48 heures après la manifestation de la B.A.S à Genève, le samedi 17 février 2021, contre le court séjour privé de Paul Biya, la Directrice de publication du journal à capitaux publiques a commis un éditorial où elle dit qu’il est l’heure de faire des choix. Cette tribune a suscité beaucoup de polémique sur la toile. Après avoir aussi cet éditorial, Christelle Nadia Fotso n’est pas restée indifférente et a décidé d’adresser à Marie Claire Nnana une lettre ouverte.
Lebledparle.com vous propose l’intégralité de la lettre ouverte
What happened Miss Nnana ?
Lettre ouverte à Marie Claire Nnana, Directrice Générale de la Société de Presse et d’Éditions du Cameroun (SOPECAM) et journaliste retraitée
Chère Marie Claire Nnana,
Votre éditorial de mardi dernier dans Cameroon TrIbune a troublé la quiétude de ma rééducation. Je n’ai pas pu faire mes heures obligatoires de Yoga ! Mon kinésithérapeute inquiet a insisté pour je vous écrive afin de vous livrer ce que j’ai sur le cœur. Mon but est donc thérapeutique : je devais vous écrire pour retourner apaisée à mes combats titanesques avec mon corps. C’est donc à mon personnel médical que vous devez cette lettre publique qui sans être insultante sera critique en essayant d’être irrévérencieuse sans être discourtoise. Le message est celui d’une femme que vous empêchez de dormir et de se soigner.
Madame Nnana, j’ai pour vous un respect romancé lié à notre unique rencontre. C’était la fin des années 90 à Paris et je vous ai aperçue à l’Ambassade du Cameroun. Votre apparence simple et inhabituelle pour ce monde guindé montrait que vous n’étiez pas embourgeoisée. La dame que j’accompagnais vous a salué en Béti puis m’a confié pleine d’admiration :« c’est une grande journaliste…elle a une plume magnifique et en plus elle bosse ! » Ce souvenir me force à me demander ce qui vous est arrivé. C’est une question que je vous pose avec la même curiosité, bienveillance et tristesse que Maya Angelou lorsqu’elle la posa à Nina Simone.
Marie Claire Nnana, je fais partie de cette minorité fatiguée d’être prise en otage par la petite politique et ses débats indignes des ambitions que nous avons encore, souvent malgré nous pour le pays. Tyranniquement, ils ensauvagent tout pour soumettre le passé, le présent et l’avenir du Cameroun à un césarisme désuet et masculiniste qui l’a pourtant toujours mené à des désastres annoncés. Le manichéisme farfelu de votre éditorial m’a profondément chagrinée. Il vient pourtant d’une femme qui fut exceptionnelle, qui sait encore écrire mais ne fait plus son métier sans doute parce qu’elle fait désormais partie de l’establishment. Réduire notre pays à de faux choix grotesques avec une argumentation basée sur une morale antihistorique trahit la professionnelle que vous fûtes ! Cela m’a rappelé mon deuil impossible parce que des personnes outillées pour comprendre la vérité ont confisqué la chose publique en sacrifiant les valeurs et oui l’âme camerounaises au provisoire dérisoire pour abêtir la conscience collective.
Madame Nnana, parce qu’il y a en moi plus de Camus que de Sartre, sans faire de politique, je dénonce et refuse ce besoin que vous avez, comme trop d’aînés, de faire croire à nos compatriotes que nous sommes condamnés à assumer vos choix parce que vous êtes meilleurs que nous, que vous savez tout sinon trop et que ne pouvez donc pas vous tromper. Notre camerounité ne peut être rabougrie à une obéissance niaise, une acceptation totale sans réflexion d’une fatalité confortable qui forcerait à croire qu’il n’y a d’autres Camerouns possibles que le vôtre.
Non, Marie Claire Nnana, l’heure des choix n’a pas à être dominée par la terreur et des identités aussi artificielles qu’étroites. Le problème n’est pas le choix du Chef mais ce qu’elle ou il doit incarner et défendre pour tous. La question n’est pas le Renouveau, la Renaissance et les limites du débat politique mais la Ressuscitation d’une nation que son amnésie et son amorphisme tuent. Les échanges sur ce qui nous rassemble n’ont pas à être encadrés par une bien-pensance paternaliste qui ne croit véritablement plus qu’en sa propre supériorité. Vous avez oublié que même au Bantoukistan le Bonapartisme africanisé ne s’impose au peuple contre le peuple.
Le Cameroun vit une crise existentielle causée par son incapacité d’aimer, d’accepter, de reconnaître et de s’occuper de tous ses enfants. Cette crise a un nom : le Njitapage. Il explique pourquoi l’état et le parti présidentiel ont accepté la mise à mort d’un Patriarche. Marie Claire Nnana, vous faites des éditoriaux qui telles des homélies du Père Panaloux hystérisent l’insignifiant, l’anecdotique et le trivial pour occulter la Peste, ses origines et ses conséquences. Sur Fotso Victor et sur le Cameroun, vos journaux font du Jeune Afrique mieux que Jeune Afrique en refusant d’enquêter pour fantasmer, exalte. Prêcher, cracher et diaboliser. Comment le pouvez-vous alors que vous ne savez parce que vous ne le voulez pas qu’une icône camerounaise et africaine est morte en France à l’Hôpital Américain de Paris le 19 mars 2020 comme un petit nègre ?
Telle est ma question, chère Madame Nnana. Votre réponse ou plutôt votre silence montrera qui vous êtes devenue et me permettra de refaire du Yoga en paix. Je ne me fais pas d’illusions, seulement, je pense à la journaliste que vous avez été qui vivait difficilement de sa plume tout en étant passionnée par son métier au point de négliger les artifices de sa féminité. Il est possible que cette femme si elle existe encore au moins par curiosité redevienne journaliste pour comprenne pourquoi la fin de Fotso Victor est un scandale qui concerne deux états, celui du Cameroun et la France. Son enquête lui permettrait dans un éditorial qui entrerait dans l’histoire en marquant son temps pour réaffirmer une valeur camerounaise en protégeant tous ceux qui incarnent la nation : On ne Njitape pas les Patriarches quelles que soient leur tribus, leurs erreurs et leur politique !