoir un rapport sexuel avec un homme est un crime passible de cinq ans d’emprisonnement pour un homme. Et si les condamnations sont rares, être gay fait surtout de vous une cible, une proie facile pour les personnes malintentionnées.

Longtemps préservé, le vidéoclub est aujourd’hui connu de certains malfrats et fonctionnaires de police véreux qui n’hésitent pas à venir les harceler. « Cette année, il y a eu au moins quatre rafles », explique Jean-Pierre, qui vient de passer deux semaines dans un commissariat où il affirme avoir été torturé. « Ils me disaient avoue que tu es le parrain des pédés, pédale, en me frappant la plante des pieds avec le plat de la lame d’une machette », décrit-il.

Un soir où Jean-Pierre n’était pas là pour les protéger, Maxime a aussi vécu l’horreur. « Ils ont débarqué ici, nous ont mis dans leur pick-up, nous ont dépouillés de toutes nos affaires, argents, portables, et habits compris, balancés à poil à l’autre bout de la ville », raconte-t-il, le regard fixant le mur.

En 2018, 1 134 cas de violences et violations de droits des personnes LGBTI ont été répertoriés, selon un rapport de deux ONG, Humanity First et Alternatives Cameroun.

Certains bandits viennent aussi les rançonner, se faisant passer pour des policiers en civil, assure Jean-Pierre. Entre deux films, il prend souvent la parole « pour leur expliquer quoi faire en cas d’arrestation, pour connaître leurs droits ». Mais aussi et surtout, « pour leur donner des conseils en matière de santé sexuelle ».

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C’est l’autre raison d’exister de ce vidéoclub : lutter contre le fléau du VIH dans la communauté gay à Yaoundé. Au Cameroun, le taux de prévalence du virus chez les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes est de 37 %, selon une enquête de l’agence des États-Unis pour le développement international (USAID) en 2016. Et 45,1 % à Yaoundé.

Dans un coin de la salle, trois garçons sur un canapé défoncé, visage crispé, attendent qu’on appelle leur nom. L’un franchit une petite porte donnant sur une antichambre, où deux hommes en blouse blanche l’accueillent.

Environ une fois par semaine, les équipes de Humanity First se déplacent au vidéoclub pour réaliser des tests de dépistage du VIH, donner des conseils et mettre à disposition des préservatifs.

« La plupart ne vont pas dans les centres de santé, par peur d’être stigmatisés, alors nous venons à eux », explique le directeur de l’ONG, Jean-Paul Enama. Au vidéoclub, « le taux de prévalence est très élevé, l’objectif est de mettre ceux qui en ont besoin sous traitement et empêcher le virus de se propager ».

Le combat d’une vie pour Jean-Pierre, le propriétaire, dont « plusieurs proches sont morts à cause du sida ». Des dizaines d’hommes défilent chaque jour dans son vidéoclub, pour récupérer en toute sécurité des préservatifs.

« Je n’ose pas imaginer ce qu’ils deviendraient si on m’obligeait à fermer », conclut-il, déterminé à garder son lieu ouvert, quasiment sans le sou et en dépit des intimidations et arrestations arbitraires.


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