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Chronique : La ligne de fracture à propos de l’ensauvagement de la société camerounaise

Makon Richard J

C’est connu de tous, le conflit armé est le siège de la déshumanisation. Le conflit armé l’est incontestablement parce qu’il est, ontologiquement, une anomalie sociale, résultant de contradictions non surmontées à un moment donné dans une société. Le conflit armé l’est aussi, axiologiquement et téléologiquement, parce que les valeurs, les stratégies et les objectifs de celui-ci, quelles qu’en soient les formulations et les expressions, pour s’exprimer et se réaliser, passent inévitablement par un jeu de massacre où l’emporte généralement le plus sauvage et le plus barbare, c’est-à-dire celui-là qui cause et donne le plus la mort à l’autre, celui-là qui commet le plus de dégâts dans le camp de l’autre. Le conflit armé est enfin le siège de la déshumanisation parce qu’il prépare le lit douillet aux atrocités les plus innommables. L’histoire des conflits armés nous l’enseigne à suffisance.


Makon Richard J
Richard Makon – capture photo

Pour toutes ces raisons et pour bien d’autres encore le conflit armé doit être évité au maximum, qu’ils s’agissent de la guerre, c’est-à-dire d’un conflit armé international,  ou de la guerre civile, autrement dit d’un conflit armé non international. C’est d’ailleurs pourquoi lorsqu’ils surviennent, parce qu’ils n’ont pu objectivement être évités, leur déroulement est bien réglementé, la conduite des opérations y relatives bien encadrée.

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C’est l’objet des lois de la guerre, qui sont un ensemble de règles juridiques internationales qui constituent le droit international humanitaire, en l’occurrence au travers des Conventions de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels de 1977. Parce que même dans la déshumanisation il y a des limites, une ligne rouge à ne franchir sous aucun prétexte, une ligne de fracture dont le dépassement plongerait les auteurs dans un processus d’ensauvagement et dans l’état de bestialité.

Au Cameroun aujourd’hui, l’état de bestialité, nous y sommes plongés depuis quelques temps déjà. En effet, au-delà des morts des soldats de la République et des combattants sécessionnistes qu’on a cessé de dénombrer, au-delà des bavures de l’armée régulière et des exactions de groupes séparatistes qui se multiplient ces derniers mois, les séances publiques d’exécutions sommaires et les cérémonies ritualisées de décapitations de soldats et de civils par des groupuscules séparatistes ont fini d’installer cette épouvantable crise identitaire dans la sauvagerie et l’animalité.

Cela participe peut-être de la stratégie des acteurs. Mais au demeurant, s’il est indéniable qu’aucune justification ne peut légitimer ces atrocités, il est également vrai que celles-ci ont pour conséquence directe de délégitimer même les revendications les plus consensuelles portées par certains acteurs de cette crise, telles que celles de la nécessaire accélération du processus de décentralisation de l’Etat ou du renforcement impératif de l’autonomie des régions de notre pays.

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Ces atrocités ont aussi pour conséquence de repositionner l’Etat contesté et objectivement défaillant comme dernier rempart contre l’ensauvagement collectif et la survie de notre société.

C’est bien dommage, parce que quels que soient son positionnement politique, son inclinaison idéologique, son ou ses appartenances identitaires, son ou ses allégeances humaines et spirituelles, toute personne douée d’un minimum de raison et de  bon sens, face à cette barbarie, ne peut que dire, et surtout souhaiter ardemment, en âme et conscience, que cela cesse, et au plus vite !!!

Chronique précédemment publiée à « MUTATIONS »

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