À la faveur de son entretien accordé au quotidien bleu Le Jour ce mercredi 16 octobre 2019, Maurice Kamto a profité pour dire ce qu’il reproche au code électoral en vigueur au Cameroun.
« Que reprochez-vous à ce système électoral exactement ? », pose le journaliste. En terme de réponse le président national du MRC souligne d’abord que son combat pour la révision du code électoral date de 2013. « Je voudrais rappeler que nous avons pointé les insuffisances du code électoral depuis 2013 après les élections couplées municipales et législatives. Nous avons attiré l’attention d’Elecam et des autorités puisque nous avons fait des propositions que nous avons envoyées à la présidence de la République à cette époque. Nous avons envoyé ces propositions aux structures de l’exécutif impliquées dans l’organisation des élections notamment le ministère de l’Ad-ministration territoriale, le ministère de la Justice et les administrations en charge de la sécurité. Nous les avons envoyées à Elecam bien entendu mais également au Premier ministre par courtoisie », déclare Maurice Kamto.
Le patron national du MRC reproche l’absence de la biométrie intégralité. « Premièrement, nous n’avons pas un système biométrique comme nous le « constatons dans tous les autres pays. Dès lors que vous êtes sortis de la phase de la collecte de la base des données, la biométrie disparaît au Cameroun », souligne-t-il.
« Mais nous sommes pragmatiques et avons dit que même si vous ne pouvez pas faire la biométrie intégrale pour diverses raisons, vous pouvez dire que ça va entraîner des dépenses supplémentaires, nous ne voulions pas qu’on rejette notre proposition de loi déposée sur le bureau de l’Assemblée nationale, depuis 2014 on la rejette au motif que nous avons créé des dépenses sans créer des recettes, vous savez que c’est un motif de rejet d’une proposition de loi ou d’un projet de loi. Nous avons dit, faites ce qui est simple et qui peut même amener l’État à faire des économies, le bulletin unique », ajoute-t-il.
Ensuite, il reproche le fait qu’il n’y a pas de valeur égale entre le procès-verbal remis aux représentants des candidats et Elecam. « Nous avons dit qu’il faut que les procès-verbaux délivrés aux représentants des candidats ou des partis politiques dans les bureaux de vote aient la même valeur authentique que l’exemplaire remis à Elecam. Il est anormal que le code électoral dise que seul l’exemplaire remis à Elecam fait foi », souligne le guide du MRC.
« A partir de ce moment-là on peut se demander à quoi sert-il d’envoyer des représentants dans les bureaux de vote s’ils ont des procès-verbaux dont on ne peut se faire prévaloir en cas de contentieux. Troisièmement nous avons dit qu’il est injustifiable, pour ne pas dire que c’est encourager la fraude, que de dire que les procès-verbaux vont d’abord à Elecam et pendant 48h séjournent à Elecam avant d’aller à la commission qui dépouille et proclame les résultats », ajoute Maurice Kamto.
« Si chacun a un exemplaire de procès-verbal, pourquoi a-t-on besoin encore d’aller à Elecam pendant 48h ? Nous préconisons et demandons qu’à la sortie des bureaux de vote, les procès-verbaux soient acheminés directement à la commission compétente pour proclamer les résultats. Voilà quelques exemples, mais nous avons fait de manière plus ample un travail très précis, très concret sur l’ensemble des dispositions du code électoral qui posent problème », continue-t-il dans la même lancée.
Il souligne aussi l’absence de neutralité de l’organe en charge des élections. « Je peux attirer votre attention et tous les Camerounais en sont témoins, sur le fait que Elecam ne s’est jamais comporté comme un organe impartial dans l’organisation des élections. La preuve, chaque fois que nous sommes allés au contentieux, Elecam s’est mis du côté du Rdpc, pour défendre les positions du Rdpc contre l’opposition. C’est quand-même étrange alors que Elecam devrait être l’arbitre qui devrait fournir à l’organe du contentieux les éléments pour départager », martèle le principal challengeur de Paul Biya à la dernière élection.
Dans la deuxième grande catégorie de reproches, Maurice Kamto soulève la composition de l’équipage du Conseil Constitutionnel. « Deuxièmement, pour ce qui concerne l’élection présidentielle, le Conseil constitutionnel, regardez la composition. Nous avons effectivement demandé la récusation des membres qui non seulement ne satisfaisaient pas à l’interdiction par la toi de faire partie d’un parti politique, et pour d’autres menaient des activités incompatibles avec leur statut de membre du Conseil constitutionnel », observe-t-il.
« En réalité, si ça avait été des gens raisonnables, ils n’auraient pas attendu que nous engagions contre eux une procédure en récusation. Ils se seraient déportés comme on dit en droit, c’est-à-dire ils n’auraient pas siégé. Parce qu’ils auraient estimé qu’ils ne réunissent pas les conditions d’impartialité qui garantissent leur indépendance. Il y avait donc une suspicion légitime sur cet organe. Et cette suspicion demeure. Nous avons montré devant le Conseil constitutionnel que non seulement certains membres étaient militants du Rdpc, membres du comité central du Rdpc, membres du bureau politique du Rdpc », poursuit-il.
Pour souligner l’absence de neutralité, il évoque le cas palpable de feu Foumane Akame. « Nous avons montré en terme d’incompatibilité que certains membres continuaient à être président de conseil d’administration par exemple de l’Université de Yaoundé 1, et il y en avait qui continuait à être membre de juridictions, il y en avait un, pour ne pas le citer, Foumane Akame, paix à son âme, qui continuait d’être président du tribunal de première instance de la francophonie », précise Maurice Kamto.
Un autre exemple celui du président du conseil constitutionnel. « Il y a un qui est président de la chambre arbitrale du comité national olympique. Le président du Conseil constitutionnel, son cabinet d’avocat portant son nom continue d’officier jusqu’à ce jour avec des dossiers qui passent devant le Tribunal criminel spécial. Il n’est pas omis du tableau de l’ordre. C’est autant d’éléments d’incompatibilités que nous avons mis sur la table », observe une fois de plus Maurice Kamto.
« Les gens du Rdpc ont beau jeu de balayer cela d’un revers de la main parce qu’ils ne veulent pas que les Camerounais comprennent. Mais les Camerounais ont bien compris ils ne sont pas dupes. Voilà quelques révisions que nous voulons. Nous voulons demain Elecam au sein duquel les partis d’opposition sont représentés au même titre que la société civile. Ce n’est pas la peine d’espérer une neutralité. Autant donner la ‘possibilité aux partis politiques de siéger et que chacun puisse voir ce qui s’y passe », conclut-il à ce sujet.