Le brillant avocat pénaliste Claude Assira Engoute a écrit au Chef de l’Etat au sujet de la lutte contre le Covid-19.
Il s’inscrit en faux contre le confinement total. « Que sert-il de décréter, même sous peine de sanctions sévères le confinement dans une société où l’économie est à 80% appuyée sur l’informel? », s’interroge l’Avocat.
Le Ministre de la Communication et le Ministre de la Santé Publique ont fait le point ce 25 mars 2020 au cours d’un point de presse. Sur le confinement, le Ministre de la Communication est formel et rejoint dans ce sens Me Claude Assira : « La plupart des Camerounais vivent au jour le jour. Ils n’ont pas les moyens de se ravitailler pendant 15 jours ou un mois. Nous ne pensons pas qu’il faille par mimétisme, décider de faire ce qui est fait ailleurs », a déclaré René Emmanuel Sadi.
Lebledparle.com vous propose l’intégralité de la lettre.
LETTRE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU CAMEROUN
Monsieur le président de la République,
Je me réjouis que votre gouvernement et vous-même ayez vite compris l’urgence d’agir face à la tourmente sans précédent à laquelle notre peuple est confronté.
Le décompte quotidien du Ministre de la Santé du nombre de cas recensés sur notre territoire prouve la constance du gouvernement dans cette préoccupation.
Il en est de même des mesures de restrictions sur les habitudes de vie des Camerounais. Mais, Monsieur le Président de la République
Il ne faut pas que cela se limite à un simple ralliement à la mode.
Face à la gravité de la situation qui nous est annoncée par les experts, seule une prévention efficace peut permettre d’arriver à des résultats probants.
Et sur le terrain de la prévention, l’Etat du Cameroun doit pouvoir faire plus.
Par exemple, cette prise de conscience si nécessaire, par son aspect préventif suppose des moyens que la plupart des Camerounais (et peut-être des entreprises) n’ont pas à ce jour.
Que sert-il de décréter, même sous peine de sanctions sévères le confinement dans une société où l’économie est à 80% appuyée sur l’informel?
Les opérateurs (bayam sellam, bendskineur,etc) qui vivent au jour le jour et gagnent avec peine des revenus dérisoires grâce auxquels ils essaient de (sur)vivre et de faire (sur)vivre leurs familles et proches, n’auront jamais la possibilité de souscrire à quelque mesure de bon sens que ce soit s’ils ne sont pas assurés, d’une façon ou d’une autre, de la prise en charge de leurs besoins élémentaires…
Même s’ils comprennent la pertinence et l’intérêt de ces mesures, les décomptes de cas recensés et la crainte de sanctions ne seront pas suffisants pour les amener à s’y conformer.
Sans des mesures volontaristes que seul l’Etat peut prendre (dispositifs de ravitaillement ou d’aides à tous les ménages via les chefs de quartier sous la responsabilité des maires), la seule alternative qu’on leur offrirait c’est mourir de faim (à coup sûr) ou mourir de covid 19 (peut-être), mais mourir…
Considération distinguée.
Claude Assira