Cameroun- Brettonwood : des directives présidentielles sur le Budget 2024 au constat du viol financier… consentant permanent du Cameroun.
Alors qu’est publiée la circulaire du Président Biya au Gouvernement portant directives de l’élaboration du budget 2024, il doit être relevé une grave anomalie qui remet même en cause l’utilité de cette tradition. En effet, la preuve est désormais faite par les deux dernières revues du FMI, qu’en lieu et place des directives du Président de la République, Chef de l’ Exécutif, du Budget voté par l’ Assemblée Nationale, porte fanion du législatif, c’ est cette institution qui définit et impose la politique économique et financière de l’ État au Cameroun.
Le FMI a en effet définitivement dépouillé notre administration de sa capacité endogène d’initiative novatrice de politique et de gestion financière de l’État puisqu’ en définitive, ce sont ses oukases qui s’imposent désormais dans la gestion financière du pays. Les habituelles directives du Président de la République pourraient donc s’ avérer n’ être que du cosmétique, au regard de ce qui est désormais une pratique constante à savoir que ce gouvernement polarise toute son énergie à obéir aux oukases du FMI qui in fine se limitent à la résolution des problèmes de trésorerie à court terme, mettant en berne toutes autres actions porteuses de vision de développement économique et renforçant la vitalité financière du pays à moyen et long terme.
Or, les deux choses que le Cameroun doit privilégier sont de, d’ une part, améliorer son attractivité auprès des investisseurs dans le but de susciter un afflux massif d’argent dans notre économie, d’ autre part, canaliser ces financements vers les secteurs générateurs de transformations structurelles positives.
Posture de paresse… intellectuelle
Si on analyse les relations financières de notre pays avec les institutions de Brettonwood que sont la Banque Mondiale et le FMI, on constate que c’est avec le guichet FMI que notre pays est en activité quasi quotidienne alors que celui-là n’a ni vocation, ni mission de financer le développement qui pourtant se doit d’être l’ objectif central de notre politique économique, domaine où la Banque Mondiale est le guichet idoine.
Les interventions du FMI dans le système de Brettonwood ne sont limitées qu’à accorder des découverts de trésorerie de court terme, ce à quoi correspondent ses dernières ” facilités” à notre pays. Il est donc surprenant de constater que c’est dans l’ antichambre de cet organisme que le Cameroun a établi ces dernières années ses quartiers, au point où, comme signalé plus haut , ce sont désormais ses prescriptions à chacune de ses revues qui forment l’ ossature et recadrent les actions du gouvernement, au point d’ avoir plus de poids que les directives énoncées par le Chef de l’ État au moment de la préparation du budget, ou même plus tard, de pousser à la remise en question du Budget primaire adopté par notre Parlement par le recours au mécanisme du collectif budgétaire.
Lors d’une mission effectuée il y a quelques années avec le Ministre Dakayi Kamga pour le compte du PNUD, ce dernier me rapportera le jugement émis sur les institutions de BRETTONWOOD par mon ancien enseignant d’économie à l’Université de Ngoa Ekele dans les années 70, le Professeur Tchouidjang Pouemi. Il me dira qu’en mission à Washington avec l’illustre professeur, devant les sièges de la Banque Mondiale et du FMI sur Pennsylvania Avenue, ce dernier les lui indiquera en disant ” un nid d’incompétents”!!! Nous autres serions tenté de parler d’une compétence questionnable doublée d’une connaissance insuffisante du terrain, au regard des résultats médiocres des médications qu’ils prescrivent à notre pays depuis … quarante ans, alors que certains pays comme le Botswana ou l’Angola pour ne pas les citer, qui mettent un point d’honneur à n’être pas souvent vus dans les couloirs Brettonwood, affichent des résultats éclatants sur la trajectoire du développement.
Et pourtant, à l’atteinte du point d’achèvement il y a quelques années, tout laissait croire que le Cameroun était sorti par la grande porte de la servilité des programmes de BRETTONWOOD. Que nenni!!! En banquier de la misère, le FMI est revenu rentrer par la fenêtre, appâtant nos décideurs avec des “facilités dites renforcées”, pour relancer ses activités d’usurier des petits prêts, en puisant dans les DTS qui sont en réalité l’argent de notre épargne dans ses livres. Et quand on parle de facilités, il s’agit de quelques millions de dollars qui représentaient environ une quarantaine de milliards FCFA à la dernière revue, alors que dans la même période, la Côte d’ Ivoire bénéficiait d’un prêt de 2000 milliards FCFA… Pauvre Cameroun est-on tenté de s’exclamer!!!..
