Dans une chronique publiée sur son mur facebook ce jeudi 14 mars 2109, le chercheur en sciences sociales parle du résistantialisme. Il pense qu’on ne peut pas parler de développement sans liberté. Ci-dessous, l’intégralité de sa chronique.
LE RÉSISTANTIALISME
C’est incontestablement aux jeunes peuples d’Afrique d’arracher leur liberté des mains de ceux qui la leur confisquent ! Plus de cinquante (50) ans après la première vague des indépendances sur le continent, LA LIBERTÉ reste la problématique centrale de toute dissertation sur le devenir de l’Afrique. Du Nord au Sud du continent, de l’Est à l’Ouest et davantage au Centre, la liberté (ou plutôt l’absence de liberté) constitue le paramètre essentiel et le paradigme explicatif tant des espérances et des rares succès que des faillites multiples et des errances de nos Etats.
Toutefois, il convient de souligner que cette liberté là est pluriforme et s’appréhende à plusieurs niveaux : micro, macro et méso ; infra, supra et méta.
En effet il y a d’abord LA LIBERTÉ ANALYSÉE AU NIVEAU REGIONAL, lorsqu’il est questionné la place de l’Afrique dans la division internationale du travail et son rapport à l’occident, et globalement aux autres ères culturelles, et où son confinement constaté à la périphérie du monde est savamment orchestré, planifié et acté.
Il y a ensuite LA LIBERTÉ ENVISAGÉE AU NIVEAU DES ETATS-NATIONS, laquelle est généralement discutée lorsqu’est versée sur la table du débat, l’analyse des rapports entre les anciennes colonies d’Afrique et leurs ‘‘anciens maîtres’’, et qui mettent dans une lumière éclatante la survivance des rapports de domination et la poursuite, sous des formes les plus insidieuses, du pacte colonial et du rapport historique maître / esclave.
Et il y a enfin LA LIBERTÉ ENVISAGÉE AU NIVEAU DES INDIVIDUS, aux niveaux des hommes et des femmes d’Afrique, qui raconte l’histoire de l’embastillement de peuples entiers par leurs propres dirigeants, c’est-à-dire leurs propres ressortissants, leurs propres fils.
Ce triple esclavage participe de la complexification même de la problématique de la liberté en Afrique, quelque soient d’ailleurs la territorialité de la pensée et les segments de spécialités qui constituent, à travers des faisceaux idéels et les labyrinthes épistémologiques, le vaste univers de la connaissance.
Aujourd’hui plus qu’hier peut-être, en 2019, au 21e siècle, les peuples africains sont encore engagés dans des luttes plurielles pour leur liberté, des combats que d’autres peuples de par le monde ont livré il y a maintenant des siècles, lorsqu’ils subissaient la domination et les outrages de puissances étrangères.
Dans un tel contexte d’asservissement et d’embastillement des corps, d’assujettissement et d’aliénation des esprits, il peut sembler bien illusoire de parler d’autre chose que de LA LIBERATION URGENTE ET IMPERIEUSE du continent et de ses peuples. Il peut sembler bien incongru de parler de développement, de modernité et de progrès à des peuples vivant en captivité.
Etienne de LA BOÉTIE, dans son Discours de la servitude volontaire, nous rappelle que dans toute société, pendant que les uns luttent pour leur liberté, les autres luttent pour la leur ravir. La Tunisie, le Burkina Faso ou l’Egypte hier, l’Algérie aujourd’hui, semblent inaugurer un nouveau mouvement qu’on serait tenté de qualifier, à la suite du philosophe camerounais Charly Gabriel MBOCK, de ‘‘résistantialisme’’.
Face à l’ébullition de la scène politique africaine et la colère sourde des peuples qui s’élèvent contre l’oppression de leurs gouvernants, au vu de la violence des vents qui transportent ces contestations, la question que l’on est en droit de se poser aujourd’hui est la suivante : à qui le tour ?
‘‘Chronique précédement parue à Mutations’’