Et pourtant, on voit nos responsables qui n’y voient que du feu aller à l’encan se vanter pour ces petits biscuits qui ne représentent presque rien au regard des 90 000 milliards F dont le Cameroun a besoin pour financer son émergence.
Des solutions de cache- misère financière
Certains sont fondés de dire que les solutions que le FMI offre au Cameroun ces dernières années sont des feuilles de vigne pour dissimuler la nudité au sens de la nullité du pays en matière de conduite de la politique et de la gestion financière et économique. Que l’ on partage ou non ce constat catastrophique, force est de reconnaître que la cause du marasme dans lequel s’ enfonce chaque jour davantage notre pays s’ explique pour l’ essentiel par une insuffisance de ressources financières injectées dans l’ économie, que cela se lise à travers un taux d’ investissement par rapport au PIB qui stagne à 16%, soit près de 10 points en dessous du niveau souhaitable pour une croissance de 9%, niveau auquel sera infléchie la courbe d’accroissement du chômage ou qu’ il s’ agisse des investissements directs étrangers dont le niveau reste extrêmement bas par rapport aux potentialités du Cameroun. L’intérêt que portent ces temps derniers sur le Cameroun les agences de notation Moody’s et Standard & Poors, commissaires-priseurs internationaux devraient être compris comme signalant, si un coup de barre n’est pas donné pour relancer notre économie, une descente du pays dans l’enfer et le super enfer financier.
De l’affaiblissement de notre économie
Parmi les facteurs qui ont causé l’affaiblissement de notre pays au long des années, Brettonwood s’est illustré de manière remarquable. Si on prend la Banque Mondiale plus prosaïquement appelé guichet BIRD, Banque Internationale pour la reconstruction et le développement, on peut citer en exemple son influence néfaste dans la dégradation de nos infrastructures routières. Ainsi, lorsque nous avons laissé ces gens venir mettre leur nez dans nos affaires, alors que le système existant comportait des “subdivisions des routes” au niveau des départements utilisant du personnel professionnel, dotées de parcs d’engins” et travaillant sur une programmation décentralisée, ses “costumards” viendront préconiser ” la privatisation de l’entretien routier”. La mise en œuvre de cette politique se traduira par le démantèlement des subdivisions des routes, la dispersion de leur parc d’engins, pour favoriser in fine l’entrée en scène dans ce secteur d’amateurs, sans équipements ni expérience, lesquels plongeront le réseau routier national dans l’état actuel de grave dégradation.
Quant au FMI, il ne se consacrera qu’à financer notre bas de bilan pour nous permettre de continuer à rembourser la dette que nous devons au monde capitaliste, nous enfermant dans un système usurier qui néglige voire s’oppose à l’accès aux financements en équipements et infrastructures qui sont du haut de bilan et qui favorisent la création de richesses. La conséquence de ses revues au Cameroun est d’ entretenir notre administration dans la mentalité d’une gestion de finances publiques marquée par la paresse intellectuelle au point de démissionner de toute initiative ou innovation de politique financière, monétaire et budgétaire qu’ on attend d’ un gouvernement souverain.
L’impératif d’un aggiornamento?
Il existe une solution pour éviter le naufrage annoncé de notre économie voire de notre pays suite au constat fait ci- dessus. Elle s’appelle aggiornamento au sens du renouvellement, aggiornamento des systèmes et méthodes, aggiornamento des organes, aggiornamento des hommes. L’aggiornamento des systèmes et méthodes porte sur les techniques et les outils de la politique économique et financière de l’État.
La plus flagrante de l’ insuffisance systémique de la gestion actuelle porte sur l’ absence d’ un tableau de bord de suivi des indicateurs aussi importants que stratégiques que sont, en rythme mensuel, le taux d’ inflation et le taux de chômage, en rythme annuel, le taux d’ investissement. L’absence d’un suivi public de ces indicateurs pourrait tenir au mieux d’une volonté avérée du gouvernement de dissimuler les résultats de sa gestion économique. Au pire, il pourrait tenir d’une ignorance des décideurs de leur importance et des principes d’un management par objectifs. En conséquence, cette gestion myope occulte la lisibilité de l’économie et affaiblit la réactivité et la vélocité des mesures d’incitation ou de correction à prendre.
L’aggiornamento des organes voudrait que pour remédier à l’ affaiblissement de notre économie, le rôle central du pilotage soit inspiré, assuré et assumé par la technostructure humaine de notre pays et non délégué à des entités extérieures comme cela est le cas avec le FMI et la Banque Mondiale. Il s’ agit, pour les départements ministériels qui en ont la mission de porter le dynamisme économique de notre pays, en pensant aux Ministère de l’ Économie, du Plan et de l’ Aménagement du Territoire, de l’ Industrie et des Mines, du Tourisme, de l’ Agriculture et de l’ Élevage, de s’attacher à faire bouger le haut du bilan de notre pays en étant en activité de prospection permanente et de mobilisation de financements auprès des grands guichets internationaux d financement du développement, mais aussi auprès des investisseurs directs étrangers, en ayant si besoin des bureaux établis au sein de ces organismes pour le suivi de leurs dossiers ou davantage, en maintenant une activité intense de Road shows.
Parallèlement, le Ministère des Finances devrait quant à lui se réapproprier l’initiative intellectuelle de la conception et la gestion budgétaire, financière et monétaire de l’Etat, s’essayer à de nouvelles solutions de financement en se libérant de la satisfaction sommaire des émissions des emprunts où des arrangeurs attitrées s’engraissent de manière questionnable. Sur ce point, on ne devrait pas oublier l’Euro Bond de 2015 souscrit à plus de 9% de taux d’intérêt où le Ministre des Finances de l’époque pourrait difficilement se dédouaner de n’avoir pas été complice d’une grosse opération de banditisme financier international et dont le Cameroun continue à ce jour à ployer sous le poids du remboursement.
Il est par conséquent vivement souhaitable que l’ État soit ouvert à d’ autres formules plus innovantes de financement qui le connecteraient directement aux marchés financiers et où pourraient être levés à moindre coût d’ importants financements devant satisfaire les besoins de développement à moyen terme et procurer des ressources nécessaires à la gestion des obligations conjoncturelles de l’ État. La faisabilité d’une telle formule est l’offre récente au Cameroun d’un prêt d’un montant de 250 milliards F avec un taux d’intérêt inférieur de 2 points à celui des récents emprunts avec en prime un différé de deux ans. Malheureusement, la phobie du FMI, disons-le ainsi, n’a pas permis que le pays tire avantage de cette opportunité.
And last but not least, l’aggiornamento des hommes. Il porterait sur le changement de mentalité de l’équipe de pilotage de notre économie, un impératif si l’objectif est d’y re insuffler de l’énergie. Sans esprit de polémique et à la seule observation des résultats, il apparaît que les défis économiques que doit aujourd’hui relever le Cameroun requiert un renforcement des capacités et des compétences de cette équipe. Il y a donc nécessité urgente que des mesures incisives soient engagées en ce qui est de re- energiser les hommes et les femmes en charge des leviers de l’économie, pour ne pas suggérer plus.
Le Cameroun est à l’heure du choix de sa trajectoire de développement pour accéder à l’émergence. Jusqu’à date, cette émergence semble être plus proche d’une incantation païenne stérile que d’un projet politique en cours de matérialisation. Un changement de paradigme impose donc un choix, un choix simple et binaire: soit vivre dans la léthargie de l’attente de solutions concoctées par des bureaucrates venus de Brettonwood ou d’ ailleurs, soit voir l’esprit d’un leadership transformationnel gagner la classe dirigeante qui se dépouillerait de l’esprit du leadership transactionnel qui a fait le lit de toutes les médiocrités. Ce choix est un impératif si nous voulons vivre à terme le rêve d’un pays émergent grâce à un changement du penser et un changement du faire.
Sa Majesté Célestin Bedzigui
Président du PAL- Parti de l’Alliance Libérale